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Quels enjeux pour la présidence française du G20 ?

Publié par , le 28 décembre 2010.





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La France prendra la présidence du G20 le 12 novembre 2010, à la l’issue du G20 de Séoul. Elle prendra début janvier 2011 la responsabilité du G8. Le G8 devrait avoir lieu à Deauville, selon les dernières informations connues il pourrait avoir lieu les 26 et 27 mai 2011. Mais sa tenue demeure incertaine en raison de la réticence des États unis. Le G20 des chefs d’États aura quant à lui lieu les 3 et 4 novembre de la même année. Ils doivent être accompagnés de G8 et G20 thématiques : un G8 junior, trois G20 finance (les 17 et 18 février, en juin et en octobre à Paris), un G8 affaires étrangères en mars, un G20 social en mars également, G8 des présidents et recteurs d’universités à Dijon du 28 au 30 avril, un G8 des étudiants à Besançon du 5 au 7 mai, un G20 agriculture fin mai, ...
D’autres sommets devraient s’ajouter, comme ceux qui impliqueront le secteur privé, qui opère un lobbying très important autour du G20. Ainsi l’édition du G20 Business Summit qui s’est réuni à Séoul en novembre 2010 avec 120 des plus grandes entreprises et hommes d’affaires du monde, devrait être reproduite1. Un événement d’autant plus important désormais que le G20, a adopté le du Consensus de Séoul « pour la croissance partagée », lequel se traduit par un plan d’action pluri-annuel reposant en premier lieu sur la relance par les grands chantiers d’infrastructures.

Cette présidence des G8 et G20 constitue une dernière occasion pour Nicolas Sarkozy de restaurer son image dans l’opinion publique française à quelques mois des élections présidentielles. A n’en pas douter il cherchera à se poser en sauveur du monde, comme il s’était présenté en sauveur de l’Europe lors de la présidence française de l’Union européenne en 2008. Il s’érige en grand initiateur du G20, rappelant que celui-ci a été créé en 1999 sur proposition de la France et s’est réuni pour la première fois, sous son impulsion, en novembre 2008. Il prétendra un volontarisme sans faille à résoudre la crise internationale, afin d’éviter le risque qu’« au G20 de crise [succède] un G20 de gestion »2.

Pour gonfler l’importance du G20 et donc la sienne, Sarkozy proclame que les derniers G20 ont sauvé l’économie mondiale en répondant à la crise de liquidités, en revalorisant le FMI, en évitant le spectre du protectionnisme et en relançant une « croissance équilibrée »3. Les discours officiels récents évitent par contre soigneusement d’aborder la question de la régulation financière, qui avait pourtant été érigée en 2009 à Londres comme la question centrale. Or elle a totalement échappé au G20 depuis.
A l’ordre du jour de sa présidence, Nicolas Sarkozy s’est fixé 4 objectifs :
la réforme du système monétaire international : construire un « nouveau Bretton Woods » est un sujet cher à Nicolas Sarkozy. Or cette questionétait jusqu’à présent absente des Sommets du G20. Le sujet a peu été abordé à Séoul lors du dernier G20 qui s’est ouvert en pleine guerre des monnaies, il devra être discuté au cours du G20 français. Il s’agirait de dissuader les pays excédentaires d’accumuler des réserves de change, d’améliorer la coordination entre zones monétaires pour réduire les déséquilibres économiques mondiaux. Mais cela ne répondra au problème qu’à la condition de pousser dans le même temps à la diversification des devises utilisées dans le commerce international et les actifs de réserve, pour mettre un terme à l’hégémonie du roi dollar, ce dont les États-Unis ne veulent bien sûr à aucun prix. La proposition des États-Unis est de plafonner les excédents à +4% du PIB et les déficits à -4% du PIB des pays concernés. La France la relaie tandis que les grands pays exportateurs (Chine, Japon et Allemagne) la combattent farouchement.
La réduction de la volatilité des prix et de la spéculation sur les matières premières agricoles, les produits de base et surtout l’énergie. On peut d’ores et déjà regretter que par cette approche, la régulation financière soit désormais confinée à la question des matières premières. D’autant que les propositions effectives restent bien maigres, puisqu’il n’est fait état que de la nécessité d’accroître la transparence sur ces marchés, d’améliorer le dialogue entre producteurs et consommateurs ou encore d’étudier les produits dérivés et leurs mécanismes.
La gouvernance mondiale : Deux instances internationales retiennent l’attention de la présidence française. D’une part, Nicolas Sarkozy souhaite voir l’ONU renforcée et son Conseil de sécurité élargi. Elle souhaite également intensifier la collaboration entre le G20 et les Nations Unies. Mais la contradiction avec l’insistance de la France à faire du G20 le principal directoire mondial, en élargissant par exemple ses compétences aux questions de développement et de climat, ou encore avec la façon dont Sarkozy a dénigré l’ONU juste après le sommet de Copenhague, est flagrante. D’autre part, Nicolas Sarkozy veut continuer la réforme du FMI. A Séoul, a été entérinée la décision de transférer 6% des voix aux pays émergents, largement vers les pays producteurs de pétrole. Par ailleurs, les Européens ont accepté d’abandonner deux sièges au profit des émergents.
les « financements innovants » dont la taxe sur les transactions financières : en effet, devant la réticence des États-Unis, du Canada, de l’Australie et des nouveaux membres du G20 sur le sujet, le thème de la taxe sur les transactions financières souvent défendue par Nicolas Sarkozy (lors du Sommet de l’ONU sur les Objectifs du Millénaire pour le Développement ou lors du dernier Sommet de la Francophonie) a été élargi à l’ensemble des financement innovants. Par ailleurs, la taxe sur les transactions financières n’est plus évoquée pour son côté régulateur mais comme un outil pour dégager vingt ou trente milliards de dollars afin de financer la lutte contre la pauvreté mondiale et le réchauffement climatique. La France apparaît tout feu tout flamme au G20, mais est curieusement restée beaucoup plus timide sur cette question au niveau européen, alors même que c’est à ce niveau qu’elle pourrait peser concrètement pour la mise en œuvre de la taxation sur les transactions financières.

Une présidence ambitieuse sur des thèmes chers à la société civile (spéculation sur les matières premières, taxe sur les transactions financières...) mais qui seront abordées par un homme convaincu par le libéralisme. Tentative probable, aussi, à six mois des élections présidentielles, de désamorcer les revendications citoyennes en prétendant les reprendre à son compte mais faire face à l’opposition des autres États siégeant au G20. Par ailleurs, ce programme fait passer le G20 du statut de Forum de coopération pour la sortie de crise et la croissance équilibré à une arène de gestion de l’économie mondiale.

Dans le cadre du G8, Nicolas Sarkozy souhaite que les questions de sécurité et de lutte contre le terrorisme, ou encore le trafic international de drogue soient priorisées. Un autre sujet sur la table concernera les relations du G8 avec l’Afrique. Mais pour le moment, peu d’informations puisque que Barack Obama a fait connaître ses réticences à venir deux fois en France au cours de l’année 2011. Les deux Chefs d’États se rencontrant le 10 janvier, nous devrions en savoir plus prochainement.

Article paru dans Lignes d’Attac n°84 - Janvier 2011