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Mettre l’intérêt public au coeur de la politique d’investissement international de l’UE, juillet 2010

Publié par Collectif d’organisations, le 2 août 2010.

Déclaration de la société civile sur la future politique d’investissement de l’Europe, juillet 2010.

Commerce et développement InvestissementUnion européenneMouvement social et citoyen



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Suspension des processus de négociation et révision des accords existants.

Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, la compétence pour négocier et conclure des accords internationaux en matière d’investissement a été transférée des États membres à l’Union européenne.

Les organisations signataires pensent que les Traités d’investissement bilatéraux (TIB) conclus par les États membres, sont inappropriés, déséquilibrés, dépassés et ne doivent pas servir de modèle pour les futurs traités d’investissement de l’Union européenne.

En conséquence, ils demandent que :
– toutes les négociations en cours menées par les États membres soient suspendues jusqu’à ce que le nouveau cadre amélioré de la politique européenne d’investissement soit défini
– soit adoptée une clause de caducité pour tous les TIB en vigueur conclus par les États membres. Cette clause devrait établir la fin des TIB à une date précise, à moins que ceux-ci soient revus pour rééquilibrer la balance entre protection des intérêts publics et privés et en faveur d’une meilleure prise en compte des intérêts économiques, sociaux, environnementaux et de développement.
– la Commission européenne entreprenne un examen approfondi des TIB conclus par les États membres, ainsi que du fonctionnement des arbitrages internationaux entre État et investisseurs. Ceux-ci doivent être évalués au regard de leur impact sur la marge de manœuvre politique des gouvernements pour mettre en place des mesures encourageant le développement durable, l’équité sociale et de genre, ainsi que pour rendre effective les obligations des conventions internationales en matière de droits humains, des femmes, du travail, d’environnement et de changements climatiques.
– Soient tenues de larges consultations publiques, avant que soit prise toute décision en matière de politique européenne d’investissement.

L’Europe a besoin de réexaminer d’un œil critique les évolutions qui ont eu lieu ces dernières années matière de droit d’investissement, de politiques, de pratiques et d’expériences dans ce domaine. Elle doit s’assurer qu’elle ne répète pas les mêmes erreurs que les États membres, lors de la définition de ses traités d’investissement et des chapitres concernant l’investissement de ses futurs accords commerciaux. Il est temps de développer un nouveau modèle de traité d’investissement, qui promeut véritablement des investissements socialement et écologiquement durables sur le long terme, et qui améliore la transparence, la prévisibilité et l’équilibre du système actuel.


Une opportunité majeure pour encourager la cohérence des politiques

Depuis que le Traité de Lisbonne est entré en vigueur, la Commission européenne travaille sur l’élaboration de la nouvelle politique européenne en matière d’Investissement directs à l’étranger (IDE). Jusqu’à présent, la Commission européenne semble prioriser vouloir assurer « des garanties légales et un maximum de protection aux investisseurs européens »1. Elle ne semble pas s’inquiéter du manque de transparence de l’arbitrage en matière d’investissement, ni s’intéresser à contrôler et prévenir les impacts négatifs sur le développement, les droits humains et sociaux, ou l’environnement que peuvent avoir les TIB actuels des États membres.

Les organisations de la société civile signataires estiment que l’Union européenne devrait procéder à une évaluation critique du cadre international d’investissement en vigueur, plutôt que de simplement répliquer le modèle de traité d’investissement des États membres. Elle devrait tenir compte des faiblesses du cadre actuel et développer une politique en matière d’investissements étrangers qui rééquilibre les droits et devoirs des investisseurs. Elle devrait également promouvoir des investissements socialement et écologiquement durables sur le long-terme, qui concourent à la réalisation des objectifs de l’UE en matière de développement et de respect des droits sociaux, environnementaux, humain et des femmes.

Cette nouvelle politique doit être en conformité avec les nouvelles dispositions sur la cohérence des politiques figurant dans les objectifs globaux de la politique extérieure de l’Union européenne sous l’article 208 du Traité FUE (Traité de Lisbonne). Elle définit l’atteinte des OMD et la réduction de la pauvreté comme objectif central de la politique étrangère pour l’Union. Parallèlement et tel que cela a été souligné par le rapporteur spécial des Nations Unies sur Droits de l’Hommes et entreprises transnationales, les traités d’investissement doivent rééquilibrer les droits des investisseurs d’un côté, et les marges de manœuvre politiques des pays hôtes de l’autre, afin de permettre la protection et la promotion des droits humains – autre objectif horizontal de la politique extérieure européenne.

L’Union européenne a également souscrit à l’agenda de l’Organisation internationale du travail (OIT pour un travail décent. Les traités d’investissement devraient contribuer à renforcer le travail décent et à mettre en œuvre les standards fondamentaux en matière sociale et de droit du travail.

Le G20 a reconnu l’importance de s’attaquer aux déséquilibres dans l’économie mondiale. L’investissement peut jouer un rôle crucial dans ce sens. Les mesures de libéralisation et la protection des portefeuilles d’investissement ont exacerbé la volatilité sur les marchés financiers, ainsi que la spéculation et le développement d’un système bancaire occulte, qui ont contribué à la crise financière. Si le Traité de Lisbonne inclut l’investissement direct l’étranger dans les compétences de l’UE (les portefeuilles d’investissement n’en faisant jusque là pas partie), il ne donne aucune définition précise des IDE. Il est donc nécessaire d’adopter une approche prudente afin de lier les investissements à l’économie productive et de suivre leurs impacts.


En quoi les TIB existant portent-ils atteinte aux politiques de développement et d’intérêt public.

Nous estimons que plusieurs éléments de l’approche adoptée par les États membres doivent être révisés.

Les traités d’investissement des États membres accordent une large protection aux investisseurs et a contrario, imposent des obligations considérables à l’État recevant l’investissement (l’État hôte). Ceci peut porter atteinte au développement économique et social des pays sur le long terme, ainsi qu’aux droits des communautés locales. Cette attention particulière accordée à la protection des investissements – qui domine les modèles actuels de traité d’investissement - doit être questionnée et reconsidérée. La littérature concernant les impacts des investissements étrangers sur le développement (durable) dresse un bilan mitigé. Pour que les IDE bénéficient au pays hôtes, une politique basée sur la protection des investissements ne suffit pas. Pourquoi les traités d’investissement n’accordent-ils que des droits aux investisseurs et des obligations aux seuls États ? Pourquoi les traités d’investissement ne s’intéressent-ils qu’à la protection des investisseurs et pas à la promotion des investissements socialement et écologiquement durables ? Il est temps que les responsabilités des États hôtes et des investisseurs soient considérées sur un pied d’égalité..

La définition des investissement figurant dans les TIB actuels inclue souvent les portefeuilles d’investissement. Ceci permet aux firmes financières européennes de procéder à des opérations, des investissements et des spéculations purement financières dans les pays hôtes, étant couvertes par les clauses de protection. Les TIB garantissent également le droit à la libre circulation des capitaux, sans tenir compte de la responsabilité de la libre circulation des capitaux dans les phénomènes de spéculation, de fraude fiscale et d’évasion fiscale. Cette clause favorise ainsi la fuite des capitaux au sein des pays en développement, au lieu d’inciter les investissements qui soutiennent l’économie productive des pays hôtes. La protection de la libre circulation des capitaux est également une menace pour la stabilité financière, qu’elle soit locale ou internationale, et devrait être strictement limitée. La Cour européenne de Justice a déjà condamné certaines de ces dispositions dans les traités d’investissement, notamment celles liées à la libre circulation des capitaux, pour leur incompatibilité avec la législation européenne. Par conséquent, la future politique européenne devrait donner une définition claire et limitative des IDE.

L’impact de certaines dispositions, telle que la clause du « traitement de la nation la plus favorisée » (NPF) doit être réexaminée au regard des décisions prises par les tribunaux internationaux d’arbitrage ces dernières années, qui ont permis aux investisseurs « d’importer » certains engagements pris par l’État hôte dans d’autres accords. Ces évolutions limitent la marge de manœuvre politique des pays hôtes – y compris en Europe – alors que les bénéfices pour les États hôtes sont bien maigres.

Nous sommes également préoccupés par la faible précision du langage employé dans ces accords, qui laisse une part considérable à l’interprétation, notamment concernant les clauses d’expropriation ou celles garantissant un traitement juste et équitable des investisseurs étrangers. Ces imprécisions ont permis aux investisseurs de remettre en cause une large série de mesures réglementaires, y compris des mesures ayant clairement un objectif d’intérêt public.

La durée des traités bilatéraux d’investissement est également problématique. Alors que, pour la plupart, ils doivent être révisés tous les 5 ou 10 ans - et pour certains être ratifiés de nouveau, les dispositions de protection restent en vigueur pour des décennies après l’expiration, pour les investissements réalisés avant l’expiration. Ceci représente une barrière pour renégocier des accords plus équilibrés.

Un des éléments crucial et caractéristique des TIB est la procédure d’arbitrage investisseur - Etat. Cette disposition permet aux investisseurs de contester des actions et mesures prises par l’État hôte, directement au sein de tribunaux internationaux, sans besoin d’épuiser les voies de recours internes au préalable. Les États et les citoyens a contrario, ne peuvent porter de recours contre les investisseurs devant ces tribunaux internationaux. De surcroît, ces traités offrent des protections et droits aux investisseurs étrangers, sans considération à la portée des investissements, c’est-à dire sans s’interroger sur l’apport de ces investissements au développement du pays hôte. Cette procédure arbitrale manque cruellement de transparence, et s’inscrit ainsi en violation des politiques européennes d’accès à l’information. Par ailleurs, la réticence à ouvrir ces procédures aux témoignages et rapports de tierces parties, ainsi que le manque d’indépendance des juges, a contribué à des interprétations excessivement larges et souvent contradictoires du droit des investisseurs. Par conséquent, nous estimons qu’aucun futur accord d’investissement européen ne devrait contenir de procédure d’arbitrage investisseur - Etat.

Traduit de l’anglais

Source : http://www.s2bnetwork.org/statements.html

Signataires

Africa Europe Faith and Justice Network
FIAN International
Friends of the Earth Europe
Women in Development Europe
The Seattle to Brussels Network
Transnational Institute
AITEC, France
ATTAC Austria
ATTAC France
ATTAC Hungary
ATTAC, Spain
BothEnds, The Netherlands
Centre for Encounter and Active Non-Violence, Austria
Centro Nuovo Modello di Sviluppo, Italy
Christliche Initiative Romero, Germany
CINI (Coordinamento Italiano Network Internazionali), Italy
Coalition of the Flemish North-South Movement-11.11.11, Belgium
Comhlamh, Ireland
Coopi Piemonte, Italy
Corporate Europe Observatory, The Netherlands
CRBM, Italy
Ecologistas en Accion, Spain
FAIR, Italy
FIAN, Germany
Fondazione Culturale Responsabilità Etica, Italy
Informationsstelle Peru e.V., Germany
INKOTA, Germany
Kampagne Bergwerk Peru, Germany
MAIS, Italy
Oxfam International
Philippinenbüro, Germany
PowerShift, Germany
SOMO, The Netherlands
SÜDWIND e.V. - Institut für Ökonomie und Ökumene, Germany
Terra Nuova, Italy
Terre des hommes group Schäbisch Gmünd, Germany
UmweltRundschau, Germany
Verein zur Hilfe Umweltbedigt Erkrankter, Germany
War on Want, UK
World Economy, Ecology & Development (WEED), Germany

Documents à télécharger

  Politique européenne d’investissement Déclaration de la Société Civile


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