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TTIP : une menace pour le logement social, les droits fonciers et les villes démocratiques

Publié par Collectif d’organisations, le 7 juillet 2015.

Droit au logement et droit à la villeTAFTA/PTCICETA/AECGLogement socialDémocratie



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TTIP : une menace pour le logement social, les droits fonciers et les villes démocratiques
Barcelone, Bochum, Frankfort, Genève, Lisbonne, Madrid, Padoue, Witten,
Vendredi 17 Avril 2015

Les organisations soussignées, unies dans la lutte pour le droit au logement et à la ville, appuient vivement les manifestations contre la signature de l’accord de libre-échange TAFTA (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Europe et les Etats-Unis) ainsi que l’accord pré-négocié AECG (Accord Economique et Commercial Global). Le 18 Avril, des manifestations se sont déroulées partout en Europe.

Cela fait des années que les groupes environnementaux, les associations de consommateurs, les syndicats et les organisations de la société civile mettent en garde contre le TAFTA et ses effets ravageurs sur les normes environnementales pour l’agriculture, les normes de santé pour les aliments ainsi que les normes de travail pour les services. Parce que le TAFTA est négocié dans la plus stricte confidentialité et parce que cet accord va accorder toujours plus de tribunaux arbitraux en faveur de la protection des investisseurs, de nombreuses personnes craignent qu’il soit accompagné d’une altération significative des principes de souveraineté nationale et de démocratie. Des militants anti-TAFTA attendent également des conséquences négatives sur la protection contre la fracturation hydraulique, l’éducation publique, les services municipaux et la réglementation des produits financiers. Nous craignons également que cet accord ait des conséquences désastreuses sur le développement urbain, le marché immobilier, le logement et le marché foncier.

Parce que l’accord TAFTA est discuté à huis clos, nous n’avons, jusqu’ici, pas pu connaître les détails et conséquences concrètes qu’il aura sur le logement et le développement urbain. Nous ignorons si cet aspect est pris en compte dans les négociations. Nous n’avons aucune garantie que l’expulsion du marché immobilier, le logement public/social ou la réglementation des investissements financiers soient des problématiques discutées par les négociateurs. C’est pourquoi nous craignons le pire. Les accords TAFTA et AECG peuvent avoir un impact non négligeable sur les villes et les pays.

D’après les effrayantes et déroutantes informations dont nous disposons, le TAFTA a 4 objectifs : (1) la réduction des barrières commerciales non tarifaires, (2) la protection des investisseurs transnationaux, (3) l’harmonisation des normes industrielles, (4) l’introduction de tribunaux arbitraux commerciaux. Chacun de ces objectifs peut affecter les logements, le foncier et les villes de différentes manières.

(1) La réduction prévue des barrières commerciales non tarifaires pourrait bafouer l’encadrement juridique national concernant la mobilité du capital et les transactions transnationales, y compris pour le marché immobilier et le marché foncier. Jusqu’à présent, certains pays d’Europe continuent de limiter le droit des étrangers de posséder des terres agricoles et des biens immobiliers.

D’autres parviennent à protéger certains terrains et biens immobiliers du marché privé grâce à des politiques publiques de logements social. Partout, la règlementation concernant l’enregistrement de la propriété nationale pourrait être perçue comme un obstacle aux échanges commerciaux. Avec l’implantation de l’accord TAFTA, une telle règlementation pourrait être remise en question. Par conséquent, de plus en plus de biens pourraient devenir la cible d’investisseurs financiers transnationaux. Les réglementations nationales ou européennes sur des systèmes de prêts hypothécaires peuvent également être considérées comme une barrière commerciale pour les marchés financiers. En raison d’une réglementation des plus strictes aux US, les propriétaires de biens hypothéqués pourraient être les premières victimes. Tout cela peut mener à une globalisation encore plus rapide de la financiarisation du logement. Outre la concentration transnationale du capital, cela permettra d’augmenter le risque d’apparition de nouvelles bulles financières et immobilières.

(2) La protection des droits des investisseurs transnationaux, ici discutée, peut directement influencer les politiques nationales ou locales à l’égard de la gestion du parc de logements, qui appartiennent à des fonds d’investissement ou à des sociétés par actions dont les filiales et actionnaires sont internationalisés. Cette thématique concerne également les partenariats public-privé qui permettent la production de logements sociaux, d’infrastructures publiques et même les joint-ventures encouragées par la commission européenne, comme en Italie. Toute limitation de l’exploitation commerciale de la propriété, grâce à l’amélioration des droits des locataires, des nouvelles règlementations d’urbanisme ou encore la taxation des transactions financières pourraient être interprétées comme une violation des droits de propriété et de la sécurité des investisseurs.

L’adoption de règlements permettant la protection des locataires insolvables ou la réquisition des appartements vides pour le logement social, attentes réalistes exprimées par des partis progressistes (comme Podemos en Espagne), pourraient être attaquées par des fonds comme Blackstone ou Goldman Sachs, qui ont déjà envahi le marché du logement et procédé à de massifs rachats d’hypothèques. En conséquence, même les pays qui ont déjà adopté des règlementations permettant de protéger les locataires insolvables ou qui permettent des réquisitions de logements vacants (Italie et France) pourraient être pressionnés. La sécurisation de la propriété foncière aux US pourrait ainsi être remise en cause par des actionnaires américains. L’approbation par l’Allemagne de lois concernant l’encadrement des loyers, pourrait être interprétée comme une menace à l’égard des investisseurs et actionnaires tout droit venus des Etats-Unis ou du Canada (Blackrock ou Sun Life), la juste valeur des compagnies de logement est donc affectée.

(3) L’harmonisation des normes industrielles affecte potentiellement l’ensemble des droits des consommateurs et peut conduire à un affaiblissement des normes de construction, à une détérioration des matériaux de construction, de la qualité des services architecturaux et à la dérégulation des produits financiers et des contrats hypothécaires. Les nouveaux matériaux de construction au rabais peuvent constituer une menace pour les normes écologiques (non respect des limites d’autorisation de bois tropicaux), les normes de santé (utilisation de substances nocives) et les normes de production sociale (conditions de travail). Parce que les autorités publiques seront obligées de choisir l’offre la moins chère de la compagnie, la compétitivité mondiale sera poussée à l’extrême.

(4) Les tribunaux arbitraux jugeront les violations des accords de libre-échange sans être suppléés par les règlementations nationales, les constitutions ou les droits de l’homme internationaux. Dans de nombreux pays, ils seront tout simplement considérés comme des droits « extraconstitutionnels ». D’après la constitution de nombreux pays européens, la propriété conduit à des obligations sociales. Ce n’est pas le cas dans les accords de libre-échange. Dans ce contexte, il est important de noter le risque d’une forte demande de dommages et intérêts par les grandes compagnies qui auront une forte influence sur la législation. Les gouvernements n’oseront pas améliorer le contrôle des loyers ou limiter l’autorisation de construction sur un territoire s’ils ont à craindre une demande de milliards de dollars en raison des pertes financières des investisseurs.

Nous ignorons si les thématiques du logement et du marché immobilier seront secrètement abordées lors des négociations, mais il sera difficile de réduire l’impact du TAFTA sur ces thématiques spécifiques étant donné que les lois cadres de cet accord prévaudront sur les lois de protections commerciales nationales.

Les investisseurs internationaux peuvent également facilement changer la composition de leurs actions si cela peut permettre d’éviter des impôts et certaines régulations concernant des branches spécifiques. Les banques pourraient tout simplement utiliser leurs filiales existantes ou créées de nouvelles en Europe ou aux États-Unis pour attaquer les réglementations nationales lors des tribunaux arbitraux. De plus petits propriétaires pourraient faire des joint-ventures aux US et en Europe pour pouvoir bénéficier des droits des investisseurs transatlantiques. Les lobbies nationaux du secteur de l’immobilier trouveront des solutions pour renforcer leurs pouvoirs par rapport aux législations nationales en termes de politiques de l’habitat.

Tout cela va avoir des effets considérables sur le développement urbain et la planification du territoire. Une entreprise transatlantique qui a acheté un terrain dans une zone de développement pourra dénoncer une violation de la sécurité de l’investissement si le conseil municipal décide ultérieurement de réduire la densité de la construction commerciale, augmenter la part de la construction de logements sociaux ou des espaces verts, ou arrêter le projet. Les promoteurs privés auront alors les pleins pouvoirs et seront libres de développer de grands projets de développement urbain comme l’aménagement des rives, la construction de centres commerciaux et ainsi poursuive, sans contrainte aucune, l’épuration urbaine des quartiers populaires.

La démocratie locale sera détruite. Cela est également valable pour les politiques locales de logement et les infrastructures publiques. Les plébiscites locaux réclamant l’approbation de plans urbains alternatifs ou d’avantage de logements sociaux, comme cela se fait à Berlin, pourraient être confrontés à la possibilité que les tribunaux commerciaux transatlantiques fassent pression pour qu’ils ne soient pas mis en œuvre. Les normes de construction municipales - comme l’obligation d’utiliser des produits respectueux de l’environnement ou de rémunérer les travailleurs de la construction étrangers par un salaire minimum – pourraient facilement être remis en question.

Finalement, le TAFTA et l’AECG auront une lourde influence sur les politiques Européennes. Dans le secteur de la construction, de nombreuses normes pourraient être remises en question dans le cas où elles ne seraient pas en harmonie avec les normes américaines en vigueur. Les demandes de renforcement des règlementations auraient davantage d’obstacles à passer pour être mis en œuvre. Les attaques actuelles de la commission européenne à l’égard du logement social ne seraient alors qu’un prélude de ce qu’il pourrait se passer avec la signature du TAFTA. L’abandon de l’Union Européenne aux marchés financiers serait alors finalisé !

Ainsi, en tant qu’organisations de locataires et d’habitants nous devons craindre que les accords envisagés n’encouragent une lourde dynamique de privatisation et que les investisseurs tirent les ficelles de nos villes et de nos villages. Le TAFTA pourrait déclencher un tsunami d’expulsions de personnes de leurs terres, de leurs logements et menacer directement le fonctionnement des infrastructures sociales ainsi que la gestion démocratique du territoire en Europe, Amérique du Nord et au-delà. Au lieu de tirer des leçons de l’explosion de la bulle spéculative en 2007/08, le néolibéralisme destructeur semble se frayer un chemin et est soutenu par de nombreux gouvernements et institutions (incluant les domaines du logement et du développement urbain ; cf : la préparation de la conférence de l’ONU, Habitat III).

Nous devons les arrêter.

Nous avons besoin de solides alliances entre les mouvements sociaux européen et nord-américains, y compris les organisations d’habitants et de locataires, pour exiger de nos gouvernements de ne pas signer le TAFTA.

Pas de TAFTA !

Premiers signataires :

AK Kritische Geographie Frankfurt a.M. (groupe de geography critique), Allemagne
Habita – Associaçao pelo Direito a Habitaçao e a Cidade, Lisbon, Portugal
International Alliance of Inhabitants
MieterInnenverein Witten u.Umg.e.V. (Witten Tenants Association) and Habitat Netz e.V., Witten, Allemagne
Mieterforum Ruhr (Forum de propriétaires de la Ruhr)
Plataforma de Afectados por la Hipoteca (PAH), Espagne
Tribunal des Evictions (Genève)
DAL (Droit Au Logement) France
AITEC (Association Internationale de Techniciens Experts et Chercheurs) France



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