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Communiqué de la FIDH et du VHCR : accord de libre-échange UE-Vietnam : la Commission européenne reconnue coupable de mauvaise administration

Publié par AITEC, le 10 mars 2016.

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La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et du Comité vietnamien des Droits de l’Homme (VHCR) ont rédigé un communiqué à propos de la décision de la Médiatrice européenne concernant l’absence d’études d’impact sur les droits humains dans l’accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Vietnam.

Le 1er février dernier, la Commission Européenne a rendu public le texte de l’accord de libre-échange (ALE) entre l’UE et le Vietnam, avant la période de lissage juridique. Cet ALE est particulièrement stratégique pour l’Union Européenne car le Vietnam et ses 90 millions d’habitant.e.s est une des économies les plus dynamique de la région du sud-est asiatique. L’accord doit encore être ratifié par les parlementaires européens avant son entrée en application.

L’accord prévoit une libéralisation accrue des échanges commerciaux entre les deux parties qui passe par :

  1. L’abaissement des barrières douanières pour de nombreux produits, notamment l’alimentation, l’automobile, le textile, issus de l’industrie chimique et pharmaceutique, etc.
  2. L’ouverture des marchés publics vietnamien aux entreprises européennes. Alors que l’économie vietnamienne est encore fortement étatisée, il s’agit pour les grands groupes européens d’avoir enfin accès aux marchés publics pour les Ministères (notamment l’infrastructure), hôpitaux, entreprises d’État ou encore deux des villes d’Hanoi ou d’Ho Chi Minh City.
  3. La libéralisation de nombreux services : financiers, de télécommunication, transports, services postaux, etc.

L’accord contiendra également un mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États. À l’instar des autres mécanismes d’arbitrage privés, celui-ci offre aux investisseurs des privilèges auxquels eux seuls ont droit face aux États et ne garantit pas l’indépendance des juges. Enfin, il contraint fortement les possibilités d’évolutions démocratiques laissées aux sociétés dans le choix de leur politique publique à mettre en oeuvre.

Loin d’ouvrir de nouveaux droits sociaux, économiques et démocratiques au peuple vietnamien, l’accord de libre échange risque d’avoir des conséquences négatives tant sur les services dispensés aux vietnamien.ne.s, que sur l’emploi.

La dénonciation, par la médiatrice européenne, de l’absence d’étude d’impact comme préalable à la négociation l’accord de libre-échange (ALE) entre l’Union Européenne et le Vietnam crée un précédent qui pourrait contraindre la Commission européenne à mener systématiquement des études d’impact sur les droits humains avant toute négociation relative à des accords de commerce et d’investissement. Aujourd’hui, l’impact de tels accords sur les droits humains n’a aucune influence sur le cours des négociations. La Fédération Internationale des Droits de l’Homme (FIDH) et le Comité vietnamien des Droits de l’Homme (VHCR) demandent aux parlementaires européens de repousser la ratification de l’accord tant qu’une étude d’impact n’a pas été réalisé et que ses préconisations ne sont pas en mesure d’influencer le contenu des négociations.

Veuillez trouver ci-dessous le communiqué de la FIDH et du VHCR :

Accord de libre-échange UE - Vietnam : la Commission européenne reconnue coupable de mauvaise administration

Le 26 février, la médiatrice européenne a conclut que le refus par la Commission Européenne de conduire une étude d’impact sur les droit humains constituait un acte de mauvaise administration. La FIDH et le Comité vietnamien des Droits de l’Homme (VHCR) saluent cette décision historique qui fait suite à la saisine de la médiatrice contre les manipulations opérées par la Commission Européenne au sujet de l’Accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Vietnam (ALE).

Le Parlement Européen, qui doit ratifier cet accord, a invité la FIDH et Mme O’Reilly pour exposer leur point de vue sur le sujet. La FIDH demandera aux parlementaires européens de prendre leur responsabilité et de s’assurer que l’accord de libre-échange respecte les obligations européennes en matière de droits humains.

Karim Lahidji, président de la FIDH, a déclaré que : « La décision de la médiatrice européenne permet de faire un pas concret afin de s’assurer que l’UE respecte les droits humains dans sa politique de commerce et d’investissement. Cette décision doit être prise et considération et soutenue par les parlementaires européens. »

La décision de la médiatrice met en exergue la nécessité de conduire des études d’impact sur les droits humains (dont le contenu doit atteindre une exigence minimale), avant toute conclusion d’un accord, dans l’objectif d’influencer réellement le contenu des négociations. La médiatrice en réfère expressément aux lignes directrices, adoptées en juillet 2015, concernant les analyses d’impact sur les droits humains dans les études d’impact commerciales. Elle insiste également sur la nécessité pour l’Union Européenne de prévenir les impacts négatifs des accords de commerce et d’investissement en modifiant certaines dispositions et en mettant en oeuvre des mesures d’atténuation avant leur conclusion.

De plus, la médiatrice a rejeté explicitement les arguments de la Commission Européenne, qui considérait que la clause sur les droits humains ainsi que les outils traditionnels de dialogue et de coopération inscrits dans l’ALE étaient suffisants pour respecter les obligations européennes en matière de droits humains. La médiatrice a soulignée « qu’elle considérait qu’il n’était absolument pas suffisant de développer des politiques publiques et des instruments de promotion des droits humains et dans le même temps, de conclure un accord de libre-échange qui pourrait ne pas être en conformité avec les exigences européennes en matière de droits humains. »

Vo Van Ai, Président du VHCR, a déclaré que : "la décision de la médiatrice a créé un précédent important dont le Parlement Européen devait se saisir afin d’exiger des garanties réelles sur les droits humains avant la signature de l’ALE avec le Vietnam. La mise en oeuvre par l’Union Européenne d’études d’impact sur les droits humains doit être une condition préalable à tout accord de commerce et d’investissement. Il s’agit d’empêcher un État de bénéficier des relations commerciales privilégiées avec l’UE tout en violant les droits de son peuple."

La FIDH et le VHCR considèrent cette décision comme la consécration de la notion de droits humains dans les politiques commerciales. Ces derniers ne peuvent être réglés par la diplomatie douce, des conseils techniques ou des allocations budgétaires. Cela nécessite donc une révision de l’accord proposé et le renforcement des mécanismes de protection des droits humains. Le projet d’ALE qui est soumis à la signature du Parlement Européen ne mentionne les droits humains que dans son préambule et ne prévoit pas d’obligations claires et exécutoires pour les parties et les investisseurs afin qu’ils respectent le droit international relatif aux droits humains. En conséquence, cet accord ne répond pas aux obligations légales de l’UE à l’égard des droits humains. L’UE devrait donc remédier à son absence d’exigences relatives aux droits humains, par la mise en oeuvre d’un monitoring des droits humains et d’un mécanisme de recours pour les populations dont les droits humains peuvent avoir été impactés par l’accord de commerce et d’investissement.

Alors que le débat commence à peine sur le projet de traité, les violations des droits humains augmentent de façon alarmante au Vietnam. Afin d’éviter les critiques, le gouvernement vietnamien avait réduit les poursuites pénales à l’encontre des défenseurs des droits humains pendant les négociations sur l’ALE et particulièrement en 2015. Cependant, les forces de sécurité ont multiplié les agressions physiques, le harcèlement et la répression contre les défenseurs des droits humains. Des dizaines de blogueurs, syndicalistes, de militants pour le droit à la terre, de membres de minorités ethniques, groupes religieux ou de défenseurs des droits humains restent en prison. Les libertés d’opinion (dont religieuse), d’expression, d’association, de réunion sont sévèrement limitées. De plus, le Vietnam continue d’adopter de nouvelles législations pour réduire davantage ces droits, y compris de nouvelles lois sur la croyance et la religion, l’accès à l’information, le droit d’association et de manifestation. Le code criminel, révisé en 2015, augmente les peines encourues pour les défenseurs des droits humains par le maintien de la disposition sur la « sécurité nationale » qui viole grossièrement les traités internationaux signés par le Vietnam. Le Vietnam ne compte ni de médias, ni de syndicats indépendants, et les organisations de la société civile réellement indépendantes sont farouchement réprimées.



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