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Vote de la loi Sapin II à l’Assemblée nationale : une avancée ?

Publié par AITEC, le 9 novembre 2016.

Commerce et développement GouvernanceInfluence des lobbies



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La loi Sapin II sur la transparence de la vie économique a été votée par l’Assemblée nationale mardi 8 novembre 2016. Le texte contient certaines avancées en matière d’encadrement du lobbying : il prévoit la mise en place d’un registre obligatoire pour les représentants d’intérêt commun auprès des instances législatives et du gouvernement ; la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique est dotée de moyens de contrôle et de sanction en cas de violation de la loi par les lobbyistes. La violation des règles exposera à des peines allant jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende.
Mais la loi comporte de nombreux oublis, et loin d’être suffisantes, les mesures prévues brillent également par leurs insuffisances.

D’abord, la définition des représentants d’intérêts pose problème. Dans le texte, les organisations professionnelles d’employeurs ne seront pas considérés comme des lobbies, alors que les associations de défense des droits de l’Homme ou de protection de l’environnement seront considérés comme tels . Cette difficulté terminologique crée une défaillance énorme dans l’encadrement du lobbying, puisque des organisations patronales, souvent entendues dans le cadre de l’élaboration de politiques publiques en dehors des rendez-vous dédiés au dialogue social, pourront transmettre des positions ou recommandations en toute opacité.

Ensuite, les exigences de transparence requises par le registre sont quand à elles très limitées. Par exemple, il n’est pas demandé aux lobbyistes de rendre public les positions ou arguments défendus auprès des décideurs ainsi que les interventions qui influencent l’élaboration des normes. De plus, le registre proposé ne concerne que les activités passées des lobbyistes (celles de l’année précédente), et pas les activités en cours, ce qui ne permet pas aux citoyens ou à l’ensemble de la société civile de réagir en temps utile. Enfin, l’origine du financement des groupes de lobby ne fait pas partie des exigences de transparence du registre, ce qui pose un gros problème de transparence.

Par ailleurs, le Projet de loi Sapin II, dans son titre II, renvoie la responsabilité de définir les règles d’encadrement et de conduite des parlementaires aux bureaux des deux chambres, Assemblée nationale et Sénat (en lien avec le Déontologue mis en place en 2011). C’est un problème à plusieurs égards :
 Il y a un conflit d’intérêt évident à ce que les parlementaires définissent les règles qui leur seront appliquées, et qu’il revienne au bureau de l’Assemblée nationale, et non à une entité indépendante telle que la HATVP, de trancher sur les situations de manquement à la déontologie des parlementaires eux-mêmes ;
 Le processus de définition de ces règles est opaque, puisqu’il n’y a pas de calendrier indicatif ni d’orientation politique globale.

En outre, les règles devraient notamment fournir des éléments précis et contraignants sur le fonctionnement des clubs parlementaires : les groupes d’intérêt externes au Parlement et les cabinets de relations publiques ne devraient pas être autorisés à les créer et les animer.

Notons également qu’une amende de 15 000€ est un montant ridicule si l’objectif est de forcer des cabinets de lobbying dont les chiffres d’affaires s’élèvent à des centaines de milliers d’euros, voire millions d’euros pour certains, à respecter la loi.

Pour que les citoyens soient en mesure de connaître les arguments et informations transmises par les lobbies auprès de leurs représentants et des autres décideurs, et pour que les circuits d’influence sortent de l’ombre, il est impératif que les citoyens puissent avoir accès à ces informations, savoir quels dossiers font l’objet d’interventions d’acteurs tiers, de quel budget ceux-ci disposent, quels décideurs ils rencontrent, et pour leur dire quoi. Mais la loi Sapin 2 telle qu’elle a été votée ne permet pas encore une vraie transparence des activités des représentants d’intérêts.

En plus de ces limites, rien ne garantit que la loi Sapin 2 aboutisse à la mise en œuvre des quelques avancées qu’elle permettrait. En effet, l’application de la loi exige les décrets d’application afférents, dont le processus d’élaboration auront lieu après les élections présidentielles de mai 2016. L’incertitude politique laisse présager que la mise en œuvre ne suivra pas le vote, et que la loi Sapin II restera lettre morte.

Le besoin d’encadrement du lobbying est donc loin d’être réglé en France, c’est pourquoi nous devons rester attentif au sort de la loi Sapin II pour que les minces progrès qu’elle représente ne soient pas réduits à néant, et pour que le débat se poursuive afin que les circuits de la décision publique fonctionnent dans l’intérêt général, et non pas seulement au bénéfice des lobbies industriels et financiers.

Voir également notre rapport sur l’influence du lobbying de l’agro-industrie dans TAFTA-CETA



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