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Retour sur les négociations à l’ONU pour un Traité contraignant multinationales et droits humains : une nouvelle étape de franchie, mais une mobilisation plus nécessaire que jamais !

Publié par AITEC, le 30 octobre 2017.

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Retour sur une semaine de négociations à l’ONU pour un Traité contraignant multinationales et droits humains : une nouvelle étape de franchie mais une mobilisation plus nécessaire que jamais

Les États se sont réunis la semaine dernière à Genève, pour négocier à l’ONU le premier texte d’un traité sur l’obligation de respect des droits humains par les multinationales [1]. Des représentants de centaines de mouvements et d’organisations de la société civile du monde entier, dont la campagne française pour un traité contraignant [2] étaient présents pour réaffirmer l’importance d’une réglementation internationale permettant enfin aux victimes de dommages causés par les multinationales d’avoir accès à la justice et d’obtenir réparation.

À l’issue d’une dernière journée extrêmement tendue en raison de l’attitude obstructive de certains États dont l’Union européenne, le rapport de la session a finalement pu être adopté. Cela signifie que les négociations devraient se poursuivre. Les conclusions finales devraient être adoptées d’ici deux semaines.

Cette session était d’une importance particulière puisque pour la première fois, les États disposaient d’éléments de négociations [3] proposés par l’Équateur, qui préside le groupe de travail chargé de l’élaboration du Traité. En dépit de la grande modération et éventail de propositions des premiers éléments, l’UE a, dès la première matinée, a tenté d’entraver le processus, en pinaillant sur des points d’ordre du jour et revenant sur des questions vieilles de trois ans. Si l’ordre du jour a fini par être validé, non sans retarder le reste des discussions plus sérieuses portant sur le contenu du traité, de nombreux pays réticents à s’engager dans le processus, comme la majorité des pays européens à travers l’UE, la Suisse, le Mexique, la Russie, ou encore la Chine, se sont contentés de questionner continuellement l’Équateur sans apporter leur pierre à l’édifice.

Ces tentatives de diversion portaient sur le processus, mais également sur les Principes directeurs des Nations unies sur les entreprises et les droits humains. On l’aura compris, les opposants appartiennent au groupe des pays défendant la suppression de toute entrave pour les entreprises, et privilégiant l’auto-régulation. Ainsi, au lieu de réfléchir sur des propositions concrètes pour faire véritablement évoluer le droit international portant sur la défense des droits humains contre les abus des multinationales, ces pays défendent des principes non contraignants, qui n’ont à ce jour jamais marché. Preuve en est, la continuité des catastrophes environnementales et humaines ponctuant l’actualité.

Dans le cas de l’Union européenne, la stratégie d’unité des États membres a eu pour conséquence qu’aucun pays, à l’exception notable de la France, n’a participé aux discussions. Une honte alors que les pays de l’UE sont parmi les premiers pays hôtes de sociétés multinationales dans le monde. La France, de son côté, forte de sa loi sur le devoir de vigilance des sociétés mères et donneuses d’ordre, imparfaite mais pionnière en la matière, a eu une attitude plus constructive, alimentant les négociations avec les avancées de sa loi notamment sur les mesures préventives. Cette loi a considérablement fait avancer les discussions, de la première séance plénière pendant laquelle le député Potier, un des artisans de la loi, a présenté à l’Assemblé le contenu de cette loi, jusqu’aux interventions de la société civile et du président du groupe de travail.

Certaines questions ont soulevé des réticences et débats houleux. Par exemple, l’UE souhaite que le champ d’application du Traité concerne toutes les entreprises, y compris les PME, et non pas seulement les multinationales. Étrange lorsque l’on sait que dans d’autres processus législatifs [4] l’UE défend exactement l’inverse. L’objectif réel de cette position est donc la mise en difficulté du Traité même, dont la raison d’être est pourtant de combler les lacunes du droit international en matière de régulation de entreprises transnationales. Les obligations directes pour les multinationales sont critiquées par certains États, comme la Chine. En revanche, les représentants des communautés affectés par les multinationales, la société civile et de nombreux experts y sont favorables puisqu’elles permettraient de lutter efficacement contre l’impunité. Enfin, la proposition de création d’une cour internationale pour juger les multinationales est un des points qui divise le plus, de nombreux États jugeant la mise en place d’une telle cour impossible. Pourtant, le Traité doit prévoir la mise en place de mécanismes de mise en œuvre effectifs, qui privilégient les juridictions nationales, associés le cas échéant à la création d’un tribunal international et non un système d’arbitrage privé. Dans le même temps, nombre d’opposants s’attellent actuellement à la création d’une Cour multilatérale pour l’investissement [5], destinée à offrir aux investisseurs une cour internationale pour défendre leurs intérêts. L’argument de la faisabilité n’est donc qu’une façade pour la défense les multinationales.

En revanche, certains sujets ont avancé comme les mesures préventives telles que le devoir de vigilance, que la France a défendu et qui a trouvé un écho favorable. Le chapitre sur l’accès à la justice pour les victimes et le diagnostic proposé dans les éléments de négociation ont été largement soutenus, y compris par l’UE.

La présence du lobby des multinationales
La Chambre internationale de commerce ou encore l’Organisation internationale des employeurs ont critiqué l’idée même du Traité, martelant que des obligations concernant les droits humains nuiraient aux investissements directs étrangers, ou que les multinationales n’ont pas besoin d’obligations puisque leurs bonnes pratiques suffisent... Mais les faits contredisent ces propos [6].

Finalement, l’élaboration progressive des discussions tout au long de la semaine, malgré le peu d’engagement des premiers jours, permettra à l’Équateur d’avoir assez de matière pour proposer un « Draft 0 » - dans le langage de l’ONU - pour la prochaine session de négociation en 2018.

Tout au long de la semaine, une forte mobilisation de la société civile
Sur la place des Nations, en marge des négociations, des organisations et représentants de communautés affectées du monde entier se sont mobilisés pour attirer l’attention sur la réalité des crimes commis par les multinationales. Cette mobilisation a été coordonnée par la Campagne internationale pour démanteler le pouvoir des multinationales et mettre fin à l’impunité.

Dans un contexte de mise en danger du multilatéralisme, notamment par les États-Unis, l’Union européenne a un rôle majeur à jouer dans ce processus, et les citoyens européens, de plus en plus inquiets de l’impunité des multinationales, doivent exiger, via leurs gouvernements et auprès des institutions de l’UE elles-mêmes, qu’elle soutienne activement ce processus.

En France, alors que le ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves le Drian a annoncé à l’Assemblée nationale le 17 octobre que « la France sera très déterminée à faire en sorte que cette proposition de traité soit activée et puisse retenir l’attention des Nations unies » [7], les citoyens et la société civile attendent que le gouvernement joue un rôle moteur dans l’UE.


[1Voir notre article du 3 octobre 2017 « Vers un traité contraignant de l’ONU pour les multinationales et les droits humains » http://aitec.reseau-ipam.org/spip.php?article1637

[2La campagne française est composée de : Aitec, Amis de la Terre France, CCFD-Terre Solidaire, CGT, ActionAid Peuples Solidaires, Collectif Éthique sur l’Étiquette, Sherpa, France Amérique Latine, Attac france, Union Syndicale Solidaires

[4Règlement européen pour mettre fin au commerce des minerais des conflits, loi française pour le devoir de vigilance

[6Voir les rapports de l’Aitec « LafargeHolcim au Cameroun : Djoungo sous la poussière d’une multinationale » et des Amis de la Terre et Action Aid -Peuples Solidaires « Fin de cavale pour les multinationales ? »



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