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Contribution à Habitat II des associations françaises de solidarité internationale

Publié par AITEC, le 9 mars 2007.

Droit au logement et droit à la villeConférences Habitat



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Ce texte a été élaboré, discuté et adopté par un groupe de travail représentant la plupart des associations de solidarité internationale (terme qui nous caractérise mieux que celui d’organisation non gouvernementale) travaillant, en France et en partenariat avec des associations en Europe et dans les pays du Sud, sur l’habitat et le développement urbain. Dans son état actuel, il traduit à la fois un accord et une prise de position commune des associations françaises de solidarité internationale.

Préambule

1. Les sommets et conférences du système des Nations unies se succèdent, abordant d’année en année les grandes questions qui agitent la planète et son devenir : Vienne et les droits de l’homme, Le Caire et la population, Rio et l’environnement, Copenhague et le développement social, Pékin et les femmes et, demain, Istanbul et les villes.
Du point de vue des associations de solidarité internationale (ASI), le bilan de ces conférences internationales officielles justifie un certain pessimisme sur la capacité des Etats à construire un système international démocratique. Quelle que soit la diversité, voire la vivacité des débats, les Etats participants ne s’engagent au bout du compte que sur des déclarations reflétant le plus petit dénominateur commun acceptable dans le contexte du moment. S’ils ne sont plus censés ignorer les recommandations émises à ces occasions, ils n’en modifient pas pour autant leur comportement.

2. Néanmoins, ces conférences sont l’occasion d’échanges, de débats, de rencontres parallèles, entre les nouveaux acteurs de la scène internationale. Ces rencontres et leur préparation permettent de réunir information et documentation ; des argumentaires s’élaborent, des positions s’affirment. Elles contribuent à la construction d’une opinion mondiale. Elles ont progressivement entériné la place croissante d’autres partenaires aux côtés des Etats, plus particulièrement les associations et les municipalités. On peut se féliciter de ce que les ASI ne constitueront pas seulement un sommet parallèle, en marge d’Habitat II, mais qu’elles seront aussi intégrées à la conférence. Il paraît donc important que les ASI explicitent leurs positions afin de jouer un rôle d’interlocuteur, et si nécessaire de contrepoids, face aux Etats.

3. La première conférence sur l’habitat et les établissements humains a eu lieu à Vancouver en 1976 et a donné naissance à la CNUEH de Nairobi. En vingt ans, le discours international sur l’urbain a profondément évolué. Du logement et des techniques appropriées, on est passé à la ville ; de la politique urbaine à la gestion urbaine ; d’une franche opposition Nord-Sud (nantis-démunis) à la montée des difficultés sociales au Nord dont l’expression est particulièrement vive dans les villes et leurs banlieues. Le discours aujourd’hui n’est plus de remise en cause et de revendication, mais d’aménagement, « d’accompagnement ». Il s’est complexifié et technicisé en même temps qu’il perdait une grande part de son contenu politique.
L’enjeu aujourd’hui n’est plus tant, dans un monde en croissance, de rattraper le niveau de vie des plus riches, que de lutter contre l’exclusion, au Nord comme au Sud, dans un monde à deux ou trois vitesses. Notre perspective est celle du droit à la ville et au logement pour tous, et il ne pourra être effectif sans efforts spécifiques et volontaristes envers les défavorisés.
Le problème de l’habitat rural ne doit pas être sous-estimé même si, dans le contexte d’Istanbul, l’accent est mis sur les villes, dans leur environnement global.

4. Nous ne pouvons accepter un monde à irresponsabilité illimitée. L’argument d’une pénurie de ressources pour investir dans les logements et l’habitat pour les secteurs non solvables n’est pas acceptable. En réalité, le monde est progressivement plus productif, plus riche. Depuis 1960, la production mondiale de biens a augmenté deux fois et demi plus que la population. Ce n’est pas la masse des richesses produites qui est en régression, mais leur distribution et leur affectation. Le logement et l’habitat sont des investissements hautement productifs, tant du point de vue social qu’économique ; ils sont une des conditions fondamentales de la poursuite de l’activité des hommes ; ils s’intègrent et socialisent.

5. Nos sociétés sont aujourd’hui soumises à une pensée économique présentée comme la meilleure et la seule possible : le libéralisme. Certes, l’économie de marché est extraordinairement performante pour développer la productivité. Mais elle se traduit par une logique d’ajustement structurel imposée à toutes les économies, du nord comme du Sud. Ouverture des frontières, mouvements de capitaux, priorité à l’exportation, réduction des déficits budgétaires et notamment des dépenses de santé et d’éducation... chaque société doit se soumettre aux exigences du marché mondial. Mais avec les richesses, ce système produit des pauvretés ; avec le bien-être de quelques-uns, le déracinement et la perte de sens pour beaucoup d’autres.
Les ASI, dans leur travail d’appui aux populations des quartiers pauvres, sont confrontées aux problèmes de chômage, de ressources, de formation, de crédit ... Elles savent que les efforts des populations, pour importants qu’ils soient, restent limités dans leurs résultats. Elles souhaitent voir s’ouvrir de véritables espaces de négociation entre les habitants et leurs représentants, les pouvoirs publics locaux et centraux, les organismes internationaux, pour apporter une contribution utile et efficace à la construction de la ville de demain.

6. Bien que travaillant le plus souvent avec les exclus et les laissés pour dompte, les ASI se distinguent clairement des associations d’habitants. Ces dernières se constituent le plus souvent en réponse à des difficultés quotidiennes bien identifiées (groupes d’envahisseurs de terrain, associations pour la collecté des ordures ménagères ou la revendication de services auprès de la municipalité... ). Elles sont représentatives des habitants d’un point de vue territorial ou communautaire.
Les ASI interviennent en appui aux associations d’habitants, mais elles n’en sont pas les représentantes. Elles ont aussi leurs objectifs propres et sont porteuses de valeurs de solidarité dans leur pays et dans le monde. Pendant longtemps les ASI ont méconnu la ville au nord, tandis qu’au sud elles sont intervenues principalement en milieu rural ou dans la ville (sur des questions de santé, de formation, de protection de l’enfance... ), plus que sur la ville. Les ASI dont la compétence est spécifiquement urbaine sont rares et leurs actions au sud limitées car les financements dévolus à des projets urbains restent marginaux. Néanmoins, ces ASI se professionnalisent : fortes de leurs expérimentations et du travail de capitalisation accompli ces dernières années, elles proposent désormais un point de vue sur la ville, ainsi que des pistes et des méthodes d’intervention. C’est à partir des principes dont elles se réclament, de leur pratique et de leur réflexion que les ASI dressent un état des lieux de la problématique urbaine et définissent leurs propositions.

Principes

7. Quatre principes ont été définis au cours des précédentes rencontres de la communauté internationale, notamment aux sommets de Rio et de Copenhague : ce sont les principes de durabilité, d’égalité, de citoyenneté et de solidarité. Les ASI réaffirment leur adhésion à ces principes et pensent que leur traduction dans les stratégies et programmes de développement urbain pourrait permettre d’atteindre les deux principaux objectifs énoncés par les Nations unies en vue d’Habitat Il : un logement convenable pour tous, des établissements humains viables.
Ces principes permettent aux ASI de construire leur analyse spécifique des situations et des contextes, de définir leurs positions par rapport aux politiques nationales et aux institutions internationales, d’avancer leurs critères d’évaluation pour ne pas se laisser enfermer dans des a priori implicites, de fonder leurs propositions et leurs méthodes d’intervention.

Durabilité

8. Le principe de développement durable, commun à toute décision depuis Rio, s’applique avec une acuité particulière à la problématique urbaine. Il signifie que la gestion des villes doit tenir compte de la durée et des besoins des générations présentes, tout en préservant les possibilités des générations futures.
L’urbanisation s’accompagne de nuisances : extension foncière qui menace les sites et les ressources naturelles, émission de rejets et de déchets, etc. Celles-ci sont d’autant plus difficiles à gérer que la ville est dense et étendue et que le niveau de développement économique est bas. Elles nécessitent des politiques urbaines intégrées (logement, transport, hygiène, production), une réglementation des politiques industrielles et énergétiques, en relation avec l’environnement régional et planétaire.
Le développement durable doit recouvrir toutes les dimensions du développement humain (économique, sociale et culturelle), et notamment garantir les conditions d’hygiène et de santé des populations et favoriser l’éducation et la formation.

Egalité

9. Le principe d’égalité est lié à la reconnaissance des droits fondamentaux de la personne humaine. Il vise à garantir à chacun et sans discrimination le développement de ses facultés.
Dans la ville, l’égalité concerne principalement le droit d’accès au sol et le droit au logement, le droit au travail, à l’éducation, à la santé, à la justice et à la sécurité.
Les différences dans l’aménagement, l’équipement et l’entretien des quartiers (dont témoignent les distinctions entre ville légale et quartiers irréguliers, ou entre centre planifié et habitat spontané périphérique, ville-centre et banlieues-zones) sont de fait la traduction concrète de discriminations socio-écononiques. L’accès à la ressource foncière est l’une des premières conditions du droit à la ville.
Les collectivités publiques ont le devoir de mettre en œuvre des politiques assurant la promotion de l’égalité, ainsi que des mécanismes de régulation économique et sociale garantissant l’accès des plus pauvres aux équipements (eau potable, assainissement, énergie... ) et aux services de base (éducation, santé, sécurité... ).
L’égalité dans l’aménagement urbain passe par une approche globale et une planification. Elle suppose des systèmes de financement faisant appel à des mécanismes de péréquation dans la fiscalité locale et nationale.
10.. L’égalité dans la ville est inséparable de la prise en compte des rapports socioculturels entre les sexes. L’approche par le genre, dans un objectif d’égalité entre les hommes et les femmes, est maintenant envisagée comme élément de connaissance incontournable et novateur. Elle devient le fil conducteur privilégié de la redynamisation des méthodes de travail, apte à susciter un débat neuf qui fera apparaître d’autres choix envisageables en matière d’aménagement et de gestion des cités.
En effet, si les femmes représentent 50 % de la population, elles ont été tout particulièrement absentes des décisions ayant trait au développement et à la gestion des villes. L’analyse du cadre de vie par l’expertise et le regard des femmes aura l’avantage d’aborder de façon qualitative des préoccupations essentielles pour l’ensemble des citoyens, en vue de favoriser un changement en profondeur visant l’égalité et la qualité de vie pour tous.

Citoyenneté

11. La citoyenneté est, au-delà de l’affirmation des droits, la reconnaissance et la mise en œuvre de la responsabilité de chacun dans la vie présente et future de la cité. Chacun doit pouvoir agir sur les décisions qui le concernent. Ainsi la participation populaire est au centre du processus de développement urbain dans tous les secteurs de la vie économique et sociale. C’est elle qui permet aux exclus, aux urbains pauvres et aux femmes d’être reconnus comme acteurs de leur développement. Pour les ASI, l’affirmation du principe de citoyenneté va de pair avec la démocratisation des instances de décision et la participation de tous les habitants au processus de développement de la cité. Elles revendiquent de nouvelles relations entre démocratie représentative et démocratie participative.
Les organisations et associations de quartier sont des lieux de participation effective à la vie urbaine et, de ce fait, doivent être soutenues.

Solidarité

12. Le principe de solidarité renvoie à la conscience d’une communauté d’intérêts qui entraîne l’obligation morale de ne pas desservir les autres et de leur porter assistance. Pour les ASI, le principe de solidarité se traduit par le partenariat qui est à la fois un objectif et un moyen de leur intervention.
Au niveau local, ce principe découle d’une conception collective du développement qui s’appuie sur des appartenances culturelles ou sur des situations économiques et sociales défavorables qui soudent les individus. Cette solidarité est un levier important pour les initiatives locales menées par les habitants regroupés en comités de quartier ou en coopératives.
Au niveau national, la solidarité repose davantage sur un sentiment d’interdépendance des individus et se traduit par l’émergence de regroupements des organisations populaires. Celles-ci jouent un rôle déterminant comme interlocuteurs des pouvoirs publics dans la définition des politiques et programmes de développement.
Au niveau international, la mondialisation et la prédominance de la logique économique obligent les ASI du Nord et les organisations non gouvernementales du Sud à faire cause commune pour lutter contre les inégalités auxquelles elles se trouvent confrontées. Des relations de partenariat peuvent ainsi s’établir entre acteurs du développement qui partagent des convictions, déterminent ensemble les objectifs de projets et de programmes, s’enrichissent mutuellement à travers un dialogue constant et l’échange d’expériences en réseau. Ce partenariat est l’expression d’une solidarité active.

Etat des lieux

13.. L’état des lieux dressé par les ASI résulte des constats qu’elles sont amenés à faire à partir de leur pratique au niveau local et au regard de leurs principes. De leur travail quotidien, dans les quartiers, auprès des habitants, elles ont sur le monde et ’ses mutations un point de vue original. Un état des lieux aujourd’hui sur le logement et l’urbain se décline à quatre niveaux : local, national, régional et mondial.

Au niveau local

14. Nous sommes témoins, au Nord, comme au Sud, de la difficulté à vivre la ville au quotidien : insuffisance des infrastructures de base, chômage ou sous-emploi, progression de la délinquance et du crime, sans-abris, pollution, faiblesse des ressources locales... Plusieurs « villes » se juxtaposent ainsi dont le niveau d’équipement et d’intégration sociale s’opposent.
Dans le même temps, les populations s’organisent pour revendiquer, voire pour prendre elles-mêmes en charge, du fait de l’absence d’intervention publique, une partie des fonctions d’intérêt collectif.
De plus, parallèlement au processus d’urbanisation, on observe depuis le milieu des années 1980 un mouvement progressif de décentralisation des compétences et des pouvoirs jusque-là détenus par l’Etat et les administrations centrales. Villes et régions acquièrent une autonomie plus grande. Néanmoins les collectivités locales ne disposent pas des ressources suffisantes pour mettre en œuvre leurs nouvelles attributions (des transferts financiers, des réformes de l’assiette fiscale et des modes de perception sont notamment nécessaires).
Les actions entreprises par les associations ne peuvent être durables que si elles sont relayées au niveau des collectivités locales et de l’Etat ; si elles s’inscrivent dans une continuité institutionnelle et si, en retour, elles contribuent à la démocratisation des Etats. Les collectivités locales jouent en ce sens un rôle indispensable d’intermédiation, de coordination et d’arbitrage.

15. Face à ces réalités, la position des ASI est de :

 partir des associations d’habitants pour les aider à formaliser leurs demandes, à améliorer l’efficacité de leurs réalisations et de leurs actions. L’enjeu est de faire reconnaître la légitimité de leur parole et leur existence comme citoyens à part entière, par des pouvoirs « représentatifs »pas toujours à l’écoute de leurs « administrés » ;
 privilégier le quartier, qui est une bonne échelle d’intervention permettant de dépasser les logiques sectorielles pour appréhender l’urbain sur un mode territorial, dans toutes ses interactions et sa complexité ;
 assumer une fonction d’intermédiaire et de médiateur entre les divers acteurs de la vie urbaine.

Au niveau national

16. Les ASI constatent un désengagement progressif de l’Etat qui cède ses fonctions productives, mais aussi de service, au secteur privé. Or la ville ne peut se passer d’une intervention publique, : elle génère des externalités que le marché ne peut réguler (pollution, spéculation foncière et immobilière... ). En outre, il ne peut y avoir de consensus sur la « meilleure ville » possible : la ville la plus souhaitable pour les entreprises n’est pas forcément la ville la plus souhaitable pour ses habitants ...
La ville reflète les choix politiques, économiques et sociaux des gouvernements. On constate aujourd’hui un certain nombre de lacunes qui contribuent à développer la marginalisation et l’exclusion : une absence de coordination entre les institutions ; des mécanismes juridiques inefficaces pour faire reconnaître et appliquer le droit au logement ; l’impact des réglementations sur le marché du logement, et particulièrement du logement social ; les politiques de transfert des ressources publiques (entre l’Etat et les collectivités locales, entre collectivités locales...

17. Pour les ASI, l’Etat tire sa légitimité de sa fonction de garant du bien-être collectif. Il lui revient de définir le mode et l’ampleur de la redistribution des richesses et de mettre en œuvre le cadre institutionnel et réglementaire d’une politique de la ville à la fois plus juste et plus durable.
Les ASI veulent contribuer à une démocratisation plus grande des choix et des décisions qui concernent le futur des villes et de leurs habitants : elles militent pour une plus grande participation des citoyens ; elles font émerger les problèmes et les portent devant l’opinion, jouant ainsi un rôle de groupe de pression pour influer sur les politiques mises en œuvre.

Au niveau géopolitique régional

18. En même temps que se développe la mondialisation des échanges, on assiste à l’émergence de blocs régionaux plus ou moins structurés (l’Union européenne, l’AILENA, le Mercosur, l’ANASE, les « triangles de croissance » asiatiques...). La plupart de ces organisations régionales visent en premier lieu l’abaissement des barrières commerciales et une plus grande fluidité des échanges et des mouvements de capitaux. Bien que peu d’entre elles se soient donné dans leur mandat des fonctions politiques et sociales, elles pourraient aussi être des lieux d’apprentissage de la coopération entre les Etats et contribuer en ce sens à consolider la paix. C’est à leur échelle que peut se définir une politique concertée d’aménagement du territoire, dans la mesure où elles. s’attachent réellement à favoriser un développement viable, responsable et équitable pour tous à long terme.
19. Les ASI voient dans cette progression de la régionalisation un moyen dé, dépasser le cadre souvent trop étroit des Etats. Les ASI ont déjà adopté cette dimension régionale, d’abord en développant des réseaux d’échanges d’expériences et de formation mutuelle, ensuite en élaborant des propositions communes qu’elles défendent devant les instances compétentes (par exemple, la Asian Coalition for Housing Rights qui lutte contre les expulsions, ou la Charte européenne pour le droit à habiter et la lutte contre l’exclusion). Les réseaux de villes se sont également développés à l’échelle de ces grandes régions géopolitiques. Ces initiatives témoignent de la parole de la société civile à un niveau de pouvoir largement contrôlé par les intérêts économiques et les pratiques technocratiques.

Au niveau planétaire

20. Le 20e siècle restera sans doute dans l’Histoire comme celui qui aura initié la mondialisation : celle des guerres, de l’économie et de la communication. C’est aussi le siècle de l’urbanisation rapide et massive, avec notamment l’apparition de mégalopoles multimillionnaires. L’expansion à l’échelle de la planète d’une même logique économique génère au Nord comme au Sud les mêmes types de réponses, dont les villes et leurs dysfonctionnements renvoient une image exacerbée. Il devient nécessaire de repenser les migrations internationales dont l’importance est liée aux disparités économiques, aux droits des minorités et au respect des droits de la personne. Il devient également nécessaire de repenser les fonctions et les formes d’organisation des villes.
21. Les ASI constatent que la maîtrise de l’urbanisation exige de renouveler la réflexion sur les relations villes/campagnes, sur la démographie et les migrations internationales. Nous reconnaissons que les villes jouent désormais un rôle moteur dans le développement économique. Mais la maîtrise de l’urbanisation passe par l’adoption et la mise en œuvre de politiques permettant de corriger les externalités négatives créées par la concentration urbaine.
Nous travaillons à une prise de conscience universelle et à une vision planétaire.

Propositions

22. Nos propositions en tant qu’ASI sont organisées autour de huit thèmes :

a) le partenariat ;
b) le cadre institutionnel ;
c) les méthodes et les politiques spécifiques (l’accès au foncier, aux financements, aux matériaux, à la conception des projets, des programmes et des politiques, aux services urbains) ; d) les projets et les interventions des ASI (principes et méthodes) ;
e) les politiques nationales du logement, de l’habitat et de la ville ;
f) les stratégies. et les interventions des institutions nationales ;
g) le système international ;
h) les relations avec les autres acteurs : municipalités, chercheurs, experts et professionnels, administrations, entreprises et secteur économique, agences de coopération, institutions internationales, associations d’habitants, mouvements populaires et syndicats.

Les principes énoncés ont des conséquences à chacun de ces niveaux. Ils nous conduisent d’une part à exprimer des demandes concernant l’évolution des contextes et des dispositifs institutionnels en vigueur, d’autre part à expliciter la nature de leurs engagements dans l’action pour participer à cette évolution.

23. Nous concevons toute relation de coopération comme devant nécessairement être fondée sur la reconnaissance de l’égalité entre les acteurs qui la nouent. Elle doit être établie sur la base d’un intérêt mutuel. Elle doit enfin s’inscrire dans la durée.
Compris comme relation fondée sur ces principes, le partenariat doit constituer la base et la méthode de construction de rapports de coopération renouvelés entre les mouvements associatifs d’une part (associations d’habitants, de citoyens ou de producteurs et leurs regroupements), et entre ceux-ci et les ASI d’autre part.
Dans ce but, nous demandons que le mouvement associatif soit reconnu en tant que représentation des intérêts directs des habitants, complémentaire de la représentation par délégation issue des élections.
Les ASI, reconnaissant qu’elles sont des entités distinctes du mouvement associatif de base, s’engagent à renforcer l’autonomie de celui-ci, à se faire le porte-parole de ses revendications et à mettre en place des moyens et des méthodes qui contribuent à la consolidation de ses actions. Elles s’engagent à nouer des relations de partenariat avec les associations du Sud dans cet objectif. Elles s’engagent enfin à favoriser l’établissement de liens directs, fondés sur ces mêmes principes, entre les’ mouvements associatifs du Nord et du Sud.

24. Le cadre institutionnel et juridique doit garantir l’existence et les formes de fonctionnement du mouvement associatif, et notamment la liberté d’expression et le droit d’association.
Aux niveaux local et national, les administrations doivent accepter l’autonomie et l’indépendance de ces associations. Elles doivent notamment reconnaître à celles-ci le droit et le pouvoir de nouer des relations avec les personnes et les institutions de leur choix. Elles doivent enfin accepter de travailler avec le mouvement associatif.

Nous demandons que soient introduits et garantis, dans le droit international, la liberté d’ex- pression et le droit d’association.
De façon générale, nous appelons toutes les institutions à tous les niveaux, à prendre en compte le point de vue du mouvement associatif à l’associer aux projets mis en œuvre et aux débats sur les programmes et les politiques.

De leur côté, les ASI s’engagent à considérer la cohérence territoriale et nationale de leurs actions, en termes de politique de développement économique, social et spatial.
Cette reconnaissance toutefois ne vaut pas acceptation des orientations municipales ou nationales et ne saurait conduire à un contrôle a priori de leurs actions. C’est dans le cadre de leur partenariat avec le mouvement associatif du Sud qu’elles entendent définir leur position par rapport à ces orientations.

25. Nous revendiquons l’égalité de l’accès pour tous à l’habitat et à la ville. Constituer ceci en référence pour l’action exige aujourd’hui de réaliser un effort particulier pour les plus démunis et pour les femmes.
Les actions développées à tous les niveaux doivent s’inscrire dans la durée et être définies et mises en œuvre selon des méthodes démocratiques.

Il appartient aux Etats et aux collectivités locales d’assurer l’application de ces principes.
C’est à partir de la reconnaissance, de l’accompagnement et de la mise en synergie des initiatives locales que peuvent et que doivent être conçus des programmes innovants et forgées des politiques alternatives.

Dans le domaine de l’accès au sol, nous demandons que soient garantie la sécurité foncière, menées des politiques de régularisation et mis à disposition des terrains.
Des programmes et des politiques alternatifs de financement sont possibles qui s’appuient sur la mutualisation des ressources publiques et privées, à partir de la mobilisation de l’épargne populaire, ou encore sur des systèmes de banques de matériaux facilitant l’auto-promotion et l’expression des savoir-faire et des solidarités populaires.

26. De façon à ce que chacun puisse effectivement participer aux décisions qui le concernent (principe de citoyenneté), que soient pris en compte les intérêts de tous (principes d’égalité, et de solidarité) et que les actions engagées intègrent le temps long de l’éco-développement (principe de durabilité), nous demandons que les politiques nationales du logement, de l’habitat et de la ville soient débattues publiquement, notamment au niveau des programmes d’ajustement structurel. Nous sommes prêtes, sous ces conditions, à inter- venir en appui à des politiques respectant les principes qui nous guident.
De la même façon, en ce qui concerne l’accès aux services urbains, la mise au point de programmes et de politiques doit prendre appui sur l’action participative directe, au niveau local, qui fait la preuve de son efficacité.
Les besoins spécifiques des femmes, notamment des femmes seules chefs de famille ou âgées, doivent être mieux pris en compte.

27. Nous accordons une place stratégique à l’action par projet.
Les projets sont un moyen privilégié de tester, évaluer et valider des méthodes et des dispositifs innovants d’intervention. Ils offrent l’opportunité de développer en pratique des synergies entre les acteurs. Ils permettent enfin d’alimenter les débats d’orientation générale, tant du point de vue des projets urbains que des formes et des méthodes de coopération. Dans ce sens, les ASI demandent à être reconnues comme des acteurs à part entière des processus de développement urbain et à être associées, dans le respect de leur autonomie et des principes qui les guident, à l’action et à la réflexion collective dans ce domaine.
Elles s’engagent, à ce niveau, à définir et mettre en œuvre leurs projets dans le cadre de partenariats avec les mouvements associatifs du Sud et à prendre en compte la cohérence territoriale et nationale de ces projets.

28. Il appartient aux institutions nationales de définir des stratégieset des interventions fondées sur ces mêmes principes.
Respecter le principe de citoyenneté notamment, exige d’intégrer la participation populaire dans l’élaboration et la conduite des interventions -, celui d’égalité, de mettre au point des systèmes de péréquation, permettant l’accès de tous à l’habitat et à la ville.
Dans les différents domaines d’intervention, et principalement dans les domaines du logement et des services urbains, nous demandons que soit défini et garanti un service économique d’intérêt général.

29. Nous demandons aux institutions internationales de définir des orientations qui tiennent compte des principes de durabilité, d’égalité, de citoyenneté et de solidarité. Nous attendons de ces mêmes institutions qu’elles reconnaissent leur autonomie et ne les subordonnent pas aux projets mis en œuvre.
Nous demandons que les conditions d’application du principe du droit au logement soient définies, notamment sur le plan financier, et que des programmes de logement des sans-abri soient mis en œuvre.
Nous nous engageons à participer aux projets cohérents et fidèles à ces principes.

30. Nous souhaitons travailler sans exclusive avec tous les autres acteurs du développement urbain : les municipalités, les chercheurs et les formateurs, les experts et les professionnels, les administrations, les entreprises, les agences de coopération et les institutions internationales, les associations d’habitants, les mouvements populaires et les syndicats.
Nous entendons bâtir des alliances avec ces différents acteurs dans un cadre général de respect des intérêts des uns et des autres et sur les bases suivantes :

 avec les municipalités, à partir d’une reconnaissance réciproque de leur légitimité respective ;
 avec les chercheurs et les formateurs, dans la mesure où ceux-ci s’attacheront à produire et à diffuser des connaissances qui tiennent compte des intérêts, des pratiques et des attentes de toutes les catégories d’habitants d’une part, et dont l’évaluation d’autre part ne soit pas uniquement fondée sur des critères financiers ;
 avec les experts et professionnels qui sauront construire des méthodes d’action renouvelées intégrant les principes énoncés et s’appuyant sur des pratiques nouvelles ;
 avec les administrations qui auront garanti le droit d’association et respectent la liberté d’ex- pression ;
 avec les entreprises ouvertes à l’invention d’un partenariat économique entre le Nord et le Sud fondé sur une rentabilité globale (et non exclusivement financière) qui prenne en compte les questions de l’emploi, du revenu et de la satisfaction des besoins ;
 avec les agences de coopération et les institutions internationales reconnaissant leur légitimité et leur indépendance ;
 avec les associations d’habitants et les mouvements associatifs qui intègrent leurs actions dans la durée et prennent en compte la cohérence générale de celles-ci.

Nous sommes disposés à contribuer à l’organisation du dialogue et de la concertation entre l’ensemble de ces acteurs, à travers deux modalités principales. la mise en œuvre de projets communs d’une part, le débat sur les programmes et les politiques d’autre part.

Novembre 1995

Associations signataires :

ACTION NORD SUD, ACROTERRE, AITEC* (Association Internationale de Techniciens, Experts et Chercheurs), AFED (Association Femmes et Développement), LES AMIS DE LA TERRE, ARCI (Association de Recherche Coopérative Internationale), BIOFORCE RHÔNE-ALPES, CCFD* (Comité Catholique contre la Faim et pour le Développement), CEDAL (Centre d’Etude du Développement en Amérique Latine), CIDCE* (Centre International de Droit Comparé de l’environnement), CIMADE*, CRATERRE, CRIAA (Centre de Recherche Information Action pour le Développement en Afrique), CRID* (Centre de Recherche et d’Information pour le Développement), DAL (Droit au Logement), 4D (Dossiers et Débats pour le Développement Durable), FDA (Environnement et Développement Alternatif), ENERGY 21*, EUROPE 99 POLITIQUE DE CIVILISATION, FONDATION ABBÉ PIERRE*, FORUM DE DELPHES, FRÈRES DES HOMMES*, GROUPE DEVELOPPEMENT, GRET* (Groupe de Recherche et d’Echanges Technologiques), GROUPE CADRE DE VIE DE LA CHARTE EUROPÉENNE DES FEMMES DANS LA CITÉ*, GRDR (Groupe de recherche et de réalisation pour le Développement Rural), INGÉNIEURS SANS FRONTIÈRES, LIGUE FRANÇAISE DE L’ENSEIGNEMENT ET DE L’ÉDUCATION PERMANENTE, ORCHIDÉES, PACT ARIM INTERNATIONAL, RITIMO (Réseau d’Information Tiers-Monde), SURVIE, TERRE DES HOMMES, TRANSVERSALES SCIENCE CULTURE.

(*) Associations ayant participé à l’élaboration du texte.



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