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Gestion des services publics locaux

Publié par , le 12 mars 2007.





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I - DEFINITIONS

• Ce sont des services publics de proximité - mais les services de proximité ne sont pas tous des "services publics". Ils sont parfois confondus aujourd’hui du fait d’interventions publiques sur les services de proximité. Ils sont produits et gérés par les collectivités territoriales (le plus souvent municipales), soit de par leurs compétences générales, soit du fait de compétences déléguées par la décentralisation (qui a spécialisé les compétences, ce qui pose le problème de leur juxtaposition) ou de compétences en matières industrielle et commerciale.

• Ils peuvent être classés selon leur statut juridique, qui conduit à un équilibre financier par l’impôt et/ou par la participation des usagers. Certains sont à caractère administratif (para-scolaires - sportifs, culturels - sociaux). Ils peuvent donner lieu à participation des usagers pour accéder au service, l’équilibre financier étant réalisé par l’impôt. Pour les services sociaux (enfance, personnes âgées), la participation peut être modulée selon le revenu des familles (principe du quotient familial).
Les services à caractère industriel et commercial ne peuvent être équilibrés que par la participation des usagers (électricité, gaz, eau, assainissement, abattoirs, logement social, maisons de retraite).

• Ils répondent à des besoins de personnes ou à des besoins économiques : les repas pour personnes âgées répondent à des besoins de personnes et l’abattoir, à des besoins économiques. Beaucoup sont mixtes (ainsi des transports en commun). La crèche est à la fois un parking pour les enfants des travailleurs et un espace de socialisation. L’école (y compris l’université) devient un parking dans certaines crèches maternelles où les parents laissent l’enfant dormir, ne le reprenant que le week-end.
Les besoins nécessitent une qualification du service ren-du, qui est au cœur de la légitimité de la production du service.

• Selon leur caractère de service collectif pur, mixte ou privé, ils peuvent (sons certaines conditions) rentrer dans le secteur concurrentiel ou semi-collectif. Par l’impôt négatif, la théorie libérale tente de résoudre la question du service collectif. Le prix d’accès au service a un double objectif : diminuer le coût social et optimiser la fréquentation du service. En accordant des crédits à certains particuliers, on peut rendre le service totalement privé et définir des standards d’accessibilité à tous.
Le service répond soit à la notion de service collectif, soit à celle de monopole naturel (réseaux d’électricité, gaz, eau as-sainissement). Dans le second cas, le tarif couvre le coût du monopole, évitant le gaspillage (théorie du prix au coût marginal) et supprimant la rente de monopole (cf. le partage de la rente).
Le service public doit répondre à plusieurs critères de redistribution (économiques, sociaux, culturels).
En termes de légitimité, les services publics locaux sont produits, gérés, contrôlés, concédés par des assemblées délibérantes locales. La réalité est beaucoup moins claire que l’énoncé de ces principes généraux.

II - ANALYSE ACTUELLE

Crise et quasi-stagnation rendent impossible de baser la production de services publics sur la solvabilité (même faible) d’une partie des bénéficiaires. Un cinquième de la population active est désormais en situation de quasi-insolvabilité. La notion de prix d’accès au service (y compris par le quotient familial) est remise en cause, alors même que la population qui reste solvable réclame toujours les mêmes services.
Les inégalités spatiales vont croissantes, entre rural et ur-bain et dans l’infra-urbain. D’où une différence de moyens en-tre collectivités territoriales qui remet en cause le principe mê-me d’universalité du service. Des études montrent qu’en réalité, le service n’est pas rendu de la même façon selon les espaces.

Les évolutions économiques, sociales et culturelles rendent les personnes de plus en plus mobiles dans l’espace et le temps. Dès lors, la demande de service public ne correspond plus aux espaces institutionnels traditionnels de production du service (commune et département). Le besoin de service public se fait sentir aussi bien là où l’on dort (quartier) qu’au niveau de l’espace (agglomération). Avant, la commune correspondait à la fois à l’espace de vie et de travail ; aujourd’hui, les espaces se sont élargis et dissociés. Les contrôles démocratiques directs diminuent donc sur la production et la gestion des services, dont les assemblées élues au suffrage universel sont dessaisies au profit d’instances du second degré.

L’évolution des technologies et des normes implique de nouveaux savoirs-faire, des conditions d’hygiène et de sécurité que les collectivités ne peuvent ni ne veulent assumer. Il en résulte :

 une concentration de certains services au niveau inter-communal : communauté urbaine et district en agglomération, syndicat en milieu rural. Le contrôle électif se fait au second degré ;

 un pouvoir de délégation largement utilisé (caisses des écoles, centres communaux d’action sociale). Dans ces organismes, les élus ne sont pas toujours majoritaires. Mise en régie à personnalité morale (dans le meilleur des cas) ou concession privée des services à caractère industriel ou commercial (ex. : transports en commun gérés en régies, qui peuvent elles-mêmes concéder à des personnes privées - c’est apparu lors des récentes grèves) ;

 la gestion des activités sportives et culturelles par des associations, le développement de l’économie mixte en matière d’aménagement et de gestion économique.
D’où des distorsions et des inadéquations fortes. Entre production de service et contrôle politique issu du suffrage universel direct. L’absence de contrôle démocratique de l’usager-citoyen. L’inadéquation entre niveaux de collectivité territoriale et niveau de gestion des services. L’inadéquation du service rendu aux besoins des populations : la population solvable a une demande à dominante de plus en plus économique ou culturelle ; la population non solvable a une demande surtout sociale. Ces inadéquations sont amplifiées par la nature culturelle de certains services.

Le plus souvent, les politiques n’ont pas eu connaissance de cette évolution de la demande. Car en produisant des services, ils assuraient leur réélection par satisfaction d’une classe moyenne dont le niveau de revenu correspond à un parti : revenus moyens-inférieurs pour le P.C., moyens pour le P. S., supérieurs pour la droite. L’égalité de service se résumait à une question de tarification permettant l’accès de tous. L’aide sociale résolvait les problèmes de paupérisation. Aujourd’ hui, la demande d’aide sociale a explosé et les couches moyennes réclament une amélioration du service pour compenser leur sentiment d’abandon, leur précarisation. Et pour répondre à l’accroissement de leurs besoins économiques.

III - PROSPECTIVE

Les services publics locaux sont aujourd’hui à redéfinir entièrement : quels services pour quelles populations ? La légitimité de la gestion et du contrôle sont tout autant à revoir. En termes d’espaces institutionnels, c’est la question de la démocratie de délégation, de services produits par des organismes où la représentation est du second ou troisième degré.

Une démocratie de participation est à expérimenter. Le rôle des services est à redéfinir pour répondre à la fois à la commande politique et aux besoins des usagers. Les services communaux, par exemple, sont-ils légitimes à définir eux-mêmes la nature des services ou doivent-ils répondre à la fois à une commande politique et à un besoin des citoyens-usagers ?

La demande aux experts, c’est l’analyse des coûts et de la tarification. Or ces questions techniques ne peuvent qu’être la conséquence de la légitimité démocratique et de la qualification du service, seuls capables de donner un sens aux aspects techniques. Les politiques ont tort quand ils croient résoudre leurs contradictions vis-à-vis des populations par des techniques. Ainsi, le débat sur le quotient familial n’a-t-il de sens que par rapport à la re-définition des services et de leurs destinataires.

L’exclusion actuelle génère une demande potentielle de service difficile à identifier. Y répondre avec les services existants est la solution de facilité inefficace. Des manipulations économiques sont tentées pour résoudre cette contradiction, pendant que le besoin d’assistance va croissant. C’est suicidaire car il entraîne une surenchère qui ouvre à la tentation de la discrimination ; « réservons l’assistance aux "vrais Français" de souche ».

Pour éviter ce risque, il faut dépasser une vision purement économiciste, ce qui implique que les services changent leur vision d’eux-mêmes, leur gestion et qu’une réflexion horizontale soit mise en place.

Qui a la légitimité de gérer ? Il faut un contrat de service public où soit défini par écrit ce que l’on attend d’un service public, qu’il soit de droit public ou de droit privé. Car les rapports de forces sont différents quand le concessionnaire privé est de forte taille. Il faut donc se donner les moyens juridiques de rédiger le contrat. Quand dans les années quatre-vingts, des services ont été concédés au privé, ce n’était pas pour une question d’infrastructure. Pour l’eau, c’est uniquement du fermage. Les contrats peuvent être rédigés afin d’aller au-delà de la maintenance où, quand un tuyau est percé, c’est à la charge de la commune si cela dépasse un mètre !
On peut rédiger un préambule stipulant que toutes les dispositions du cahier des charges annexes qui seraient contradictoires avec le préambule seraient nulles et non avenues. Il faut exiger une indexation sur des tarifs différente de celle proposée par le concessionnaire, qui repose sur des critères com-me les prix des matériaux. Les communes ignorent généralement ces démarches car dans les années quatre-vingts, elles ont cherché des bénéfices par des concessions longues.

La concurrence n’existe pas sur un monopole naturel. Il est géré par contrat par un concessionnaire privé à la place de l’autorité publique. Elle ne peut exister qu’au moment de la signature. Et là, elle se limite à jouer sur Bouygues contre la Générale et la Lyonnaise. À utiliser l’alliance objective de Bouygues et d’EDF. Mais maintenant, il a une autre stratégie depuis qu’il s’est aperçu que ses concurrents avaient racheté dans le B.T.P. et qu’il était utile d’avoir des interlocuteurs locaux. Que les concessions de service public étaient plus rentables que le béton.

La négociation des contrats est une question de rapport de forces. Quand il est défavorable, il n’existe pas de moyen de s’en tirer ! Or il n’est pas possible de concéder à de petites entreprises du fait de l’obligation de respecter des normes d’hygiène. Ainsi, les normes de la restauration scolaire font de la modernisation d’un restaurant scolaire un investissement important. Les personnels municipaux ont pris des habitudes en matière d’horaires, d’heures supplémentaires... tel-les que pour le maire, la solution de facilité est la concession sociale, où le concessionnaire s’engage à embaucher le personnel municipal. Le respect des normes implique un dimensionnement minimal du service (laboratoire d’analyse de l’eau, par exemple). L’intercommunalité est une solution partielle, mais aussi le rôle des Régions.

Une re-définition des services publics locaux est nécessaire afin de répondre à de nouveaux besoins sociaux jusque là mal satisfaits et de recréer du lien. C’est difficile car suppose de dépasser le corporatisme. Les changements sociaux sont lents et ils posent des questions fondamentales comme la réforme des collectivités locales ou de la gestion publique. On connaît certains leviers comme la réforme de l’inter-communalité : elle supposerait une réintégration des forces sociales en présence dans des C.E.S. qui fassent contre-poids à l’instance politique.

L’ADELS et la Charte de la citoyenneté ont mis au point un ensemble de propositions concrètes qu’il ne faut pas oublier. Mais il faut les intégrer dans une dynamique du changement social. Dans les années soixante, la revendication des G.A.M.s et de l’ADELS répondaient aux aspirations des classes moyennes dans une période de croissance. Sur fonds de lien social existant, on revendiquait plus de participation.

Aujourd’hui, la situation est différente : la revendication de nouvelles instances de participation se fait sur fonds de déchirure du tissu social : le lien social est à recomposer. L’opacité actuelle des instances et des décisions locales fait le jeu du modèle ultra-libéral.