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Services publics : un chassé-croisé avec les industriels - J.-P. D.- février 1996

Publié par , le 13 mars 2007.





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L’auteur propose une lecture du concept de service public en rapport avec l’intervention structurelle des industriels français qui sont aujourd’hui à l’origine de la "privatisation" actuelle de la gestion ou de la déclassification de services dits "publics".
L’auteur fait d’abord l’historique du débat sur le service public. Celui-ci est absent jusqu’à l’Empire, la notion d’Etat royal étant incompatible avec la revendication d’un intérêt collectif de la part du corps social. La politique maritime de Louis XIV a souvent été lue comme un exemple de la matérialisation de l’intérêt public, alors qu’en réalité on en était resté encore au domaine des intérêts de la Nation/ Roi. La Révolution annonce les prémisses d’une réflexion sur l’intérêt public mais reste essentiellement libérale.

En fait, le concept de service public est un produit de l’industrialisation du pays. Il découle d’une nouvelle définition de la responsabilité de l’Etat (cf. l’arrêt Rotschild du 6 décembre 1855) et de la demande faite par les patrons sous la Restauration d’un protectionnisme rigoureux, en opposition avec le "laisser faire, laisser passer".

Mais c’est l’implantation des chemins de fer qui forgera la notion républicaine de service public. Les saint-simoniens ont établi l’égalité "rail =union universelle" et permis de dégager un corpus triple : domanialité, concession, travaux publics, mis en oeuvre par la suite sous la troisième République avec le Plan Freyssinet des chemins de fer secondaires. Ainsi que par l’acharnement de Binvenûe à définir un métro non asservi aux grandes compagnies. L’intervention de l’Etat s’affermit avec la nationalisation des chemins de fer en 1937 et la reconstruction du parc de la SNCF qui est menée à la Libération.

Le débat sur les nationalisations et les dénationalisations revient à s’interroger sur la légitimité de la propriété publique des moyens de production. Il rejoint ainsi le débat sur le service public.

La vague de nationalisations à la Libération a scellé l’alliance officieuse entre producteurs de services publics et constructeurs de matériels et d’infrastructures. S’est constitué ainsi un capitalisme particulier, fournisseur institutionnel des services publics, d’abord progressivement sous la quatrième République, institutionnellement ensuite sous la cinquième. Les grands groupes fournisseurs de services publics cherchent à imposer au gouvernement leurs idées sur ce qu’il faut faire.

Sur le terrain, la notion de service public a été si intimement liée à certains produits, que les industriels exploitent cet imaginaire pour en imposer de nouveaux (depuis l’eau en bouteille jusqu’au téléphone portable). D’autre part, le devenir industriel s’appuie aujourd’hui sur une base nationale. Etats, industriels et banquiers travaillent ensemble à exporter le "savoir-faire français" en matière d’exploitation d’équipement public. Or cette connivence n’est pas exportable et est interdite par les accords internationaux.

Il faut donc penser le service public en relation avec les entreprises privées surtout quand le maillon qu’est l’administration publique tend à s’évanouir. On assiste au triomphe idéologique des patrons.