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Le service public et l’Europe

Publié par , le 13 mars 2007.





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Etude réalisée à la demande du commissariat général du plan, de la DATAR et du ministère de l’équipement, du logement, des transports et du tourisme

L’Institut International de Paris La Défense a eu pour mission de dégager les moyens par lesquels le droit communautaire pourrait prendre en compte ce que le droit français nomme le service public. En effet, le Traité sur l’Union Européenne ne fait pas explicitement mention des interventions publiques de chaque Etat, mais celles-ci apparaissent en creux ou sous les traits d’exception aux règles du Traité. Une réflexion sur les mérites de l’intervention publique s’impose aujourd’hui.

L’ auteur a procédé en comparant les systèmes de cinq pays de la communauté (Allemagne, Danemark, Espagne, Italie, Royaume-Uni) pour repérer leurs éléments communs. Chacun est interrogé sur les justifications qu’il apporte à l’intervention publique ainsi que sur les dispositifs qui sont mis en oeuvre. Il en résulte donc une proposition respectueuse des systèmes juridiques existants tant au niveau national qu’à l’échelle européenne. Elle est formulée de manière juridique. Il s’agit pour la Communauté et les Etats membres de reconnaître les droits fondamentaux de la personne et d’établir, dans le respect des règles de répartition des compétences, leurs garanties d’exercice.

L’auteur montre dans une première partie que les garanties d’exercice des droits fondamentaux sont un principe fédérateur susceptible d’être reçu par le droit communautaire. Ce souci se retrouve tant sur le plan des systèmes juridiques nationaux que dans les jurisprudences constitutionnelles.

Trois attitudes apparaissent dans l’ensemble des documents législatifs ou judiciaires : soit ils se réfèrent explicitement à des droits, soit ils expriment clairement la notion de protection de l’usager ou du consommateur, ou enfin, ils se signalent par l’exigence d’un ordre dans la satisfaction de certains besoins et/ou dans l’usage de certaines ressources. De plus, les textes des constitutions se réfèrent à des droits fondamentaux, sans garantir cependant l’exercice de ces droits (à l’exception de la Constitution Grecque). Or, la jouissance de ces droits a été concrètement entravée au nom de l’exercice d’autres droits de valeur constitutionnelle (droit de grève dans les services publics) ou par la privatisation de secteurs publics. Les juridictions constitutionnelles ont alors pensé à limiter l’exercice du droit à la concurrence et celui du droit de grève dans les services publics. De même, les Cours constitutionnelles allemande, espagnole et italienne ont justifié l’intervention publique au nom des droits fondamentaux.

Du côté communautaire il existe une limite à l’exercice des droits fondamentaux. Ils ont le statut de principes généraux du droit communautaire (article F du Traité sur l’Union Européenne), et régissent l’action communautaire mais ne peuvent pas justifier l’action des Etats-membres. De surcroît, la découverte des droits fondamentaux relève du seul domaine de la cour de Justice. La langue des droits fondamentaux est donc d’une efficacité restreinte.

Le point de vue communautaire considère l’action étatique comme une exception. Cependant, la cour de justice lui a progressivement dégagé des justifications. La première se traduit par la notion d’opposition-conciliation entre les impératifs communautaires et les interventions publiques nationales. Elle se fond dans la distinction entre applicabilité et application du droit communautaire (cf. article 90, § 2). Une seconde voie est un recul du champ d’application du droit communautaire (cf.par exemple l’article 30 du Traité sur la libre circulation des marchandises ou l’article 59 du Traité). Cela institue la possibilité pour les Etats-membres de réglementer l’activité économique.

Le droit communautaire présente aussi la possibilité de son auto-limitation au regard de certaines interventions publiques. Ainsi les objectifs sociaux permettent d’échapper aux règles de la concurrence quoique cette avancée ait été fragilisée quant à la sécurité sociale du fait de la promotion d’un régime d’assurance-vie. Mais ces justifications de l’action étatique interviennent au cas par cas et ne sont pas faites en termes de garantie d’exercice des droits fondamentaux.

L’auteur envisage dans une deuxième partie les différentes modalités d’application de la proposition avancée. Il explicite d’abord la notion de garantie d’exercice des droits fondamentaux et analyse son rapport aux propositions françaises sur l’effectivité des droits de l’homme.En France, ceux-ci sont désignés sous le nom de libertés publiques. Des garanties juridictionnelles et des droits économiques et sociaux doivent garantir l’effectivité de ces libertés. Si l’on considère que les services publics constituent des initiatives publiques dictées par ces droits économiques et sociaux, la proposition d’une garantie d’exercice des droits fondamentaux renoue bien avec la tradition française.

Cependant, les garanties d’exercice ne se limitent pas aux seules garanties juridictionnelles mais passent aussi par l’édiction d’une réglementation, l’institution d’une forme d’organisation et la fourniture de prestations matérielles.

Il existe quatre modalités de consécration possibles de cette proposition. Il est possible de reformuler les objectifs de l’Union (article B) et de la communauté (articles 2 et 3). Mais il n’est pas évident de passer de la langue juridique à une optique plus stratégique. On ne peut pas prévoir l’interprétation qui en sera faite. De plus, le lien ne sera pas nécessairement fait entre ces objectifs et l’application des règles d’organisation et de fonctionnement du marché commun. Et surtout cela ne consoliderait pas d’avantage certaines actions étatiques.

Les exceptions et dérogations aux règles du marché commun pourraient être redéfinies mais cela ne corrigerait pas la logique actuelle.

La Communauté (ou l’Union) pourrait adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme ; cela est d’ailleurs en cours d’étude. Mais il semble préférable d’incorporer la Convention (et la Charte sociale européenne de 1961) dans le Traité. Ce qui peut aller de pair avec la formulation d’une liste des droits fondamentaux à partir de la Convention européenne, de la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme et des "traditions constitutionnelles communes des Etats membres" (d’où une part de construction).

Pour l’auteur, la meilleure consécration de cette proposition consiste à formuler une liste de droits fondamentaux. Différentes listes existent déjà dans certains systèmes de la Communauté. Il convient de s’en inspirer et d’en promouvoir d’autres. Il propose une liste dans laquelle seraient représentés plusieurs groupes de droits fondamentaux : les droits aux libertés, les droits à l’intégrité de la personne, les droits relatifs au développement et à l’épanouissement de la personnalité humaine en société, le droit au logement et les droits du consommateur. Cependant, il faut distinguer cette liste de droits fondamentaux de leurs garanties d’exercice et de leur niveau d’élaboration. Et il faut lier ces garanties à l’application des règles d’organisation et de fonctionnement du marché commun.

L’avantage du recours à l’expression de garantie des droits fondamentaux de la personne est qu’il dispense du recours à la notion trop polémique de services publics. La diversité nationale serait protégée car la garantie de leur exercice relèverait des Etats membres. Enfin cette proposition unit la personne et l’Etat et protège l’application des droits fondamentaux des exigences marchandes.