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Sur la prise en compte de la notion de "service public"

Publié par , le 13 mars 2007.





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La prise en compte de la notion de service public dans la construction européenne a été difficile et est toujours partielle. En 1957, le Traité de Rome considère les services d’intérêt général comme des dérogations aux règles de la concurrence (art. 90) ; l’Acte unique européen signé en 1986 consacre la supériorité de la norme européenne par rapport aux droits nationaux. Il engage un processus progressif de « libéralisation » des secteurs concernée, au nom des principes de libre échange, de libre circulation et de concurrence - tout en concernant l’article 90.
Le caractère dérogatoire (ou d’exception) des services d’intérêt général les place ainsi dans une situation juridique incertaine : la Commission européenne a la possibilité d’accorder la priorité aux règles de la concurrence, mais c’est la Cour européenne de Justice qui juge ces dérogations.

I - Un modèle de service public ?

CARESSANT LE Rà?VE QUE LE « MODELE FRANCAIS » DE SERVICE PUBLIC S’IMPOSERAIT DE LUI-Mà?ME, les responsables français ont réagi tardivement, de manière défensive et cloisonnée : les contacts avec les partenaires européens étaient presque inexistants. Le problème n’était perçu qu’au CEEP (Centre Européen des Entreprises Publiques) et par le groupe X-Europe-Réseaux.
Créée fin 1991, l’association Réseaux Services Publics (RSP) s’est donné comme objectifs d’inscrire la réflexion et la proposition sur le « service public » dans le cadre de la construction européenne et d’unir dans une démarche transversale les différents acteurs et secteurs concernés. D’autres initiatives se développent, qui font naître l’idée d’une modification des traités et aboutissent à la création d’un Comité européen de liaison sur les services d’intérêt général (CELSIG).
Les travaux de ce dernier ont dégagé des points stratégiques qui doivent être pris en considération dans la réflexion sur le service public.

Apparaît d’abord la nécessité de distinguer les notions de service public, monopole, propriété publique et État. Il faut aussi refonder l’ancrage sur les collectivités territoriales et ne pas se limiter aux seuls grands services publics nationaux mais mener un double mouvement de rénovation et de démocratisation des services publics français tout en forgeant une conception européenne commune. Partir non pas des principes mais des besoins des consommateurs, des usagers, des citoyens en dégageant un « fond commun » à tous les pays européens ; définir un « modèle européen de société ou de civilisation » ; évaluer l’efficacité économique et sociale des services publics [cf. fiche] en créant un Office européen d’évaluation, indépendant des États, pluraliste dans sa composition et transparent quant aux résultats de ses expertises, niveau européen d’un dispositif également national et local [cf. fiche sur les propositions de l’AITEC quant à la représentation des usagers dans les services publics]. Remplacer dans le débat européen l’expression « service public » (incomprise dans la plupart des pays européens) par celle de « service d’intérêt général ». S’appuyer sur les potentialités du traité de l’Union Européenne pour obtenir sa modification et l’obtention d’une Charte européenne traduisant la conception d’un modèle européen des services d’intérêt général. Enfin, mener une stratégie d’alliances au plan européen, en s’appuyant sur tous les acteurs concernés et sur les membres des institutions européennes qui travaillent dans le même sens. La prise en compte de la notion de « service d’intérêt général », guidée par les points précédents, contribuera à la construction d’une citoyenneté européenne.

II - LES ETAPES DE LA RECONNAISSANCE PAR LES TRAITES

1. En 1986, l’Acte unique européen ouvre une seconde période (après le traité de Rome) marquée par l’affirmation des quatre grandes libertés de circulation (en particulier, celle des services) et le vote à la majorité qualifiée pour la réalisation du marché unique. Dès lors, la « libéralisation » des services publics, secteur par secteur, s’effectue par des directives qui privilégient la seule concurrence comme principe d’efficacité.

2. Dès 1991 pourtant, le traité de Maastricht affiche l’ambition de créer non plus seulement un marché commun mais une union européenne. Dès lors, la concurrence comme principe d’efficacité sur les marchés doit être équilibrée par le service public comme principe de solidarité.

3. En 1993 et 1994, deux arrêts de la Cour européenne de Justice (arrêt Corbeau du 19/5/1993 et Almelo du 27/4/1994) précisent de manière moins restrictive les conditions dans lesquelles les services d’intérêt général peuvent déroger à la concurrence.

4. Le 11/9/1996, la Commission européenne adoptait une communication sur les « services d’intérêt général en Europe » qui complète pour la première fois les démarches sectorielles par une réflexion transversale sur le rôle des services d’intérêt général comme « Ã©lément clé du modèle européen de société », l’objectif de la Communauté étant de « réaliser l’équilibre », d’organiser l’« interaction bénéfique » entre intérêt général et concurrence.

5. Le Parlement européen adopte (16/1/1997)une résolution sur le Conseil européen de Dublin

6. Le traité d’Amsterdam (16 & 17/6/1996) adopte un nouvel article 7 D et insère une déclaration dans l’Acte final, qui constituent un nouveau pas dans la reconnaissance du rôle des services d’intérêt général.

7. La Cour européenne de Justice a rendu (23/10/1997) des arrêts concernant des monopoles nationaux (d’importation d’électricité et de gaz aux Pays Bas, Italie, France, Espagne et de vente de l’alcool en Suède). Elle a rejeté les recours de la Commission qui lui demandait de condamner ces pays.
Elle précise ainsi une jurisprudence qui reconnaît la spécificité des services d’intérêt général.

Depuis, concurrence et intérêt général ont vocation à s’imprégner mutuellement. Cela suppose la rénovation, modernisation, démocratisation des services publics en France, ainsi que la construction d’une conception européenne de l’intérêt général, par connaissance mutuelle et dialogue entre les différentes conceptions et réalités des États-membres.