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Le logement. Domaine européen d’intérêt général - 1999

Publié par , le 13 mars 2007.





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I - LE LOGEMENT RELEVE-T-IL DE L’INTERà?T GENERAL ?

à?tre logé est un droit fondamental de la personne comme le droit à l’éducation, à l’emploi, à la santé… Il est même plus fondamental que les autres en ce sens qu’il les concrétise, qu’il en est en quelque sorte le préalable : les autres droits ne peuvent plus être assurés quand il ne l’est pas.
Ce droit ne peut être satisfait qu’en tenant compte des caractéristiques du bien logement : c’est un bien assez divisible et facilement marchand. C’est un bien à la fois de première nécessité et immobile. Sa production étatique, souvent jugée politiquement nécessaire en période de grave pénurie, se révèle ensuite peu efficace.
Le limiter à un secteur d’activité, c’est le couper de ses nombreux effets externes (ville, urbanisme, emploi, environnement…).
La mission d’intérêt général en matière de logement comporte trois composantes : légalité de traitement (loger tout le monde, notamment les plus démunis) ; le faire dans la mixité ; contribuer à la création d’un espace harmonieux et équilibré ville-campagne).
Le droit au logement comprend : la sécurité légale de la location, la facilité des infrastructures, le caractère abordable, habitable et accessible, le caractère adéquat de la situation, la dimension culturelle.

II - L’EVOLUTION DES POLITIQUES DU LOGEMENT DEPUIS LA RECONSTRUCTION

1. Jusqu’aux années 1970, du fait des destructions de la guerre, puis de la croissance démographique, de l’exode rural et de l’industrialisation, le marché était considéré comme défaillant et les politiques publiques, des États vers le niveau local visaient à se substituer à lui.

2. À partir des années 1980, le niveau de l’offre permet de répondre quantitativement à la demande mais les besoins de-viennent qualitatifs et les demandes, complexes et hétérogènes. Le stock de logements disponibles se révèle inadapté aux demandes (insuffisance de petits logements) et les prix sont souvent trop chers. Du fait de l’augmentation du chômage, une part croissante de la population devient insolvable pour le marché locatif privé.
L’intervention publique se désengage en termes d’opération (privatisation de logements publics) pour se reporter sur la re-cherche de mécanismes de régulation décentralisés afin que le marché réponde à des besoins spécifiques au plus près des gens.
L’État se désengage financièrement au profit du privé. La tutelle fait place à une relation contractuelle locale avec les différents acteurs présents sur le marché. L’intervention en amont sur le financement de la construction (aide à la pierre) est remplacée par une intervention en aval sur celui du service (aide à la personne).
La règlementation se déplace du contrôle des acteurs vers celui de l’usage du logement social. De sa capacité à satisfaire les demandes de groupes-cibles (critères d’attribution).
Partout, l’obtention des aides au logement fait l’objet d’une mise en concurrence accrue.
Un droit au logement se précise localement, ainsi que les garanties de sa mise en œuvre. Les aides à la personne restent le principal levier d’intervention des États. Ils relèvent autant de choix politiques que des mécanismes du marché. L’État garanti aussi le financement du logement social en participant à des fonds de garantie ou en contrôlant des structures de financement.
En Europe du nord, autant le droit patrimonial de propriété est inaliénable, autant l’usage de cette propriété peut être l’objet de contraintes publiques car son intérêt dépasse l’intérêt individuel. Localement, la collectivité peut donc le mobiliser dans le cadre de la mise en œuvre du droit au logement.
La régulation du logement social est aujourd’hui en mutation : localement : des passerelles sont trouvées avec le parc privé, les divers opérateurs sont mobilisés, quels que soient leurs statuts et leurs finalités économiques ou financières. Le rôle de l’État se définit désormais en termes d’orientation et de régulation (cahiers des charges, conventionnements, contrats d’objectifs). Ses contraintes budgétaires vont croissantes.

III - LE DEGRE DE PRISE EN COMPTE DU LOGEMENT PAR L’UNION EUROPEENNE

1. Il n’est pas directement traité en tant que tel au niveau européen : chaque État définit ses objectifs et instruments d’intervention (subsidiarité).
Ceci parce que l’intérêt général n’est pas défini dans les textes du Traité, mais seulement l’intérêt économique général qui est assuré par les services publics en réseau. La définition de l’intérêt social est absente des traités.

2. Il est abordé implicitement, indirectement sous plusieurs angles, relevant de plusieurs directions (D. G. II, V, VII, XI, XVI et XVII) qui n’ont aucun fonctionnement transversal.

L’objectif fondamental de l’U. E. est la libre circulation. Or celle des capitaux et des marchandises est activement organisée tandis que celle des personnes n’avance pas. Et le logement est une condition importante de sa mise en pratique.
Le Traité d’Amsterdam mentionne (préambule, art. 117) les droits sociaux à travers la référence à la Charte sociale européenne (Turin, 1961 révisée en 1996).
Le logement est une partie importante du modèle social européen dans les domaines de l’emploi, de la formation, de la protection sociale, de la qualité de vie.

Enfin, les contraintes budgétaires et financières de l’U.E. pèsent sur les capacités d’intervention des États en matière de logement, ce qui influe sur leurs choix.

3. Perspectives et suggestions

a/ Perspectives - La subsidiarité ne se décline pas en termes de tout ou rien : un domaine d’activité peut relever de plusieurs niveaux territoriaux. C’est déjà le cas du logement qui relève à la fois des États et des communes. Il n’est pas encore question que l’U. E. ait une politique commune de logement, ni même ne définisse des instruments communs d’harmonisation dans ce domaine. Mais un lieu d’échanges, de confrontations d’expériences et d’études est nécessaire et possible. Cela dépend de l’efficacité du lobbying des acteurs du logement. Il existe déjà un Forum européen du logement.
Le premier rôle de l’Europe est d’apprendre un langage commun à ses pays membres. La définition d’un intérêt général européen du logement peut en fournir la base.

Le logement est un service d’intérêt général en ce sens qu’il s’agit de services marchands qui n’atteignent pas un optimum social sans une régulation spécifique. De sorte que si la libéralisation du marché n’est pas accompagnée d’une définition du droit au logement qui ait une portée concrète, le logement risque d’être perdu comme facteur d’intégration et de cohésion sociales.
L’importance de cette question va croissante avec l’achèvement du marché intérieur et au-delà, l’accélération du processus d’intégration européenne. Car ils se traduisent en con-traintes de l’U. E. sur les politiques nationales de logement.

b/ Suggestions

- Une étude est nécessaire pour connaître tant le coût économique du non-logement (externalités négatives) que les avantages (externalités positives) d’une bonne capacité à satisfaire les besoins en logement.
- La communication de la Commission sur les services d’intérêt général en Europe mentionne le logement en spécifiant que l’U. E. dispose de moyens d’action dont le déploiement devrait être accentué en faveur de ce service non-marchand pour favoriser l’égalité des chances et combattre l’exclusion. La Commission pourrait publier un avis d’initiative sur le logement qui le reconnaisse comme domaine d’intérêt général et précise l’usage de ces moyens d’action.
- Le logement devrait faire l’objet d’une approche transversale entre les D. G. (groupe inter-services).

IV - POUR UNE EVALUATION PLURALISTE DU LOGEMENT COMME BESOIN SOCIAL EUROPEEN PAR LES DIFFERENTS ACTEURS CONCERNES

L’objectif est double : fixer les critères de satisfaction du besoin logement et d’une bonne politique du logement. Et organiser des débats publics sur l’évolution des réalités du logement au regard de ces critères et sur les responsabilités (aux différents niveaux, des différents acteurs) dans ces évolutions.
Cette démarche permettra d’organiser un dialogue maîtrisé entre les différents acteurs, qui évitera que les attributions ne fluctuent au gré des pressions économiques ou politiques.
Il ne s’agit pas d’inventer ex nihilo de nouveaux indicateurs mais de partir de ceux qui existent déjà (plus ou moins implicitement) dans les documents officiels ou des expériences diverses, de les expliciter et d’en élaborer éventuellement d’autres à partir de ses propres analyses et orientations.

Ainsi, à Bruxelles, un groupe pluri-disciplinaire a résumé en six points une conception du logement qui optimise le rapport qualité/prix en évitant les espaces perdus et les surcoûts liés aux parties communes : une viabilité, solidité et durabilité à long terme ; un financement avantageux et une fiscalité attractive ; une gestion fiable et économique ; un re-financement régulier par un pourcentage du patrimoine permettant une revente à terme du logement à ses occupants. Ces points peuvent être traduits en indicateurs par un travail d’élaboration des différents acteurs. De même pour les missions d’une politique du logement ou les dimensions du droit au logement (cf. point I).

Il est également possible d’évaluer le coût du non-logement : celui (économique et social) de l’exclusion de certains du logement, en termes d’emplois, de santé, d’éducation, de criminalité et d’employabilité. Cela permettrait de comparer le coût du paiement de l’urgence (indemnisation partielle des conséquences de la perte de logement) avec celui du maintien dans le logement (politique de prévention).

Cette appropriation de l’évaluation pluraliste en matière de logement permettra aux acteurs qui s’engageront dans cette démarche de se positionner de manière efficace dans les négociations et les propositions pour donner un sens concret à l’intérêt général européen dans ce domaine.