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Entreprises publiques et intégration européenne

Publié par , le 13 mars 2007.





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L’économie française est dite "mixte" car elle est fondée d’une part sur un système de marché performant et d’autre part sur un secteur public important. Le poids de ce dernier (10% des emplois, 20% de la valeur ajoutée et 1/3 des investissements) ne doit pas masquer la diversité du secteur public en France. Ainsi observe-t-on une diversité des secteurs (entre le secteur public industriel concurrentiel et les services publics de l’énergie, par exemple). Il y a diverses formes d’entreprises, à savoir les établissements publics administratifs ou à caractère industriel et commercial gérant le plus souvent des services publics, les sociétés à capital public, dont le capital est détenu par l’Etat, les sociétés d’économie mixte, les concessions de service public à une entreprise privée sur la base de relations contractuelles et les concessions relatives à certains marchés publics.

Grâce à la diversité de ses différentes fonctions (actionnaire, vérificateur de l’utilisation des deniers publics ou gestionnaire de l’encadrement à long terme), l’Etat peut adapter son intervention à chaque situation. De plus ces contrôles se pratiquent de manière très diverse selon le type d’entreprise publique concernée.

La notion française de service public résulte d’une triple construction. Juridique d’abord, car elle est basée sur les principes de continuité, d’égalité et d’adaptabilité. Economique ensuite. Enfin, c’est une construction que l’auteur qualifie de sociétale car elle a été, à la libération, l’objet d’une large convergence autour de thèmes tels que ceux de la reconstruction, de la péréquation tarifaire, du statut du personnel et de la qualité des services, tant de la part des élus locaux que du personnel des services publics et des consommateurs.

Cette alliance s’est traduite dans les modes de propriété et de gestion. Des principes nouveaux se sont développés : sur les tarifs, la neutralité des services publics à l’égard de tous les usagers, l’obligation de fourniture, etc. Mais il convient de distinguer les principes fondateurs de leur concrétisation ultérieure, certes pourvue de qualités mais non exempte de dysfonctionnements. Du fait de la gestion "tripartite" (Etat, direction des services et organisation syndicales) les consommateurs et les collectivités territoriales ont été écartés. L’Etat a mis en place une tutelle que les dirigeants des services publics ont noyauté par le biais de l’expertise technico-économique. Ils ont été conduits à penser le contenu de l’intérêt général. Conséquence : la définition du service public a été faite par le haut, par l’Etat.

Suite au rapport Nora, on a autorisé une plus grande autonomie de gestion et une convergence des comportements des entreprises publiques et privées. En effet ce rapport soulignait les lourdeurs occasionnées par la tutelle de l’Etat. Des contrats de Plan ou d’objectifs régissent désormais les rapports entre l’Etat et les entreprises publiques. L’Etat est passé d’une tutelle souvent pesante à la définition d’orientations stratégiques. Les entreprises publiques, plus autonomes, gagnent en efficacité.

En même temps, la définition du secteur public a évolué dans les programmes de privatisation de 1988 à 1982, ce qui s’est traduit par les mesures plus douces qui ont suivi. En dépit de l’article 222 du traité de Rome établissant la neutralité des institutions européennes quant à la nature de la propriété, les services publics sont suspectés de faire le libre jeu de la concurrence comme en témoigne le durcissement dans ce sens de l’Acte Unique du Traité de Maastricht.

A partir des années 80, l’offensive contre les entreprises publiques se concentre sur celles qui ont des missions de service public. A la faveur de l’article 90 du Traité de Rome qui faisait du service public une dérogation au principe supérieur de concurrence, le conseil a initié un processus progressif de leur libéralisation secteur par secteur. De plus, il a privilégié la concurrence dans les alliances entre européens.

Si le mouvement se poursuit, la libéralisation mettra en cause la contribution des services publics à la cohésion sociale et territoriale ainsi qu’à la solidarité. Elle néglige la spécificité du secteur, le long terme, le principe d’égalité de traitement, les petits consommateurs. Elle accroît la bureaucratie et menace le personnel.

Le traité de l’Union européenne offre des possibilités de meilleure prise en compte des services publics : par exemple, par les notions de citoyenneté de l’Union (article 8), de protection des consommateurs (titre 11), etc. Mais ces dispositions sont inféodées au primat des règles de concurrence. La notion de service universel peut conduire à un service minimum ou bien à la redécouverte de certains principes de services publics en matière d’accessibilité ou d’égalité.

Pour rééquilibrer l’Europe, il convient de construire un projet de civilisation et de se réapproprier politiquement l’économie. Les services publics peuvent servir à donner un sens à l’Europe. Ils constituent à travers tous les pays membres un modèle européen de civilisation. Concurrence et intérêt général doivent se situer sur un pied d’égalité. Si la communication de la Commission européenne du 11 septembre 1996 a marqué une avancée dans la reconnaissance des services publics, elle n’en encourage pas moins leur libéralisation.

Plusieurs propositions sont à promouvoir : l’intégration dans l’article 2 ou 3 du traité du fait que l’Union reconnaît et garantit l’exercice des droits fondamentaux de la personne (parmi lesquels, les services publics), la modification de l’article 90, l’introduction de la référence au service public dans les titres ou articles concernés, la création d’un office d’évaluation de l’efficacité économique et sociale du service public, et enfin, l’élaboration d’une Charte européenne. La puissance publique est nécessaire pour assurer l’équilibre de la société tant au niveau national qu’européen ; il faut donc un Etat non pas interventionniste mais un "Etat-stratège" selon la formule de l’auteur.