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La Charte de la citoyenneté et le service public - 1997

Publié par , le 13 mars 2007.





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La charte a été élaborée de 1993 à 1996 par plusieurs centaines de membres de diverses associations et clubs politiques afin de donner au citoyen un réel pouvoir. Car ce dernier, s’il est reconnu en droit à l’électeur, est très limité en fait par les formes institutionnelles dans lesquelles s’exerce aujourd’hui la démocratie dans la plupart des pays développés.
La charte contient deux dimensions : analyse des causes profondes (sociales, culturelles) de la crise de la citoyenneté et les formes qu’elle revêt ; formulation de propositions (près de 200) autour de six grands axes .
La crise du (et des) « service(s) public(s) », l’absence de l’usager-citoyen comme acteur des services publics sont au cœur de celle de la citoyenneté.

I - ANALYSE DES CAUSES

La démocratie représentative jacobine se meurt aujourd’hui de la bureaucratisation des « services publics » : les citoyens demandant toujours plus aux « services publics », les appareils publics ne cessent de se complexifier, entraînant bureaucratie, technocratie et corporatisme. Résultat : alors que l’usager-citoyen est plus capable et désireux aujourd’hui qu’hier de participer à la définition et la mise en œuvre des services, l’appareil administratif impose toujours plus son opacité entre l’élu et l’usager-citoyen.

Pour inventer une citoyenneté active, plusieurs principes d’action sont nécessaires :

 l’exercice des responsabilités : il nous faut désormais inventer des structures et des mécanismes démocratiques aptes à ouvrir des espaces plus grands à l’initiative des individus dans l’accomplissement du destin collectif. Au mouvement habituel du haut vers le bas par lequel les institutions prétendent créer la société, il faut opposer la construction de la société par un mouvement du bas vers le haut, des citoyens vers les institutions.

 La diversité : il n’y a pratiquement plus de politique publique qui ne fasse appel, pour réussir, à la mobilisation d’une pluralité d’acteurs : État, collectivités territoriales, associations, professionnels, citoyens bénévoles... Mais les structures et procédures de cette concertation et de cette coopération, ouvertes sur la société, restent encore marginales dans l’élaboration et la gestion des politiques publiques. L’État a besoin de la « société civile » pour agir mais il cherche plutôt à utiliser ses représentants qu’à les associer véritablement. Une démarche de citoyenneté active suppose la mise en place de mécanismes de négociation, de contractualisation et d’évaluation à toutes les étapes d’une politique publique entre tous les acteurs concernés.

Ces principes d’action doivent se spécifier quant aux « services publics » : Il nous faut inventer des mécanismes institutionnels et des systèmes de décision et de gestion assurant la coordination des acteurs sociaux et la cohérence de leurs interventions à partir de leur adhésion librement négociée au moins autant que de leur soumission à une règle imposée. Le rôle du droit, de la loi et de la règle administrative sera toujours aussi fondamental, mais au lieu d’interdire ou de prescrire dans les moindres détails les façons de faire des uns et des autres, ils devront autoriser la prise de responsabilité des citoyens en encadrant par la règle les conditions de la négociation et en balisant le terrain. Plus de liberté laissée aux citoyens dans le choix des moyens de l’action collective suppose en contrepartie plus de clarté dans l’affirmation des objectifs communs.

Cela pose trois questions de fond : quels doivent être les statuts respectifs des partis et des associations dans les espaces publics de débats ? Jusqu’à quel point peut-on déléguer des missions de service public à des instances privées ? Parmi tous les salariés qui accomplissent des missions de service public, comment justifier le maintien d’un statut différent pour ceux qui relèvent du droit privé ?

II - PROPOSITIONS

1. au niveau européen

a) la charte européenne des services publics permet d’expliciter et de préciser les dispositions du Traité qui déclinent dans les différents domaines d’activité concernés le principe fondamental du service public (l’égalité de traitement) : ses principes d’organisation (relativité et subsidiarité, séparation des fonctions d’opérateur et de régulateur, transparence des relations entre opérateurs et États membres, coopération entre régulateurs, modernisation de la gestion sociale, évaluation pluraliste) et ses règles de fonctionnement (continuité, adaptation, efficacité, transparence, participation).

b) - l’évaluation pluraliste des activités de service public est indispensable pour organiser le débat public européen, pour réaliser les études comparatives nécessitées par la diversité des expériences nationales et pour mesurer et améliorer l’efficacité des activités de service public là où la concurrence est par nature imparfaite. Elle permettra également de préciser les effets de la concurrence afin d’en contrôler les dérapages. Elle portera enfin sur la réglementation européenne elle-même, car « le premier des services publics, c’est le droit lui-même ». (Léon Duguit)

2. au niveau national

a) la Charte des « services publics » et le code des droits et obligations des usagers des « services publics » permettent de préciser, en termes normatifs les fondements éthiques et déontologiques du « service public ». C’est la condition de la réhabilitation de ses missions et de son recentrage sur la satisfaction des besoins de ses usagers. Définir, dans le prolongement de cette démarche, les droits et devoirs des usagers, est alors la condition de leur intervention "participative" dans les fonctionnements administratifs.

b) L’organisation d’un partenariat de service public est indispensable pour assurer les missions de service public : une convention de partenariat associe aux organismes publics qui l’ont en charge les publics concernés par une mission de service public et les personnes physiques ou morales qui concourent à sa bonne fin. Elle précise les conditions de la participation de ces "partenaires" à la conception, à la mise en œuvre et à l’évaluation des « services publics ».

c) Délégation de « service public » à des personnes physiques ou morales de droit privé. Une loi doit en préciser les conditions et les limites. Elle permettra de reconnaître le rôle croissant joué par les associations dans les secteurs social, médical, éducatif, culturel et sportif notamment, pour accompagner des actions de service public - voire pour les assumer seules.

d) Un statut des organismes publics d’études doit garantir l’autonomie et la publicité de l’expertise publique. Car tout organisme public à vocation de recherche ou d’étude doit gérer son activité en pleine autonomie dans le cadre de la mission qui lui a été assignée. Qu’il s’agisse de commandes publiques ou d’auto-saisine, ses rapports doivent être rendus publics dès leur achèvement.

e) Doivent être soumis à une évaluation pluraliste tous les organismes de service public » et les projets de réforme importants. En effet, dans un environnement en mutation accélérée, instituer de façon systématique un dispositif d’ évaluation comprenant des approches analytiques visant à comprendre les mécanismes et souligner les conséquences et impacts du fonctionnement des actions publiques et des réformes engagées, est devenu indispensable. Seule l’évaluation permet d’intégrer un processus permanent d’ajustement des actions publiques et de se prémunir contre les dysfonctionnements et effets pervers inattendus, et donc contre la perte d’efficacité et de crédibilité de l’action publique. Inversement, l’évaluation pluraliste nourrit le débat public, ouvre des espaces à la participation des citoyens, et donc à une meilleure adaptation des réponses apportées aux besoins vitaux de la société, dans leur permanence comme dans leurs changements.

3. au niveau local

a) Reconnaissance des associations d’intérêt général par un statut. Celles dont l’activité correspond à l’exercice d’une mission d’intérêt général et dont le fonctionnement démocratique est garanti doivent en bénéficier selon les critères et les procédures définis par le C.N.V.A. et le C.E.S. Ce statut ouvre droit à certains avantages fiscaux, ainsi qu’à la possibilité de négocier des conventions pluri-annuelles avec l’État et les collectivités territoriales. Ce même statut peut être délivré, au cas par cas, pour un projet associatif donné et pour la durée de ce projet, par les mêmes instances et dans les mêmes conditions.

b) L’évaluation pluraliste par des comités d’usagers des principaux « services publics » municipaux. Les indicateurs de qualité et de résultat constituent un instrument pédagogique qui, appliqué aux activités de service public municipales, canalisera le débat public des comités d’usagers et augmentera l’efficacité publique. Ces comités constitueront ainsi pour le maire un outil de management participatif de ses services qui améliorera sa connaissance des attentes et des besoins de ses usagers-citoyens. Ces derniers y gagneront un espace de débat public local pour l’exercice d’une citoyenneté active.