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Management et concertation avec l’usager-citoyen des services publics : la place des usagers à la Poste - Madeleine Stefani

Publié par , le 14 mars 2007.





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La Poste est l’un des services publics qui est le plus intimement lié à la vie quotidienne des usagers et dont l’impact sur la pérennité et la qualité du lien social est essentiel. Si la place de La Poste est donc importante dans la vie économique, la vie sociale, la vie de tous les jours des usagers, en revanche la place des usagers dans La Poste ne revêt pas la même importance. Ce n’est qu’à partir du changement de statut en 1990 que commence une certaine reconnaissance officielle, une intensification et une organisation du principe de concertation et de partenariat entre les différents acteurs (dont les usagers).
La loi du 2 juillet 1990 précise que les consommateurs sont représentés parmi les personnalités choisies en raison de leur compétence au Conseil d’Administration. Elle prévoit un Conseil national des postes et télécommunications où siègent des associations nationales d’usagers (ses avis sont relatifs au rôle des postes et télécommunications dans la vie économique et sociale, aux principes généraux de la réglementation, au développement et à la coordination des activités des exploitants.). La loi crée également des instances de concertation décentralisées, composées d’usagers, d’élus et du personnel : les commissions départementales de concertation postale (CDCP) et les conseils postaux locaux.

Par ailleurs l’article 23 du cahier des charges, consacré aux relations avec les usagers, met l’accent sur la qualité du service et les garanties essentielles en matière de liberté de communication, de protection de la vie privée des usagers, il précise les obligations d’information précise et accessible en direction des usagers et prône un principe de concertation active et régulière avec les organisations représentants les usagers "grand public" et professionnels "en vue de recueillir l’avis des usagers sur l’évolution des besoins et la meilleure façon de les satisfaire".

Enfin La Poste continue au niveau national une concertation spécifique avec les associations de consommateurs

Au bout d’une expérience de neuf ans quel bilan peut-on tirer ?

1° La participation des usagers au Conseil d’administration de La Poste

Le rôle des usagers y est négativement affecté par trois principaux facteurs :
 leur sous-représentation ; deux membres sur 21 dont un seul représentant des usagers domestiques,
 le manque de moyen pour exercer leur mandat
 leur mode de désignation : ils sont nommés par décret par le ministre chargé de la Poste

2° Le conseil national des postes et télécommunications semble inexistant

3° La participation des usagers aux structures de la concertation postale locale
Bien que la concertation locale ait constitué en 1990 une avancée véritablement novatrice, aujourd’hui force est de constater que les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes :
 l’implantation des instances de concertation reste très insuffisante,
 les usagers n’ont pas toujours réussi à se faire entendre dans le débat entre direction et syndicats.
 les élus, les représentants syndicaux disent s’exprimer au nom de l’intérêt général et confisquent la parole des usagers
 la présence des usagers est aléatoire et fait souvent défaut.
Aussi les associations de consommateurs veulent-elles maintenant privilégier une concertation bilatérale dans le cadre de chaque département et orienter leur action vers le contrôle de la qualité des services rendus (tarifs, délais d’acheminement, accueil, délais d’attente aux guichets…)

La Poste est soumise de plus en plus à la concurrence sur les segments de clientèles à forte valeur ajoutée, ce qui peut faire craindre qu’une logique de performance marchande soit privilégiée au détriment d’une logique de service public considérée comme résiduelle. Ainsi par exemple le rapport avec les grandes entreprises (les grands comptes) donne lieu au développement de réseaux et de produits dédiés, élaborés à partir d’une écoute et d’un partenariat sur-mesure dans le cadre de relations contractuelles.

Une des grandes questions de l’heure reste la fin du moratoire sur les fermetures des agences postales, qui donne lieu à de nombreux conflits sur le terrain avec les élus.
Par ailleurs La Poste a décidé d’orienter sa politique de qualité vers l’assurance-qualité (normes ISO), ce qui se traduit par des contrôles plus techniques au détriment de la participation des usagers, notamment dans la définition des critères de satisfaction.
Pour être effective, la concertation et le partenariat avec les usagers-citoyens, devrait associer les usagers à la conception et à la définition des missions, à leur mise en œuvre et à leur gestion, ainsi qu’à l’évaluation des résultats.

par Madeleine Stéfani

LISTE DES THEMES DEBATTUS

1) La représentation des usagers

Si l’usager est d’abord l’utilisateur d’un service, alors très vite il devient un client ; si au contraire c’est une personne qui a droit à un service, alors la vision que l’on a de lui est différente, la conception de sa représentation change. La CSF se prononce pour l’élection des représentants des usagers pour tous les services publics, comme cela existe pour les HLM ou les parents d’élèves

2) L’évaluation

Elle suppose de qualifier le service que l’on attend. Par exemple, la distribution du courrier à J + 1 est certainement importante pour un certain nombre d’usagers ; pour d’autres, se sera la qualité relationnelle. L’évaluation doit découler du débat contradictoire entre les acteurs concernés pour empêcher la mainmise des grands corps sur les décisions stratégiques à partir de leur monopole de l’expertise transversale.

3) La concurrence

Les grands services publics sont rentrés dans une problématique de concurrence et de mondialisation où la notion d’intérêt général est marginalisée par rapport à celle de rentabilité. Le système français fondé sur le monopole public garanti par le Conseil d’État s’effrite sous la pression de la législation européenne.

4) Les fondements de l’intervention des usagers

a) le lien entre l’individuel et le collectif rend nécessaire l’expression de tous les acteurs concernés, dont les organisations de consommateurs.
b) dans la mesure où les services publics sont partiellement en situation de monopole, il leur faut des contre pouvoirs permettant l’adaptabilité aux besoins exprimés.
c) l’intervention des usagers-citoyens est le fondement essentiel de la légitimité du service public comme tel.
Le débat doit porter sur la définition des missions et leur évolution en fonction des besoins, sur les modes d’organisation pour remplir ces missions, sur la régulation et l’évaluation. Des droits et des pouvoirs doivent être accordés. Par exemple, le droit de veto suspensif est une hypothèse à creuser.

5) Les moyens nécessaires

Les usagers n’ont pas toujours la formation et l’information nécessaires pour remplir leurs missions. Pour que leur représentation soit efficace, elle doit disposer de moyens de fonctionnement et de formation. Cela réduira l’asymétrie actuelle de l’information, la technocratie monopolisant les compétences.

6) Quelle valeur pour quel sujet ?

Deux exemples ont été donnés au cours du débat : celui du facteur qui s’occupe de la santé d’une personne âgée isolée et qui peut signaler à l’Hôpital tout problème, et celui des voyageurs d’une ligne de train se constituant en association pour lutter contre les retards à répétition. Ces deux exemples amènent à s’interroger :
 d’une part sur la notion de valeur externe, la production est globale, car chaque secteur réagit par ses effets sur les autres. De ce point de vue le découpage par branche de service public ne permet pas de mesurer les effets externes (exem-ple de l’impact positif ou négatif de l’arrivée d’une ligne de T.G.V.). Seule la collectivité est capable d’évaluer tous ces effets. En rester à une représentation par branche laisse la représentation générale, la plus importante, à d’autres.
 d’autre part il existe plusieurs niveaux de subjectivité. Il ne faut pas en rester à la représentation de l’usager individuel, ce n’est qu’un sujet parmi d’autres et pas forcément le plus pertinent. L’usager du train peut souhaiter un train à grande vitesse, mais ce n’est pas lui qui peut avoir une vision des dégâts possibles sur l’environnement.
Donc, de quel usager parle t-on ? De celui qui prend le train ou de l’habitant de la région traversée, et qui se préoc-cupe du paysage ? Car un besoin n’existe pas en soi mais comme élément d’un tout. Il faut donc concevoir des arbitra-ges entre les différents besoins et entre les différents sujets et quasi-sujets que sont les communautés institutionnalisées.

7) La concurrence des représentations

Celle des consommateurs rentre en concurrence avec la celle des élus et celle des travailleurs. Cette concurrence objective, correspondant à leurs fonctions sociales respectives, doit être organisée démocratiquement.

8) Évolution par crise

Le schéma dominant en France est le suivant : en période normale, la logique d’appareil bloque toutes les évolutions ; puis quand l’accumulation de mécontentement débouche sur une crise s’ouvre alors une petite fenêtre pour le changement.

9) Une vision systémique

Le niveau départemental de la représentation n’est pas le seul : une approche en termes de bassin d’emploi, de pays est également nécessaire. L’objectif est de réussir à intégrer l’ensemble des partenaires concernés pour débattre du bien-être des citoyens sur un territoire donné en relation avec d’autres espaces et d’autres échelles. Les différents niveaux temporels et territoriaux doivent donc être articulés entre eux.

10) La reconnaissance de la consommation comme fonction économique
Depuis la révolution industrielle, Capital et Travail ont été reconnus au nom de la fonction de production. Mais le consommateur individuel reste atomisé. Il n’est pas reconnu comme acteur social à part entière. Comment sortir la représentation des consommateurs de sa marginalité actuelle ?

Par Madeleine Stefani, Sud PTT