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Réseaux nordiques pour des services publics pour tous

Publié par , le 16 mars 2007.





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Ces dernières années, des campagnes et réseaux de promotion des services publics, du "Welfare state" et de la justice sociale ont vu le jour en Suède, en Norvège et au Danemark pour répondre aux évolutions néo-libérales qui mettent de plus en plus à mal le "modèle nordique".

Le réseau suédois

A l´automne 2004, une pétition intitulée « Upprop för rättvisa och gemensam välfärd ! » (Appel pour la justice et pour des biens communs !) [1] a été lancée en Suède. Cette pétition, appelant à se mobiliser pour le maintien et le développement des biens publics et dénoncant les politiques libérales mises en place, a été lancée à l´initiative d´Attac Suède, de SEKO (le syndicat des services et des communications) et d´associations environnementales principalement. Le texte a circulé dans plus d´une centaine d´organisations et a été signé par des associations, des syndicats et des personnalités dont : SEKO, ATTAC, MJV (Les Amis de la Terre Suède), des sections locales des syndicats Kommunal et Metall, de la fédération LO, d´Emmaus, du réseau SITS [2]... Les organisations signataires représentent plus de 800 000 personnes.

Accompagnant la pétition, un article-débat rédigé par les signataires les plus connus était publié dans le Aftonbladet, un des principaux quotidiens nationaux. La pétition a ensuite été envoyée en novembre 2005 au ministre du Commerce, alors social-démocrate.

Suite au succès de cette mobilisation, un « réseau pour des biens communs » ou « réseau pour des services collectifs pour tous » (traduction approximative de Nätverk för gemensam välfärd/ Common Welfare network) a été créé en octobre 2005. Formé d´une coordination nationale et de comités locaux, le réseau réunit syndicats et associations militant pour la justice sociale et des services publics pour tous de manière à garantir l´accès aux droits fondamentaux. Le groupe de Malmö est particulièrement actif.

Sur la base de la pétition, le réseau a mis en place plusieurs actions. Des questionnaires reprenant les principaux éléments de l´appel ont été envoyés avant les élections aux partis politiques, au niveau local et national, pour qu´ils prennent position sur les différents points et annoncent les politiques qu´ils souhaitaient mettre en place. Les sociaux-démocrates ont répondu qu´ils soutenaient les idées du réseau mais qu´il était impossible de revenir à ce qu´on avait auparavant. Le réseau a également tenu des conférences et séminaires, et lancé une mobilisation autour de la directive services (à travers une pétition notamment). Enfin, un petit journal a été édité, diffusé dans les organisations et distribué gratuitement dans la rue. Sur 4 pages, le journal mêle interviews, sondages, informations sur les rencontres et l´actualité en lien avec les services publics. D´autres numéros devraient suivre.

Par ailleurs, le réseau a mis en place un "cercle d´études" sur le Welfare à Stockholm. S´inscrivant dans la tradition suédoise de la formation pour adultes, ces rendez-vous bi-hebdomadaires, gratuits et ouverts à tous, sont l´occasion d´échanger et de questionner un thème défini à l´avance et sur lequel chaque participant a lu des documents avant la rencontre : AGCS [3], évolution des conditions de travail, réversibilité des privatisations etc. Ce cercle d´études est également tourné vers l´action : il s´agit dans un second temps, à partir des discussions, de réfléchir à des stratégies de campagnes et de mobilisations.

Aux côtés d´Attac et de SEKO, Miljöförbundet Jordens Vänner/Les Amis de la Terre Suède [4] est très investi dans le réseau : leur théorie des espaces publics établit un parallèle entre la nécessité d´espaces verts libres, ouverts à tous dans une ville et les services publics, espaces libres qui doivent rester accessibles à tous et qu´il faut préserver du marché.

Encore assez récent, le réseau est toujours dans une phase de consolidation. Les mobilisations qui ont eu lieu à la fin 2006 contre la réforme du système de sécurité sociale en Suède ont cependant permis de conforter les liens entre les associations et les syndicats et de renforcer l´intérêt de ces derniers pour une telle coopération dans un climat de tensions avec le gouvernement de centre-droit élu en septembre dernier.

Le réseau norvégien

En Norvège, la « campagne pour le Welfare state » a vu le jour en septembre 1999. Alliance de six syndicats représentant un demi million de personnes (ce qui est considérable pour la Norvège), cette campagne a été créée pour renforcer les luttes contre les privatisations et les dérégulations en Norvège et promouvoir un « secteur public fort ». Elle s´est élargi a 20 nouvelles organisations en 2000 et comprend désormais des associations, des étudiants... Cette « campagne pour le Welfare State » a travaillé au niveau local avant les élections de 2005 et a demandé à tous les partis politiques ce qu´ils pensaient du Welfare state et des privatisations. Les résultats ont ensuite été publiés sur des sites internet et largement diffusés, contribuant fortement à la montée de la gauche dans les sondages puis à sa victoire aux élections. Cette campagne a par ailleurs mis la pression sur les partis de gauche, qui une fois les élections gagnées ont tenu les engagements très fermes pris lors de la campagne.

Le réseau danois

Au Danemark, un réseau s´est également créé dans la foulée d´importantes mobilisations en 2006. Le 17 mai 2006, environ 100 000 personnes ont manifesté à travers le Danemark contre le programme du gouvernement de droite : réduction des allocations chômage et des aides aux étudiants, baisse des retraites, gel des impôts imposé par le gouvernement aux municipalités entraînant des réductions des dépenses sociales –tout cela malgré un excédent dans le budget national de 80 milliards de couronnes danoises (environ 10 milliards d´euros) et un taux de chômage relativement faible- . Les manifestations ont été initiées par les sections jeunesse des syndicats et des partis politiques de gauche, qui ont coopéré sous le slogan « Un nouveau départ pour le Danemark ». Les sociaux-démocrates n´ont pas échappé aux critiques : durant la fin de leur mandat au gouvernement, ils avaient introduit des réductions fiscales pour les haut-revenus et des privatisations dans les services, et ont ensuite entamé des négociations avec le nouveau gouvernement de droite sur des détériorations du système de protection sociale.

Dans la continuité de la campagne « Un nouveau départ pour le Danemark », le « Nätverket for social och solidarisk velfaerd !” [5] a été formé, regroupant syndicats et étudiants. Le 2 septembre 2006, le meeting fondateur a rassemblé plusieurs centaines de personnes à Copenhague.

Les trois réseaux sont en contact entre eux et échangent des informations. Par exemple, le réseau "gemensam välfärd" travaille sur une version suédoise du livre Velferd till salgs ("Welfare à vendre") d´Asbjörn Wahls, membre très actif du réseau norvégien.

En mars 2007 se tiendra en Suède une réunion nationale du réseau "gemensam välfärd", à laquelle devraient assister des membres des réseaux norvégien et danois.

Ces réseaux surveillent de près le travail du "réseau européen pour des services publics pour tous" qui a vu le jour lors du Forum Social d´Athènes en mai 2006. Certains membres des réseaux en font d´ailleurs déjà partie.

Liens vers les sites des réseaux et campagnes :

 en Suède : Nätverk för gemensam välfärd

 en Norvège : For velferdsstaten

[1] « Call for justice and common welfare », version anglaise de l´appel en pièce jointe

[2] Sjukvården Inte Till Salu, "les services de santé ne sont pas à vendre", Göteborg

[3] Accord Général sur le Commerce des Services de l´organisation mondiale du Commerce

[4] et notamment le groupe de Stockholm "Alternativ Stad" (Ville alternative)

[5] réseau pour un welfare social et solidaire

Par Hélène Cabioc’h