AITEC
Bouton menu

Energie : une autre politique est possible !

Publié par , le 19 mars 2007.





Partager :

bouton facebook bouton twitter Bouton imprimer

Energie : une autre politique est possible !

Pour les citoyens du monde, le débat énergétique est stratégique et majeur. Il concerne tous les aspects du rapport entre les modèles de développement et l’énergie. On y retrouve aujourd’hui la question des inégalités et de la pauvreté, la question des guerres, de la violence et de la montée des idéologies sécuritaires, la question des formes de domination géopolitique entre le Nord et le Sud. On y retrouve aussi toutes les questions liées à la remise en cause des écosystèmes, accentuées aujourd’hui par la prise de conscience des conséquences du réchauffement climatique.
Pour le mouvement qui s’inscrit dans la perspective d’un autre monde, la question de l’énergie appelle un changement radical, changement dont la nécessité interpelle tous les responsables. L’accès pour tous à l’énergie au niveau de la planète et le choix de mettre en avant l’égalité d’accès inscrivent la réflexion sur le service public dans la perspective des alternatives aux politiques de libéralisation et de leurs conséquences en terme d’inégalités, de discrimination et d’exclusion.

C’est pourquoi les membres de l’AITEC (Association Internationale de Techniciens Experts et Chercheurs) ont ressenti la nécessité de formuler les constats et les propositions ci-après.

Sur la situation :

 le développement industriel s’est constamment appuyé sur la consommation massive d’énergie fossile, avec le charbon à l’origine ; depuis plus d’un siècle, la production et la consommation d’hydrocarbures (pétrole et gaz) se sont développées massivement, sous le contrôle d’un oligopole de compagnies pétrolières du Nord de taille mondiale, de plus en plus puissantes et concentrées, appuyées par leurs Etats d’origine. La lutte pour le contrôle des ressources pétrogazières n’a cessé et ne cesse d’être un facteur permanent de domination, de guerre et de corruption ;

 en matière de politique de l’énergie se sont imposées quasiment sans partage des politiques de l’offre, visant pour l’essentiel la conquête des usages énergétiques de masse par les hydrocarbures, avec ses effets calamiteux sur le réchauffement climatique, accentuant dans la plupart des pays, et particulièrement en Europe, le gaspillage d’énergie et la dépendance vis-à-vis de ces compagnies. La tentative de quelques pays, dont la France, de réduire cette dépendance par le recours au nucléaire dans la production d’électricité, n’a pas échappé à ses limites : s’inscrire également dans une politique de l’offre et ne pas avoir réglé la grave question des déchets ;

 aujourd’hui n’existe plus de véritable politique mise en œuvre en matière d’économie d’énergie, incluant l’électricité, alors même que les années 1975-1990 ont montré, en Europe et en France, que celles-ci peuvent être efficaces pour maîtriser la demande d’énergie.
Cette constatation fait d’autant plus scandale que le discours ambiant dominant des responsables politiques ne cesse d’évoquer la nécessité de ces économies d’énergie et d’un développement "soutenable".

 il en va de même des efforts de recherche en vue de parvenir à une production économique d’énergie solaire et plus généralement d’énergies renouvelables décentralisées et proches de la consommation, comme des efforts de recherche-développement d’une filière nucléaire sûre et propre pour la grande production d’électricité ;

 dans les faits, et derrière même certains discours affirmant le contraire, la politique dominante, en France et en Europe, est devenue ces dix dernières années celle du "tout-marché" et de la libéralisation en matière énergétique. En témoignent la politique des transports "tout camion, tout auto", la poursuite de la pénétration des
hydrocarbures dans les usages de chauffage et les limites des politiques actuelles d’offre ENR qui ignorent la nécessité de la proximité avec la consommation, sauf marginalement. La libéralisation de l’électricité et du gaz censée instaurer la concurrence pour le bienfait du consommateur aboutit à la constitution d’un oligopole de grandes firmes européennes qui contrôlent les marchés et les prix, s’approprient les rentes de monopole de ces industries de réseaux et de grands investissements. La recherche effrénée du profit à court terme conduit au sousinvestissement, aux pénuries, aux black-out et aux hausses de prix. Au final, toutes les projections faites sur la base des évolutions actuelles démontrent que la dépendance de la France et de l’Europe en matière énergétique ne cessera d’augmenter et que la sécurité d’approvisionnement de l’Europe se réduira dangereusement ;

 Le développement énergétique actuel au niveau de la planète, mené en fonction des intérêts des firmes et des Etats du Nord, ne cesse d’accentuer les inégalités énergétiques et l’exclusion d’une part considérable des citoyens du monde de toute consommation énergétique économique, alors même que celle-ci leur est nécessaire pour la satisfaction de leurs besoins essentiels tels que l’éclairage, le chauffage, la santé et l’éducation. A l’échelle de la planète, le droit à l’énergie est en régression pour les citoyens, alors que l’énergie est un bien public de l’humanité toute entière ;

 Dans ce contexte, en France, après une parodie de débat énergétique, le gouvernement annonce qu’il a pris la décision d’engager une nouvelle centrale nucléaire de type EPR. D’une part, si on mène une politique énergique d’économie d’électricité et si on récupère pour le pays l’essentiel du nucléaire qui alimente les exportations, tout indique qu’il n’y a pas besoin de construire de nouvelles centrales nucléaires avant le renouvellement du parc actuel qui peut être envisagé en 2020-2040 (premier engagement 2014-2034) suivant les hypothèses sur la prolongation de la durée de vie des centrales actuelles dans des conditions de sûreté équivalentes. D’autre part, le type de centrales EPR ne présente aucune amélioration décisive en matière de sûreté et ne résout pas la question des déchets nucléaires, alors qu’il est admis qu’une nouvelle génération de centrales propres et plus sûres peut être mis en recherche-développement et pourrait être disponible d’ici une quinzaine d’années si les efforts consentis de mise au point sont importants

Une autre politique de l’énergie :

Un certain nombre de propositions peuvent recueillir aujourd’hui un large assentiment des citoyens et des responsables et s’imposer par une mise en oeuvre effective.

1. la recherche d’un développement durable et la lutte contre le réchauffement climatique imposent un changement radical de politique de l’énergie en pratiquant, en toute priorité, des politiques de la demande visant à réduire la consommation d’énergie et en tout premier lieu celle d’énergies fossiles.
La création d’une taxe sur les consommations d’énergie non renouvelables est un moyen devenu nécessaire. Elle doit s’accompagner de la création de Fonds d’encouragement aux investissements visant les économies d’énergie.

2. 1e droit à l’énergie pour chaque citoyen du monde, pour la satisfaction de ses besoins essentiels, doit devenir un des objectifs de ce développement durable. La taxe sur l’énergie doit en partie être consacrée au développement de l’accès à l’énergie en donnant priorité aux systèmes décentralisés et économiques proches des citoyens

3. en France et en Europe, le changement radical de politique de l’énergie doit se traduire par des politiques publiques en rupture avec les tendances dominantes actuelles :
 en matière de transports : priorité totale aux transports collectifs et au rail par rapport à la route aussi bien pour les transports de passagers que pour les transports de marchandises (notamment ferroutage volontariste) ; nouvelle étape de réduction ambitieuse des consommations énergétiques de tous les véhicules et changement rapide des anciens.
 en matière de logements et autres locaux : généralisation de nouvelles normes d’isolation plus exigeantes, pour les locaux anciens comme pour les locaux neufs ; élimination des chauffages électriques anciens ; nouvelles normes plus sévères pour tous les appareils consommateurs d’énergie et généralisation de leur usage avec mesures fiscales et incitations à l’investissement ; limitation du développement de la climatisation aux seuls besoins indispensables qui ne peuvent être satisfaits par la ventilation
 en matière d’industrie, incitations à la mise en œuvre généralisée des procès économes en énergie
Ces politiques publiques volontaristes doivent notamment faire appel aux normes, à la fiscalité et aux aides publiques à l’investissement. Elles viseront à générer le développement de l’emploi. Elles doivent remplacer les politiques de "tout marché" et de libéralisation à l’œuvre actuellement, ce qui suppose la remise en cause des dispositions européennes qui les traduisent. Elles doivent s’imposer aux entreprises publiques nationales et services publics locaux qui doivent en devenir les principaux et ardents artisans.

En France, la décision d’ouvrir la concurrence en électricité et gaz pour les usagers domestiques et professionnels doit être abandonnée et remplacée par le renforcement des obligations de service public d’EDF et GDF visant à la fois à garantir l’égalité d’accès et la péréquation sociale et territoriale, et à poursuivre l’amélioration de la qualité des services et la baisse de leurs tarifs en les basant sur les coûts et la productivité. Ceci suppose une régulation démocratique forte qui soit alimentée par un système d’observation et d’évaluation indépendant, transparent et contradictoire, basé sur le rôle des élus, des usagers-citoyens et de leurs représentants

4. En France, le développement important des ENR doit devenir une réelle priorité, en recherchant la maîtrise de leur coût et en donnant la priorité aux systèmes décentralisés liant production et utilisation rationnelle au plus prés du consommateur (ex : chauffage solaire thermique, maisons solaires bioclimatiques, cellules solaires associées aux appareils très économes et adaptés, éolien de proximité, etc ...). Un système public, complet et transparent, d’incitation massive à ces développements doit être mis en place en recherchant les effets d’entraînement maximum sur l’emploi.

5. Cette nouvelle politique publique d’économie d’énergie doit se fixer des objectifs ambitieux en matière d’économie d’électricité afin que soit repoussé le besoin d’augmenter la capacité de production électrique française. Le prolongement de la durée de vie des centrales nucléaires actuelles doit faire l’objet de recherches appliquées visant à garantir une sûreté renforcée et à rénover ces centrales en différant leur renouvellement à 50, voire 60 ans. Cette politique doit être fondée sur une évaluation transparente et contradictoire.
Le renforcement de la sûreté des réseaux face aux aléas climatiques pourra conduire à la mise en service de centrales de co-génération et de cycles combinés gaz de taille moyenne pour renforcer les équilibres régionaux production-consommation.

6. La décision d’engager un réacteur EPR doit être remise en cause. La puissance des centrales nucléaires actuellement consacrée à l’exportation doit être destinée à la consommation française. Les échanges d’électricité ne peuvent durablement être à sens unique entre pays européens mais doivent être réciproques ; les lignes de transport HT - THT ne peuvent être consacrées au développement d’un soi-disant "marché" et doivent être utilisées pour les secours et ajustements, temporaires et mutuels. Toute nouvelle construction doit être menée en accord avec les citoyens localement concernés.

7. La recherche-développement d’un nouveau type de centrale nucléaire, plus sûr et propre en déchets, en vue de réaliser le renouvellement des centrales nucléaires actuelles doit être conduite comme une priorité disposant de tous les moyens appropriés. Ce programme doit faire l’objet d’un suivi et d’une évaluation transparente et contradictoire afin que puisse être prise démocratiquement, le moment venu, la décision soit de renouveler le parc existant avec ce nouveau nucléaire soit de sortir du nucléaire, en tenant compte de toutes les alternatives

8. Dans tous les domaines, pour les usages de l’énergie comme pour sa production et son transport, les efforts de recherche et de recherche-développement doivent être renforcés de façon très importante afin de parvenir à des usages énergétiques économiques de l’énergie solaire et des autres énergies renouvelables qui soient les plus généralisés.

9.1e renforcement de la sécurité des approvisionnements en énergie de la France et de l’Europe, passe à la fois par quatre axes indissociables : a)la maîtrise de la demande d’énergie qui doit conduire à la réduction des importations ; b)la généralisation des politiques de coopération mutuelle et d’échange équitable en Europe et avec les pays fournisseurs qui doit réduire les effets de domination générateurs de conflits et de risques de guerre ; c) la réduction de la puissance stratégiques des multinationales pétrogazières et d) le renforcement des acteurs publics qui doivent être les instruments des politiques publiques en matière de demande, de production et d’approvisionnement en énergie.

10.En France, ceci suppose d’écarter les projets de privatisation d’EDF et GDF, de refonder leur alliance par un projet public industriel et social refondateur, réalisant leur fusion et franchissant une nouvelle étape dans leur démocratisation qui doit être fondée sur un nouveau rôle des élus et des usagers-citoyens. Ce nouveau groupe public, devra être un acteur exemplaire au service de l’intérêt général et des politiques publiques dans tous les domaines, y compris par son management interne, sa politique sociale et sa démocratisation par ce rôle nouveau des élus et usagers-citoyens. Il aura la dimension pour développer une coopération efficace avec les autres acteurs énergétiques européens, au service de la politique énergétique européenne nouvelle décrite ci-dessus.

En résumé : Dix propositions

Un changement radical :

 1. Forte maîtrise de la demande d’énergie, taxation des énergies non-renouvelables, aides aux économies d’énergie

 2. Droit à l’énergie pour tous les citoyens du monde ; l’énergie est un bien public de l’humanité

 3. Développement important des ENR liant production et utilisation

 4. Politique d’économie de l’électricité, récupération des exportations pour les besoins français

 5. Pas d’engagement de centrale nucléaire de typeEPR,

 6. Recherche-développement d’un nouveau type de centrale nucléaire plus sûr et propre en déchets

 7. Intensification des efforts de recherche sur les usages et la production des énergies renouvelables, solaire en tête,

 8. Politiques publiques fortes en matière d’énergie s’appuyant sur les normes, la fiscalité, les aides publiques, avec objectif de développement de l’emploi.

 9. Abandon des décisions de privatisation d’EDF et GDF et de libéralisation de l’électricité et du gaz pour les usagers domestiques et professionnels. Création d’un groupe public né de la fusion d’EDF et GDF et de leur démocratisation avec un rôle nouveau des élus et des usagers-citoyens

 10. Renforcement de la sécurité d’approvisionnement de la France et de l’Europe par ces politiques publiques énergétiques audacieuses et équitables