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Vers un FMI sous ajustement structurel ?

Publié par AITEC, le 13 avril 2007.

Dette et financement du développementCommerce et développement



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Les prochaines assemblées de printemps des institutions de Bretton Woods, fin avril 2007, devraient voir le FMI occuper le devant de la scène.
Depuis la fin 2005, l’institution théoriquement en charge de veiller à la bonne santé financière du monde est sous le feu des critiques, à tel point que ses actionnaires et ses personnels ne peuvent plus ignorer les appels à la réforme de ses missions et son système de délibération.
Mais quelles réformes entreprendre pour évoluer dans le sens d’une régulation efficace et égalitaire de la finance mondiale ?
De ce point de vue le FMI n’a pas ses preuves c’est le moins qui puisse être dit : de la crise de l’endettement depuis le début des années 80 à l’effondrement de l’Argentine en passant par la crise asiatique de 1997-1998, le Fonds a failli (ou n’a pas souhaité assurer) dans sa fonction de régulateur des chocs financiers.
Le FMI s’est principalement concentré sur deux types d’intervention : son action au titre de l’article IV de ses statuts, qui prévoit la revue régulière des politiques macro-économiques et financières de ses membres, et son rôle de « prêteur en dernier ressort » à travers les SBA dans les pays à revenu intermédiaire et les PRGF pour les Low Income Countries.


Source : FMI Bulletin, 26 mars 2007, vol. 36, n°5, p.66

Mais de près de 75 Mds DTS en 2003, le total des prêts et crédits du FMI a chuté à moins de 20 Mds au 31 janv. 2007 : la part latino-américaine est quasiment réduite à néant et même la part africaine semble avoir reculé au tiers de sa valeur d’alors.
La restauration d’une situation financière stable chez un certain nombre de gros clients du FMI et les mesures d’annulation de la dette multilatérale HIPC puis IADM conduisent de plus en plus de pays à se détourner du Fonds : plusieurs gouvernements d’Amérique latine ont soldé leurs créances et s’orientent vers une solution de banque régionale alternative, la région Asie a d’ores et déjà organisé un Fonds monétaire régional de fait, les puissances économiques « émergentes » se positionnent comme nouveaux bailleurs pour l’Afrique. En Afrique justement, de plus en plus de pays retrouvent une capacité d’emprunt sur les marchés financiers, qui permet à certains d’entre eux de ne pas renouveler les PRGF qu’ils avaient contractés.

Si bien que le FMI se trouve remis en cause dans sa fonction de banquier. La Turquie concentrerait ainsi à elle seule 60 % (6,9 Mds DTS au 31/01/07) des encours actuels dûs au Fonds et ses responsables parlent de les solder.

Au delà de ces facteurs procédant de la conjoncture mondiale (cours élevé du pétrole, réserves importantes dans les banques centrales…), le FMI vit une sorte de fronde interne : son rôle dans les pays les plus pauvres, en particulier à travers les PRGF, est remis en cause par plusieurs rapports récents (Malan, Crockett et BIE), qui renvoient la responsabilité d’opérateur-financeur du développement à la Banque mondiale et critiquent les modalités d’action du FMI en Afrique en particulier.
Sans qu’ils remettent en cause les principes fondamentaux promus par les IFI à travers leurs programmes, et tout en conservant une confiance globale dans sa capacité à assurer des fonctions d’intérêté général, les auteurs des rapports confirment toutefois le diagnostic posé par les mouvements sociaux et citoyens quant au déficit démocratique interne au Fonds et au bien-fondé de sa présence dans les pays pauvres.

Mais même mis à rude épreuve, ébranlé dans sa légitimité, le FMI n’a pas tout perdu de son opérationnalité ! Il crée de nouveaux instruments à destination des pays pauvres en quête de crédibilité internationale ; il se cherche également un destin de facilitateur du dialogue économique mondial. Car il reste un baromètre, même si son hégémonie a vécu. Dans beaucoup de pays pauvres il reste une étape obligée du processus de validation des finances publiques.

Les circonstances réactualisent en tout cas le débat sur le devenir du FMI et les principes et instruments de la régulation financière mondiale que nous pourrions appeler de nos vœux. Quelle architecture financière internationale alternative appelons nous de nos vœux ?

Petite chronique de deux années de déboires de l’institution

 Juin 2005 : Multilateral Debt Relief Initiative
Via l’annulation de 100 % de dette multilatérale de 24 pays décidée par les chefs d’Etat du G8, dite MDRI, « le FMI perd un de ses principaux outils de domination des pays pauvres ». Mais peu de pays saisissent vraiment cette opportunité pour le moment.
Parallèlement le FMI élabore un nouvel outil pour les gouvernements qui n’ont plus besoin de ses prêts : le PSI (Policy Support Instrument), qui offre une possibilité alternative de se soumettre aux « conseils » et préconisations du Fonds aux pays qui ne sont plus sous PRGF (Programmes de prêts concessionnels aux pays à faible revenu octroyés par le FMI). Quatre pays en ont pour le moment signé un : le Nigeria, le Cap Vert, l’Ouganda et la Tanzanie. Le Ghana est le point de s’y engager.

Policy Support Instrument – PSI

Il s’agit d’un nouvel instrument créé par le FMI à l’attention des pays à faible revenu ; sa création intervient dans un contexte de stabilisation économique d’un certain nombre de pays éligibles aux PRGF, qui n’ont désormais plus besoin de l’assistance financière du Fonds.
C’est à eux que s’adresse le PSI : il leur permet théoriquement de bénéficier de l’évaluation régulière et des recommandations du Fonds sur le contenu de leurs politiques économiques, financières, fiscales… dans le cadre d’un reporting semiannuel. Il peut permettre également de bénéficier, de façon privilégiée, de la « Facilicité contre les chocs externes » (ESF) prévue dans le PRGF.
« La signature d’un PSI est ouverte sur demande à tous les members du Fonds éligibles au PRGF et engagés dans un PRSP. Toutefois le PSI a été conçu pour répondre aux besoins des pays matures, soit ceux qui ont atteint une croissance raisonnable, un niveau d’inflation bas, un niveau de réserves internationales suffisant et se sont engagés sur la voie de la soutenabilité concernant leur dette externe et domestique. » Soit la pression politique sans les contreparties financières à moins d’une urgence absolue...
On suppose que les gouvernements contractants voient dans ce « partenariat » avec le FMI un gage de crédibilité vis-à-vis de la communauté financière internationale et des bailleurs internationaux, voire même un appui technique et statistique utile. Le « label » FMI continuant d’être un passeport pour le crédit international, tous les pays insuffisamment riches en matières premières, trop peu attractifs pour les investisseurs privés ou requérant des allègement de dette publique dépendent des analyses faites à Washington. La souscription du Nigeria au PSI procède ainsi de la nécessité pour le pays de rester sous programme FMI dans la perspective de bénéficier d’un traitement au Club de Paris.

Quoi qu’il en soit, la conclusion progressive, et le non-renouvellement, de leur PRGF par des pays dont on pouvait supposer qu’ils en avaient suffisamment éprouvé les contraintes laissait espérer un recul des conditionnalités macro-économiques. Les pressions ne pourraient être si fortes dès lors que les incitations deviendraient symboliques.
Mais dès sa première revue du PSI ougandais, le Fonds critiquait explicitement le choix du gouvernement d’accorder, via un Programme de lutte contre la pauvreté national (Bonna Bagaggawale), des prêts préférentiels aux petits paysans, les considérant comme des subventions directes (donc, suppose-t-on, des distorsions au marché). Le gouvernement ougandais s’était engagé (dans le cadre PSI) à ne pas prolonger ses aides au secteur des coopératives rurales : pragmatique, il poursuit donc la mise en œuvre de son programme, via le système bancaire postal.

 Septembre 2005 : les USA s’en prennent au FMI
Début du week-end de réunion annuelle des IFI : le Sous-secrétaire d’Etat états-unien aux affaires internationales Tim Adams se livre à une critique en règle du FMI, alors même que Rodrigo Rato est dans la salle. Adams critique notamment l’inefficacité du Fonds par rapport à sa fonction première, la surveillance des taux de change ; il avance aussi la nécessité de rééquilibrer les pouvoirs de vote au sein de l’institution, car le statu quo menace sa légitimité. Il appelle également à la fusion des 8 sièges européens en un seul. Enfin il fustige les résultats du FMI dans les pays pauvres, arguant que le Fonds n’est pas une institution de développement, et que ses interventions dans les PED ont été catastrophiques. Il appelle ainsi à ce que la WB récupère sous sa responsabilité le travail effectué par le FMI via les PRGF, et que le FMI se cantonne à des prêts de court terme pour corriger les déséquilibres conjoncturels de balance des paiements.
Il conclut son discours en déclarant que le FMI a « perdu le Nord » et est sur le point de devenir une institution sans fondement.

 Décembre 2005 : tentative ratée du Fonds pour miner la MDRI
La mise en œuvre de MDRI exige la ratification conjointe par les boards du FMI et de la BM. La préparation de la réunion par les agents du FMI démontre à quel point ceux ci se sentent menacés par l’initiative. Ils tentent en effet de proposer de nouveaux critères d’éligibilité à celle-ci. Comme par hasard, 4 des 5 pays qui n’auraient plus aucun programme avec le FMI s’ils bénéficiaient de MDRI figurent parmi les pays qui seraient recalés sur la base de ces nouveaux critères.
Les pays membres du board qui ne sont pas au G7 approuvent cette nouvelle approche, en suggérant même de rendre l’éligibilité révocable en cas de non-soumission aux prescriptions de politique économique du FMI.
Heureusement la mobilisation de la société civile et l’obstination de la GB et des USA suffisent à conserver MDRI en son état initial. C’est surement la première vraie défaite subie par le FMI dans son histoire.

 Décembre (13) 2005 : Le Brésil solde toutes ses créances réclamées par le FMI
Après avoir victorieusement conclu, et non renouvelé, son programme avec le FMI en mars 2005, le gouvernement brésilien annonce qu’il remboursera les 15.5 Mds$ d’encours réclamés par le Fonds et ceci avant fin 2005. La société civile proteste que cela risque de priver le Brésil des moyens nécessaires à la conduite de politiques sociales, ce alors que les créances sur le point d’être remboursées sont pour une bonne part illégitimes.

Le Brésil n’est pas le premier pays à faire un paiement anticipé et complet au FMI, puisque la Thaïlande l’a déjà fait en août 2003 (pour 12Mds$).
Mais le geste du Brésil entraîne un mouvement en cascade de la part de plusieurs pays à revenu intermédiaire, qui lui emboitent le pas. Ceci, doublé de l’évidence assumée que les pays est-asiatiques amassent des réserves monétaires en cas de future défaillance du FMI , amplifie la perception selon laquelle le FMI fait triplement face à une crise de confiance, une crise d’identité et une crise financière.

Le Fonds monétaire asiatique

La première proposition formelle pour la création d’un Fonds monétaire asiatique est due au Japon, et remonte à 1997, alors qu’une grave financière frappe toute la région. Vulnérable à un éventuel effondrement financier de la région en raison de ses nombreux investissements dans les banques des pays voisins, le Japon n’est par ailleurs pas suffisamment dominant à Washington pour espérer convaincre rapidement le FMI et les USA d’intervenir à son avantage.
En mai 2005, à l’initiative du Président de la Banque asiatique de développement qui n’est autre qu’un des promoteurs japonais du projet présenté en 1997, la Chine, le Japon, la Corée du Sud et les 10 membres de l’ASEAN se réunissent et conviennent d’étendre leur réseau d’échanges de devises, créant de fait une première expérience de Fonds monétaire asiatique, concurrent du FMI. Ils décident notamment de passer la part des réserves d’urgence débloquables sans autorisation du FMI de 10 à 20 %.
Pour contrer l’initiative, le FMI n’a d’autre choix que de renforcer la place des pays asiatiques dans ses processus de décision, soit d’entamer une réforme de sa gouvernance interne.

 Décembre (15) 2005 : l’Argentine solde toutes les créances réclamées par le FMI
L’annonce de l’Argentine deux jours après celle du Brésil selon laquelle elle va solder ses 9.8Mds$ de créances au FMI est tout aussi surprenante.
L’administration du Président Kirchner entretenait avec le FMI une relation très conflictuelle, et en annonçant ce solde de tout compte, il réitère la charge d’accusation contre le FMI arguant que l’institution est responsable de la catastrophe économique survenue en 2001 dans le pays, une opinion largement partagée en Amérique latine et au-delà.
Alors que la décision de Kirchner en rajoute à la crise de légitimité, et maintenant de solvabilité, un certain soulagement intervient tout de même au FMI puisque d’aucuns craignaient que l’Argentine choisisse de stopper ses remboursements plutôt que de solder ses arriérés.

 Février 2006 : Débat sur le futur du FMI
Le débat initié par le discours de Tim Adams en septembre bat son plein quand de nouveaux représentants officiels se joignent au concert de critiques.
Le gouverneur de la Banque centrale britannique, Mervyn King, utilise un langage particulièrement fort, insistant sur les risques que le FMI glisse dans l’obscurantisme. Les officiels de la Banque centrale canadienne renchérissent, et le gouverneur de la Banque centrale d’Afrique du sud dénonce la marginalisation des pays africains au conseil d’administration du Fonds .
Les diagnostics divergent dans ce concert de critiques : certains situent les problèmes du FMI dans son CA, d’autres critiques suggèrent de fusionner le FMI avec l’OCDE, d’autres encore avec la BM. La proposition la plus fréquente est de passer d’un focus « Opérations de prêts aux MIC et LDC » à une fonction de surveillance globale, avec une attention spécifique aux déséquilibres entre les plus grosses puissances économiques.

 Mars 2006 : La Bolivie tourne le dos au FMI
La Bolivie, sous la responsabilité de son nouveau président Evo Moralès, devient le premier pays bénficiaire de MDRI à conclure son programme avec le FMI et à annoncer qu’elle ne renouvellera sa collaboration avec l’institution.

 Avril 2006 : Un nouveau rôle pour le FMI ?
Aux Assemblées de printemps des IFI, le FMI publie des chiffres officiels prévoyant ses premières pertes pour 2007. L’essentiel de la discussion s’oriente sur la réforme des pouvoirs de vote au board du FMI, et le G24 et les autres blocs de pays en développement expriment leur mécontentement devant le manque d’ambition de la réforme de Rato (qui donnerait à 4 pays – Turquie, Corée du Sud, Chine et Mexique- une augmentation immédiate de leur quota et inaugurerait un processus de réexamen de l’ensemble du système à plus long terme). Deux nouveaux comités sont créés pour explorer les nouveaux défis de financement auxquels va être confronté le Fonds et traiter la question des droits de vote.

Mais la suggestion remportant la plus grande attention est celle de Rato proposant un rôle plus actif du FMI dans l’organisation de réunions bilatérales et multilatérales entre puissances économiques sur des questions précises (sous entendu notamment la Chine avec son taux de change controversé et son excédent commercial, et les USA avec leur déficit massif). Ce nouveau mandat de régulation des tensions économiques est accueilli de façon enthousiaste par ceux mêmes qui avaient été les plus critiques : Tim Adams est très satisfait et M. King est quasi-extatique.

 Mai 2006 : La Serbie solde ses créances au FMI
Le gouvernement serbe annonce qu’il va rembourser 500 millions $ prêtés par le FMI, ce qui met un terme à toutes ses obligations à l’égard de l’institution (le paiement ultime a eu lieu en mars 2007).

 Mai 2006 : l’Indonésie annonce qu’elle prévoit de rembourser le FMI très prochainement
Le gouvernement indonésien annonce qu’il va rembourser toutes les créances réclamées par le FMI , soit 7.8Mds$, dans un délai de deux ans. L’Indonésie va ainsi rembourser 3,2Mds$ dès le mois d’octobre suivant.

 Eté 2006 : L’insolvabilité du FMI ?
Le comité formé en avril pour réfléchir aux possibilités alternatives de refinancement du FMI, qui à moyen terme ne pourra plus dépendre des revenus liés aux remboursements de créances, rapporte la profondeur de la crise, tablant sur une perte annuelle potentielle de 100M$ . Pour la première fois des compressions de personnel au FMI sont discutées. L’idée de vendre ou de réévaluer une partie des stocks d’or du FMI est avancée, une solution qui avait été rejetée s’agissant de financer les allègements de dette en 2005. Les USA, dont le Congrès doit approuver un éventuel changement des statuts des stocks d’or du Fonds, avertissent qu’il ne soutiendront pas une telle proposition.

 Septembre 2006 : le FMI et la BM se rencontrent à Singapour, dans un contexte de répression
Le FMI et la BM tiennent leur réunion annuelle à Singapour en dépit des avertissements quant au fait que l’histoire répressive de la cité à l’égard des libertés civiles pourrait entraver la liberté de discussion avec la société civile. Et en effet le gouvernement de Singapour interdit à des douzaines d’activistes d’entrer dans le pays, avec parmi elles 27 personnes dont la présence a été approuvée en tant que délégués de la société civile au sommet officiel.
Les IFI prennent des positions distancées à l’égard des autorités de Singapour, et recommandent que tous les délégués puissent assister à la réunion. Mais l’attention de la presse se concentre sur l’image du FMI et de la BM, qui choisissent un pays répressif pour accueillir une de leur réunion. La publication du rapport Doing business, qui place Singapour en tête des pays où faire des affaires, n’aide pas à convaincre d’un positionnement des IFI en faveur des droits humains et civils.

 Août 2006 : Les directeurs africains protestent contre le plan de réforme des quotas de représentation au FMI
Dans un mouvement très inhabituel, les trois directeurs exécutifs représentant l’Afrique au FMI envoient un mémo à une réunion des ministres des finances africains à Maputo, les informant que la proposition de réforme qui doit être discutée aux assemblées annuelles pourrait conduire à une réduction des droits de représentation de l’Afrique, déjà passablement marginalisée au board. Ils signalent qu’ils voteront contre la proposition en l’état et recommandent que les pays africains s’y opposent lors des Assemblées annuelles si elle n’a pas changé.

 Septembre 2006 : Les discussions relatives à la réforme des quotas de vote au FMI causent des dissensions
La discussion qui retient le plus d’attention aux Assemblées annuelles est la proposition de changement des structures du vote au bureau du FMI. LA proposition largement inchangée depuis avril malgré de nombreux débats, est dénoncée par de nombreux PRI, qui pensent que la seconde étape promise de la réforme prendra plus de temps que l’année prévue, et pourrait même ne jamais être achevée. De façon très inhabituelle, un vote formel est organisé aux assemblées, qui dure plus de deux jours.
Plus de 20 pays s’opposent à la résolution, dont le Brésil, l’Argentine et l’Inde mais le total de leurs voix ne suffit pas pour obtenir plus des 15 % requis pour empêcher la proposition de passer (la plupart des pays africains supportent finalement la proposition).
Mais ce niveau de dissensions au sommet du FMI est rare, et les rapports indiquent que les discussions, qui se tiennent à huis clos, mettent en avant quelques gouvernements, notamment asiatiques, qui déplorent que la proposition ne formule aucun changement quant au rôle du FMI.

 Octobre-Novembre 2006 : L’Equateur résiste aux pressions du FMI
Alors qu’il devient évident que Rafael Correa pourrait remporter les élections présidentielles de novembre, les inquiétudes montent face à son opposition explicite aux politiques du FMI, inquiétudes renforcées par le souvenir de ses interventions durant son bref passage au ministère des Finances (un poste auquel il a du renoncer suite aux pressions de la BM). Durant la campagne Correa menace explicitement de répudier la dette externe de l’Equateur.
Après avoir remporté l’élection présidentielle, Correa refuse de dire si l’Equateur paiera ou non les encours liés à sa dette extérieure.

 Novembre 2006 : L’Uruguay rembourse sa dette au FMI
Le gouvernement uruguayen annonce qu’il va payer la totalité des créances dûes au FMI, qui s’élèvent à environ 1Md$ ; il devient ainsi le troisième pays du Mercosur à se soustraire à l’influence du FMI.

 Décembre 2006 : Un nouveau rôle pourle FMI ? Non merci
Les commentateurs rapportent que le FMI a du interrompre les débats qu’il tentait d’organiser entre cinq acteurs économiques majeurs, la Chine, les USA, la zone euro, l’Arabie saoudite et le Japon : les participants n’y étaient pas suffisamment engagés.

 Décembre 2006 : Les Philippines remboursent tout et se retirent de tout programme avec le FMI
Le gouvernement des Philippines annonce qu’après avoir remboursé les derniers 220 millions de $ dûs au FMI, il ne renouvelera pas ses programmes avec lui.
Maintenant les prêts à Ankara comptent pour les 2/3 des encours impayés du Fonds : ce qui conduit des observateurs à conclure que le FMI est, dans les faits, le Fonds monétaire de Turquie.

 Janvier 2007 : La pression du FMI sur le programme de lutte contre la pauvreté de l’Ouganda est mise à jour
Dans une revue de son PSI, le FMI prévient le gouvernement ougandais que son programme de lutte contre la pauvreté « Bonna Bagagawale », selon lequel les banques sont encouragées à faire des prêts en dessous des cours du marché aux petits paysans, représente une possible subvention directe (soit une distorsion au marché), et devrait être soit ajourné soit reconfiguré.
L’assertion du FMI selon laquelle il a fait de la réduction de la pauvreté une de ses priorités est mise en question. Et les espoirs que le PSI du FMI mettrait fin à ses pratiques d’entraves aux politiques économiques réellement pro-poors restent sans suite.

 Février 2007 : Le rapport Malan appelle le FMI à cesser les prêts aux PFR
Un comité présidé par l’ancien ministre des finances brésilien Pedro Malan publie un rapport sur la façon dont le FMI et la Banque pourraient mieux collaborer.
Le rapport critique de façon directe les PRGF, instruments de prêts concessionnels du Fonds destinés aux pays à faible revenu. Une de ses suggestions principales est que le Fonds, qui n’est pas profilé pour intervenir comme une institution de développement, devrait cesser de faire des prêts aux pays à faible revenu, et laisser cette responsabilité à la Banque. Le rapport propose donc que le FMI s’oriente vers une politique d’opérations financières de long terme auprès des pays en développement.
Le rapport note aussi que la collaboration entre le Fonds et la Banque est particulièrement difficile. Ainsi la problématique de la contradiction entre stabilité et croissance serait simplement irrecevable (cf l’insistence du FMI à maintenir une inflation très basse même si elle est défavorable à la croissance) bien qu’elle cause des frictions récurrentes entre les deux institutions.
Les mouvements sociaux et citoyens ont activement dénoncé cette aspect des politiques du FMI, expliquant que les objectifs d’inflation dictés par le Fonds ne permettaient pas la mise en place de programmes de santé et d’éducation.

Malheureusement le rapport ne prend pas ses distances avec la pratique de l’évaluation des économies des pays en développement par le FMI, et supporte explicitement le PSI.

 Février 2007 : Le rapport Crockett présente des solutions de refinancement du FMI
Le Comité Crockett a été mandaté par Rato pour proposer des mécanismes de financement à long terme du Fonds lors des Assemblées de printemps 2006. Le rapport conclut notamment à la nécessité de séparer les trois grands activités du FMI : la surveillance globale, les services aux pays membres, et les activités de prêt. Mais il refuse de considérer la compression possible des moyens d’action du Fonds, notamment ses dépenses administratives et de personnels. Il propose en revanche des solutions telles que l’extension des activités d’investissement du FMI, la création d’un Fonds abondé par la vente d’une partie des stocks d’or pour financer le coût des services administratifs, ou encore la tarification d’un certain nombre des services rendus par le FMI à ses membres.
Des observateurs du Sud remarquent que le Fonds n’envisage pas une seconde de s’appliquer à lui-même les recettes qu’il avait pourtant trouvées indispensables pour les pays en développement confrontés au surendettement. Celine Tan, pour le TWN, note par ailleurs que la charge du fonctionnement de l’organisation, de même que celle liée au développement de nouvelles activitées, a surtout été imposée aux pays émergents et dans une moindre mesure aux pays en développement quand ces services étaient surtout destinés aux pays riches (notamment la création de standards d’évaluation du secteur financier). L’utilisation du produit de la vente d’une partie des stocks d’or pour financer les charges de fonctionnement du Fonds est très mal accueillie du côté des mouvements citoyens ; les groupements de lutte pour l’annulation de la dette remarquent qu’une telle solution a toujours été refusée pour financer les allègements de dette qui s’avéraient pourtant nécessaires au titre de la satisfaction des besoins fondamentaux des populations du Sud.

 Mars 2007 : L’Argentine refuse de se réengager avec le FMI
Le Président argentin Nestor Kirchner annonce que si l’Argentine a l’intention de négocier et de payer sa dette au Club de Paris, elle n’entrera en aucun cas dans un nouveau programme avec le FMI. Or avoir un programme avec le FMI est un pré-requis pour négocier avec le Club de Paris un rééchelonnement ou des annulations. Le Club de Paris doit donc dire s’il autorisera une exception pour l’Argentine.

 Mars 2007 : Des rumeurs prétendent que la Turquie pourrait solder ses créances
Le Daily News turc rapporte que le gouvernement turc envisage de solder la totalité de ses créances de 8.5Mds$ au FMI avant les élections de novembre. Si cela arrivait, les 4 principaux débiteurs du FMI auraient tous payé leur dette en avance et gagné l’indépendance à l’égard du Fonds.

 Mars 2007 : Chavez fait avancer la campagne contre le FMI en Amérique latine
Alors que le président Bush se prépare à débuter un voyage en Amérique latine, le président venezuelien Hugo Chavez rend public ses efforts pour éliminer l’influence du FMI dans la région. Avec l’Argentine de Kirchner, il annonce que la nouvelle Banque du Sud va bientôt lancer ses premières opérations, permettant à des pays en difficultés financières d’obtenir des sources alternatives de financement.

La Banco del Sur

Sa création officielle est annoncée par le Président Chavez le 21 février 2007 à Caracas lors d’une visite du Président Kirchner. Elle est présentée comme un Fonds monétaire international « alternatif » et un Fonds de financement d’initiatives liées à l’intégration régionale. Tous les pays latino-américains sont invités à s’y joindre, et aux dires de Chavez ce sont le Brésil, la Bolivie et l’Equateur qui devraient être les premiers à l’intégrer.
Chavez a suggéré que les banques centrales des pays engagés retirent une partie de leurs réserves stockées à l’étranger pour les déposer dans la Banco del Sur, précisant que les substantielles réserves argentines, brésiliennes et vénézueliennes fourniront une part importante des capitaux de la nouvelle banque. Le premier financement devrait concerner la branche Bolivie-Argentine du projet de nouveau gazoduc continental.

De fait l’influence du FMI dans la région ne cesse de régresser : alors que le Fonds avait placé 80 % de ses financements en Amérique latine en 2005, ceux-ci atteignent à peine 1 % cette année. Le pétrole venezuelien fournit à son Président les moyens d’une politique alternative : Chavez a prêté 2.5Mds$ à l’Argentine ; il est sur le point de mettre 500 M$ à disposition de l’Equateur pour l’aider à se mettre à l’abri du surendettement et 1.5Mds$ pour aider Evo Morales à stabiliser la situation en Bolivie.

 Mars 2007 : Un rapport interne pointe la responsabilité du FMI en Afrique
Un rapport publié par l’unité interne de surveillance du FMI, l’OIE, explique que le FMI n’est pas parvenu à rendre efficaces ses politiques à l’Afrique : il a fait peu pour traiter le problème de la pauvreté et de la redistribution des richesses, malgré une rhétorique ambitieuse, il a échoué à tenir ses promesses (par exemple la consultation de la société civile) et a tardé à travailler effectivement au développement de nouvelles opportunités de financement pour les pays africains.
Dans le cadre de ses réflexions sur l’espace fiscal, l’OIE dit que le Fonds a bloqué l’utilisation d’aide à l’Afrique en préférant des programmes macro-économiques conservateurs.
La réflexion présentée dans le rapport reste très imprégnée des cadres de pensée néo-libéraux en vigueur à Washington ; elle ne remet pas réellement en question les principes sous-tendant l’intervention du fonds en Afrique, mais davantage ses échecs et le « business as usual » des responsables de l’Institution, qui n’ont pas fait preuve d’un engagement et d’une capacité d’innovation suffisants.
Le rapport de l’OEI marque toutefois un pas supplémentaire vers la remise en question de la légitimité et de la compétence du FMI à traiter des questions de développement et de pauvreté.

 Mars 2007 : L’Angola annule ses consultations avec le FMI
Le gouvernement angolais confirme qu’il a annulé en février les consultations prévues avec le FMI. Le Ministre des finances lui-même ancien directeur exécutif du FMI explique qu’un programme du FMI n’aidera pas l’Angola à préserver la stabilité économique et sociale qu’il a acquise, et que le pays veut continuer à appliquer ses propres politiques macro-économiques, qui donnent des résultats, sans être sujet à des conditionnalités restrictives.
Les inquiétudes tendent à mettre en avant la prévention de l’Angola contre d’éventuelles enquêtes sur la corruption, et soulignent que la manœuvre est uniquement possible grâce à l’énorme richesse pétrolière de l’Angola et l’aide considérable que ces ressources lui ont permis d’obtenir de la Chine. Mais l’annonce de l’Angola reste un précédent important, probablement la première fois qu’un gouvernement africain se trouve en position de refuser un engagement réciproque avec le FMI.

 Mars 2007 : l’échec du nouveau rôle du FMI confirmé par le Japon
Dans le cadre de la discussion sur les futures assemblées de printemps, les représentants japonais annoncent qu’aucune nouveauté significative ne peut être espérée quant au rôle de facilitation du FMI dans les discussions économiques de haut niveau sur les grands déséquilibres globaux. Reuters rapporte qu’il y a eu très peu de progrès au niveau de la consultation multilatérale proposée par le FMI, et que Tokyo n’attend aucun élément de surprise des rencontres de printemps à Washington.



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