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Contribution AITEC sur La Poste, juin 09

Publié par , le 2 juin 2009.

Services publics et accès au droitServices publics



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version pdf téléchargeable en bas de page

Le changement de statut de « La Poste » d’établissement public en société anonyme par actions est clairement demandé depuis un an par ses dirigeants et a été repris par le rapport Ailleret, puis par le président de la République qui veulent profiter de la mise en concurrence totale décidée par les Institutions européennes pour le 1er janvier 2011 pour imposer la réforme.

Les hésitations du gouvernement quant à la date du débat parlementaire sont significatives des larges oppositions qu’a suscitées son projet dans la société française, de la part des populations, des élus locaux, des usagers, des personnels et des organisations syndicales. C’est un encouragement à exiger le rejet du changement de statut et de la privatisation qu’il prépare. D’autant que d’autres solutions existent.

Les promoteurs de la réforme mettent en avant trois raisons complémentaires, que l’on peut ainsi résumer :
  disposer des moyens d’affronter la libéralisation totale du marché du courrier en 2011 et respecter les règles européennes,
  avoir les moyens de lever 2 à 3 milliards d’Euros pour financer la croissance sans solliciter les finances publiques,
  disposer des moyens de nouer des alliances stratégiques et de pouvoir profiter des opportunités de croissance externe, afin de ne pas « sortir du groupe des grands européens » et de rester « une des postes qui structurent le marché européen ».

Aucun de ces arguments ne résiste à un examen rigoureux de la situation et des enjeux.

 « Disposer des moyens d’affronter la libéralisation totale du marché du courrier en 2011 et respecter les règles européennes » ? D’abord, ni les directives ni les normes communautaires ne comportent d’obligations juridiques concernant le statut des opérateurs ou leur « privatisation ». Il y a parfois de fortes pressions des Institutions européennes pour passer de la libéralisation à la privatisation. Mais cette décision est du seul ressort des Etats membres. L’exemple de Gaz de France est révélateur. Au départ, le gouvernement et le Parlement s’étaient engagés à ce que la part de l’Etat ne descende pas en dessous de 70%. Mais la promesse a été abandonnée lors de la fusion avec Suez et on est passé très vite de la libéralisation à la privatisation.
 « Avoir les moyens de lever 2 à 3 milliards d’Euros pour financer la croissance sans solliciter les finances publiques » ? En fait, non seulement La Poste ne fait aucun recours aux finances publiques pour assurer son financement ou son développement, mais ce sont les utilisateurs des services postaux qui financent le budget de l’Etat (plus de 600 millions en 2007), compte tenu que les obligations de service public (aménagement du territoire, transport et distribution de la presse, accessibilité bancaire) ne sont pas toutes compensées. La Poste autofinance largement ses investissements et sa modernisation, tout en assurant son désendettement. Reprenant l’argument des besoins de capitaux pour la modernisation de La Poste, comme élément clé nécessitant selon lui le changement de statut, le rapport Ailleret avance des chiffres qui ne justifient rien.

Dans la version du 9 décembre 2008, le projet de rapport avouait que les besoins d’investissements « internes » pour 2009-2012 étaient du même ordre que les capacités actuelles de financement de La Poste (environ 4,5 milliards d’Euros), mais précisait que la « croissance externe » pouvait nécessiter de 2,9 à 4,3 milliards d’Euros sur la période. Ces chiffres ont mystérieusement disparu de la version finale du rapport…
 Ainsi, le seul élément justifiant le changement de statut se résume à « disposer des moyens de nouer des alliances stratégiques et de pouvoir profiter des opportunités de croissance externe ». Cet argument relève soit d’une erreur stratégique d’appréciation des spécificités du « marché postal », soit d’une volonté de transformer les missions de La Poste. Les arguments mis en avant visant à ne pas « sortir du groupe des grands européens » et de rester « une des postes qui structurent le marché européen » relèvent d’une référence implicite à la situation des télécommunications, du transport aérien ou de l’énergie dans lesquelles la libéralisation débouche sur la constitution d’un oligopole de quelques grands groupes qui dominent et structurent le marché européen. Or les services postaux présentent la spécificité d’être profondément ancrés dans les territoires, d’être des services publics de terrain, de « proximité » ; l’activité repose sur un contact quotidien avec la grande majorité de chacun des utilisateurs ; elle implique une présence physique et des possibilités de contacts humains réguliers à un maillage extrêmement fin. En réalité, l’objectif des dirigeants de La Poste est de pouvoir « jouer au monopoly en Europe », procéder à des acquisitions et avoir un comportement prédateur.
En fait, l’enjeu consiste à la fois à refonder le service public postal et à en assurer la démocratisation.

Les spécificités de la « libéralisation » communautaire postale (directives de 1997 – 2002 - 2008)

La directive européenne de 2008, qui complète les directives de 1997 et de 2002, qui avaient commencé à libéraliser le secteur postal, vise à l’« achèvement du marché intérieur postal » en procédant à la libéralisation totale du courrier en 2011.
Il convient cependant de procéder à un examen précis des dispositions communautaires spécifiques au secteur postal.
A la différence des autres secteurs (télécommunications, énergie, transports), les textes communautaires comportent une définition ambitieuse et exigeante du « service universel » garanti à chaque habitant de l’UE au plan communautaire. Il s’agit précisément :
  d’assurer au moins cinq jours ouvrables par semaine, « sauf circonstances ou conditions géographiques jugées exceptionnelles », au minimum : la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu’à 2 kilogrammes, des colis postaux jusqu’à 10 kilogrammes (pouvant être étendu à 20 kg), les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée ;
  de définir un plan ambitieux de présence postale, afin de « tenir compte des besoins des utilisateurs » ;
  de permettre d’assurer la gratuité pour les aveugles [1] ;
  de définir précisément des normes de qualité de service (délais de distribution, attente aux guichets, réactivité aux demandes) ;
  de garantir des voies de recours, de règlement des litiges et d’indemnisation pour les utilisateurs ;
  de garantir les « exigences essentielles », y compris le respect des conditions de travail et des régimes de sécurité sociale, le respect des conventions collectives, la protection de l’environnement, l’aménagement du territoire ;
  de garantir un service identique pour les utilisateurs dans des conditions comparables et mettre en place des dispositifs précis d’évolution en fonction de l’environnement technique, économique et social, ainsi que des besoins des utilisateurs ;
  de décider d’un tarif unique [2] sur tout le territoire national pour chacun des services faisant partie du service universel et garantir qu’il soit abordable pour tous les utilisateurs, afin que chacun de ceux-ci y ait accès ;
  de désigner un ou plusieurs prestataires du service universel.

Refonder le service public postal universel

La directive confie à chaque État membre la mission d’adopter les mesures nécessaires à la garantie du service universel, leur reconnaissant donc de larges pouvoirs d’adaptation à la spécificité de leurs situations.

Lors de la préparation du projet de directive de 2008, certains acteurs avaient souhaité l’allègement de ces obligations jugées être des obstacles à l’introduction d’une réelle concurrence dans le secteur. Mais ni la Commission européenne dans son projet, ni le Conseil, ni le Parlement, lors du processus de co-décision, n’ont suivi cette voie et la directive postale est aujourd’hui la plus « équilibrée » entre objectifs de libéralisation et définition d’objectifs d’« intérêt général ».

Si la directive de 2008 a pour principale caractéristique la disparition du « secteur réservé » pour assurer le financement du service universel, elle définit des possibilités là encore plus étendues que pour les autres secteurs. Même si l’on peut regretter que l’une des formes de financement du service public universel ne puisse plus être un « secteur réservé » pour une partie du service, la directive communautaire laisse de larges marges de manœuvre en matière de financement.

On peut donc, y compris dans le cadre communautaire actuel, refonder le service public postal, en précisant des objectifs et missions ambitieux de service public (ou de service universel, c’est ici rigoureusement identique) comme la garantie d’égalité, d’un service identique pour les utilisateurs dans des conditions comparables ; un tarif unique sur tout le territoire national pour chacun des services faisant partie du service universel et garantie qu’il soit abordable pour tous les utilisateurs, afin que chacun de ceux-ci y ait accès ; la garantie de la sécurité, de la sûreté et de la confidentialité des communications ; le blocage de toute forme de dumping social ou d’écrémage territorial ; la mise en place de dispositifs précis d’adaptabilité et d’évolution en fonction de l’environnement technique, économique et social, ainsi que des besoins des utilisateurs ; la désignation de La Poste comme prestataire du service universel.

En fait, il faut inverser la démarche qui est à la base aussi bien des demandes des dirigeants de La Poste que du rapport Ailleret pour partir non pas du projet industriel de la Poste et des milliards à trouver pour lui permettre d’acheter d’autres entreprises en Europe, mais des besoins et des garanties des usagers et des travailleurs du secteur afin de refonder un service public postal efficace.

Financer le service public postal universel

La directive européenne empêche de financer le service public universel par un « secteur réservé » pour une partie du service. Même si elle laisse des marges de manœuvre en matière de financement lors de la transposition, il faut continuer à demander à la fois à la Commission et aux autres Etats-membres d’annuler la suppression du secteur réservé dans tous les Etats-membres intéressés.

Sur la compensation résultant de la suppression du secteur réservé, la directive de 2007 est fort imprécise, renvoyant sans commentaire à plusieurs solutions éventuelles entre lesquelles on pourrait choisir. Quant au rapport Ailleret, il considère le problème comme résolu : « le mécanisme de la compensation et la responsabilité de l’évolution des charges du service universel ont été définis » (p.19 du rapport).
Sans préjuger d’un satisfecit, parmi les solutions proposées par la directive le système « play or pay » ne fait payer que les nouveaux entrants sur le marché (donc ni l’Etat ni les usagers). Néanmoins ce système pose deux problèmes non résolus :
 d’abord établir le coût précis du service universel et des obligations qu’il comporte pour l’opérateur qui en a la charge, y compris en matière d’« exigences essentielles » : calculer précisément, pour chacune de ses composantes, le surcoût que supporte La Poste par rapport à une situation où elle n’agirait qu’en fonction d’objectifs commerciaux. On a le précédent de France-Télécom où l’évaluation du coût du service universel fait l’objet de contestations permanentes (voire de marchandages), dues à la difficulté de calculer de façon précise et objective ladite charge ; encore plus importante pour la Poste que pour France-Télécom, le service universel étant d’un poids plus lourd que pour les télécommunications - ayant déterminé (difficilement) ce surcoût, il convient d’en examiner le financement : d’après le système « play or pay », un nouvel entrant ou un concurrent potentiel s’engage à respecter et à prendre en charge l’ensemble des obligations de service universel au même titre et dans les mêmes conditions que La Poste ; soit il verse une redevance, en pourcentage de son chiffre d’affaires lié aux engagements qu’il prend, à un fonds de compensation, de façon à égaliser les conditions de concurrence (cf. la situation en Finlande) ; cette disposition doit être inclue dans l’autorisation que met en place l’Etat pour tout nouvel opérateur. Rien ne prouve que les éventuels nouveaux entrants seront réellement contraints de jouer le jeu de la compensation, car des conditions d’entrée exigeantes réduiraient au strict minimum (comme en Finlande) la concurrence recherchée par la directive ; on tendra alors à adopter une attitude complaisante pour attirer les nouveaux entrants éventuels. Pour éviter de telles dérives, il semble indispensable d’exiger, préalablement à l’application en 2011 de la directive sur ce point : - l’organisation d’une évaluation objective et contradictoire du montant de la perte de recettes qu’entraînera pour l’opérateur historique la suppression du secteur réservé, - la mise en place d’un contrôle garanti du payement total, par tout nouvel entrant sur le réseau, de sa participation au service universel, en fonction de son chiffre d’affaires.

Relever le défi de la communication

Si le service postal se définit de manière traditionnelle, il faut aujourd’hui étendre le champ de responsabilité du service public universel à l’ensemble des besoins de communication, d’information et de service.

Par exemple :
a) que chaque bureau de poste soit un lieu d’accès haut débit à internet ;
b) que la Poste soit le « tiers de confiance » des usagers en matière de signature numérique et de paiement en ligne ;
c) que la Banque postale soit redéfinie et reconstruite sur la base d’un véritable service universel bancaire ;
d) que chaque bureau de poste, ou chaque lieu d’accueil de chaque autre service public, développe des synergies entre services publics, de façon à mettre en place des moyens intégrés de réponse aux besoins des usagers et des citoyens.

Démocratiser La Poste :

Des bureaux de Poste démocratiques

Les bureaux de poste qui assurent la relation directe avec le public ont, de ce fait, un rôle fondamental pour concrétiser le service universel que doit assurer la poste. Ils sont actuellement en France 17000, dont 3600 intégrés dans des locaux municipaux et 1400 dans des commerces privés (alimentation, tabac). Dans ce contexte, plusieurs problèmes doivent être résolus :
 le service universel exige des normes de qualité élevées (d’après la directive) quant à l’attente aux guichets et au degré de réactivité aux demandes, que les bureaux de poste doivent satisfaire. Il faut donc définir ces normes en temps d’attente maximum au guichet (par ex.10 minutes) et en temps de réaction aux demandes, et disposer du personnel compétent en fonction de cette demande locale
 tout service public doit s’adapter au progrès technique ; or le secteur de la communication est l’un de ceux qui évoluent le plus rapidement ; les bureaux de poste doivent donc constituer des lieux d’accès haut débit à internet ; ils doivent développer des synergies entre services publics, de façon à mettre en place des moyens intégrés de réponse aux besoins des usagers et des citoyens ; ils doivent aussi assurer un véritable service universel bancaire,offrant à tous un éventail élargi de produits financiers au meilleur prix
 la démocratisation et la décentralisation nécessaires de la poste, quelle que soit l’option choisie (conseils du service public postal ou sociétés coopératives postales) impliquent un fonctionnement des bureaux de poste en relation directe avec les attentes exprimées du public local. Néanmoins cette organisation locale devra s’insérer dans un cadre national (et même européen) défini par un cahier des charges type
 le choix de la nature des bureaux de poste (bureaux indépendants ou reliés à une mairie ou à un commerce) dépendra de l’étendue de la mission attribuée à chacun de ces points d’accueil. Ce choix incombera au public local selon ses besoins propres, l’attention de celui-ci étant cependant attirée sur quelques règles générales : priorité absolue à l’activité principale (qui est la satisfaction du service universel) par rapport à toute activité d’ordre commercial, homogénéité du statut des agents, strict respect du secret du courrier et de la situation financière des usagers. C’est en tenant compte de ces recommandations et du degré de compétence correspondant des agents que les responsables locaux seront amenés à choisir entre ces diverses formules, ainsi que de l’agencement des locaux.
Néanmoins on peut s’interroger sur la compatibilité entre la fonction du service public de la Poste et la fusion d’agences locales avec certains commerces de proximité (bureaux de tabac, commerces alimentaires). Ces points de vente auront-ils la compétence nécessaire et la pérennité ; le choix de cette formule ne doit-il pas être limité au strict minimum ?( alors qu’elle tend à prendre une extension exagérée)

***

Ayant ainsi clairement défini les missions de La Poste, en particulier d’un service public universel moderne et efficace, rien ne justifie aujourd’hui le changement de statut de La Poste, sauf à vouloir développer une stratégie ambitieuse d’acquisitions en Europe, qui n’apparaît en rien nécessaire.
Par contre, la refondation du service public postal universel implique sa réelle démocratisation.

Pour l’AITEC, deux pistes sont ici à explorer, qui peuvent être complémentaires. Celle qui consiste à rester dans le cadre des structures actuelles d’un service public national, en organisant leur démocratisation et celle qui repose sur une réforme plus profonde, donnant de réels pouvoirs au niveau local.

La première hypothèse consisterait à créer des Conseils du Service Public postal avec élection des représentants des usagers à chaque niveau géographique : commune ou communauté de communes, département, région. Ces conseils seraient ainsi composés, par tiers : de représentants des conseillers municipaux, élus par le collège des élus municipaux ; de représentants des organisations de consommateurs et d’utilisateurs professionnels représentatives, élus par les habitants ; de représentants des syndicats, élus par les salariés des services publics. Y seraient présents également avec voix consultative, les dirigeants du service public, opérateur et administrations concernés.

Ces Conseils devraient être compétents et responsables (avec un pouvoir de codécision) sur l’offre de service et sa qualité, l’accès au service des usagers en difficulté ou situés dans les zones défavorisées ou isolées, la contribution du service public aux politiques publiques, au développement durable, à l’emploi et à la protection de l’environnement, tant au plan local qu’au plan régional ou national ; ils devraient veiller à la mise en œuvre des principes d’égalité d’accès, d’adaptation, de qualité et d’efficacité, de solidarité sociale et territoriale et disposer d’un pouvoir de proposition sur ces questions ; ils devraient donner des avis et recommandations, consultatifs ou suspensifs selon les cas, sur les programmes d’investissements, l’organisation des services, les plans d’objectifs à moyen terme, la politique tarifaire.

Mais on peut aussi étudier une proposition différente, consistant à développer des sociétés coopératives postales locales dont la propriété serait partagée par L’Etat, « La Poste », les mairies, les départements, les régions, les habitants et les salariés intéressés à une coproduction du service postal au niveau local. Chaque agence locale, société coopérative postale, gérerait le service de la Poste en fonction des attentes des usagers et des propositions des salariés, tout en ayant une série d’activités franchisées avec la Poste nationale, utilisant son informatique, ses systèmes techniques pour toutes les activités essentielles du courrier et de la banque.
Dans ce système les membres de la société coopérative participeraient à la gestion à partir de leur participation à la propriété collective. Il y aurait donc des régies postales locales et un outil industriel national et même mondial, contrôlé par l’Etat et les coopératives locales ayant les coudées franches pour son développement, car non pris dans la contradiction actuelle d’avoir à maintenir son réseau pour des raisons sociales et politiques qui n’ont rien à voir avec ses exigences techniques et commerciales.

Ces agences postales locales devraient viser à se transformer en maisons des services publics comme cela avait été envisagé au titre de l’expérimentation mais jamais acté réellement. D’autres grands services publics (transport en particulier) pourraient être membres des sociétés coopératives locales, pour en mutualiser les implantations et les équipements. La Poste deviendrait un réseau de services postaux locaux autogérant leurs horaires d’ouverture, et toute leur organisation pour le bien de la communauté locale des salariés et des usagers. De ce point de vue La poste aurait quelque similarité avec l’établissement d’enseignement primaire ou secondaire. Si cette proposition présente le danger de disparités et inégalités entre territoires et populations, elle peut ne pas remettre en question le statut du personnel, qui continuerait d’être national pour avancement, garanties, affectations etc., tout en ayant un management local. La Poste deviendrait un grand service public d’économie sociale.

Construire un véritable service universel européen

Les services postaux sont au cœur des missions d’intérêt général, de service public et de « service universel » reconnues dans les traités et directives communautaires, dont l’objectif est de garantir le droit d’accès de chaque habitant en tout point du territoire européen à des services de communication de qualité ; d’organiser la cohésion économique, sociale et territoriale de l’UE, le lien social, de développer les conditions d’un développement durable.
On ne saurait se satisfaire longtemps d’un renvoi aux Etats membres de la définition du contenu et du financement du service universel. D’abord, parce que cela ne peut que créer des distorsions entre les Etats, contraires aux objectifs mêmes de réalisation d’un marché unique.
Surtout parce que l’Union européenne a besoin d’un service de communication intégré et de développer des solidarités entre les Etats membres dont les caractéristiques de géographie physique et humaine sont profondément disparates. Il faut donc poser ouvertement la question d’un dépassement de la seule libéralisation par la construction progressive, pour tout ce qui relève du service universel garanti à chaque habitant en tout point du territoire européen, d’un service postal communautaire, à commencer par la création d’un timbre européen unique pour les envois du service universel (ce qui par ailleurs comporterait un aspect symbolique fort pour chacun des citoyens), avec la mise en place de mécanismes de compensations et de péréquation adaptés.
Les institutions européennes doivent prendre les initiatives en matière de contrôle, de régulation et d’évaluation pour que le service universel soit effectivement garanti en tout point du territoire européen pour chacun des habitants.
En particulier, les régulateurs nationaux (souvent également régulateurs des télécommunications) doivent être coordonnés par un régulateur européen, chargé de faire respecter les règles du marché unique et celles du service universel

Conclusion

On a pu constater que la ligne de front du gouvernement sur ce sujet évolue en fonction des rapports de force. Envisageant d’abord une ouverture du capital de La Poste au privé, dans la suite logique du changement de statut, face à la résistance syndicale il a ensuite reculé en affirmant que La Poste resterait dans le domaine public. Puis il a déplacé l’échéance, depuis le mois de juin 2009 pour une date indéterminée. Il est très probable qu’il attende le moment qu’il estimera favorable pour pousser sa solution, comme il l’a fait chaque fois qu’il a voulu parvenir à privatiser un service public, la dernière manœuvre de ce type ayant été celle du futur président de la République (à l’époque ministre des finances) jurant solennellement devant les syndicats que jamais Gaz de France ne serait privatisé au-delà de 30%. On a vu la suite ! Il faut donc ne pas relâcher la vigilance et s’appuyer sur le consensus populaire actuel qui soutient cette résistance. Et la meilleure défense n’est-elle pas de prendre l’offensive en organisant les conditions d’un large débat public qui aboutirait à un referendum populaire organisé par exemple dans chaque commune [3] -pouvant, si possible, être étendu au niveau national- ?


version pdf de la contribution Aitec sur la Poste :


[1directive 2008/6/CE : « Étant donné l’importance que revêtent les services postaux pour les aveugles et les malvoyants, il y a lieu de réaffirmer que le processus d’ouverture des marchés ne devrait pas empêcher la poursuite de la fourniture, par les prestataires du service universel, de certains services gratuits destinés à ces personnes »

[2Concernant le courrier égrené (c’est-à-dire le courrier des particuliers, et pas les envois en nombre des gros émetteurs). Selon l’article 12 de la directive consolidée « Lorsque des raisons liées à l’intérêt public l’imposent, les États membres peuvent décider qu’un tarif uniforme est appliqué sur l’ensemble de leur territoire national et/ou au courrier transfrontière pour des services prestés au tarif unitaire et pour d’autres envois postaux ».

[3Comme ce fût le cas en 2006 à Firmi où un référendum d’initiative populaire a été tenu sur les propositions de modifications structurelles et d’horaires d’ouverture de La Poste (http://www.convergence-sp.org/spip.php?article521).



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