Accord UE-Canada : le Parlement français vote contre l’ISDS
Publié par AITEC, le 3 décembre 2014.
L’Assemblée nationale s’exprime clairement
L’Assemblée nationale a tout d’abord adopté, le 23 novembre dernier, une résolution s’opposant explicitement à l’inclusion d’un mécanisme de règlement des différends Investisseur-État (ISDS) dans l’accord, et demandant en conséquence la réécriture des chapitres 10 et 33 du texte du traité, relatifs à la protection des investissements étrangers. Elle exige également des précisions détaillées sur " les modalités de composition, de saisine, de décision et de contrôle du processus de coopération règlementaire".
Cette résolution prolonge celle déjà votée en mai dernier par la même Assemblée, qui comportait des mises en garde et des demandes similaires concernant le projet d’Accord transatlantique actuellement en cours de négociation.
Une résolution explicite du Sénat
Le 27 novembre, le Sénat a adopté à son tour un texte "invitant le gouvernement" à une action effective auprès des institutions européennes en faveur d’une transparence accrue des négociations commerciales, à la pleine association des deux chambres du Parlement français aux pourparlers, mais surtout à la révision des chapitres 10 et 33 du texte de l’accord CETA afin qu’il garantisse le plein droit des collectivités publiques à exercer leur souveraineté et leur droit à réguler. Selon le texte, faute de répondre à cette exigence, "il serait préférable de renoncer au volet consacré à la protection des investissements dans l’accord global négocié avec le Canada".
Une mise en garde parlementaire en vue de la ratification
Ces résolutions n’ont ni valeur contraignante ni règlementaire ; elles marquent en revanche la position des deux chambres du Parlement français. L’opposition claire de la représentation nationale aux aspects les plus problématiques de l’accord CETA constitue donc un signal majeur à destination du gouvernement qui devra en tenir compte lors des prochaines étapes du processus. [1]
L’Aitec et Attac se félicitent de l’adoption de ces deux textes, et de l’attention portée par les Parlementaires à nos arguments. Alors que la France affirme avoir exprimé des réserves "techniques" sur le chapitre Investissement du texte CETA, ces résolutions, qui prennent en compte les inquiétudes citoyennes [2], lui donnent les moyens de porter une position courageuse au Conseil. M. Fekl, Secrétaire d’État français au commerce extérieur, pourra également en faire part à la nouvelle Commissaire au Commerce C. Malmström lors de sa prochaine visite à Paris le 15 décembre. Les associations de la société civile française invitées à cette réunion ne manqueront pas quant à elles de communiquer les termes précis de cette position à Mme Malmström.
[1] L’Accord de libre-échange entre l’UE et le Canada a été finalisé début août 2014. La Commission européenne a engagé la longue procédure de son adoption formelle fin septembre dernier, après la déclaration politique commune de S. Harper, de J.M. Barroso et de H. Van Rompuy lors de la visite officielle de ces derniers à Ottawa.
Il devrait être soumis aux chefs d’État et de gouvernement des 28 aux alentours du printemps 2015, puis au Parlement européen pour ratification dans le dernier trimestre l’an prochain. S’il est déclaré "mixte" par les services juridiques de la Commission, et avec l’approbation des ministres du commerce des 28, il devra également être ratifié par les instances compétentes de chacun des États membres. La qualification d’accord mixte est une demande de l’Assemblée présente dans sa résolution du 23 novembre.
La ratification par les États membres aura lieu en 2016 dans le meilleur des cas. Ce processus ne suspendra pas la mise en œuvre provisoire des volets de compétence communautaire, c’est à dire des aspects de commerce et d’investissement stricto sensu.
[2] Voir les analyses du texte de l’Accord UE-Canada par l’AITEC : Marchander la démocratie (Novembre 2014), et CETA, le marche-pied pour l’Accord transatlantique (Septembre 2014)