UE-Tunisie : le Parlement européen vote le libre-échange
Publié par AITEC, le 26 février 2016.
COMMUNIQUÉ
Le 26 février 2015
UE-Tunisie : le Parlement européen vote le libre-échange
Hier, le Parlement européen a approuvé une résolution soutenant la négociation d’un accord de commerce « complet et approfondi » entre l’UE et la Tunisie, en dépit des avertissements des sociétés civiles tunisiennes et européennes1.
Loin d’augurer, comme ses défenseurs le prétendent, d’une croissance économique qui profiterait à toutes et tous en Tunisie, cet accord, à la lumière des textes « fuités » fin janvier2, sera préjudiciable à la démocratie et aux droits économiques et sociaux des Tunisien.ne.s. Il comporte en outre de nombreuses formulations visant à aligner la Tunisie sur les multiples exigences de l’Union européenne dans les différents domaines traités :
– Approximations réglementaires : l’UE demande à la Tunisie de se conformer à l’acquis communautaire, à l’instar du secteur du transport maritime ou de l’énergie.
– Concurrence : le texte place le droit et la jurisprudence européens comme référence ultime en matière de concurrence, sans se préoccuper du droit ou des pratiques tunisiennes. À titre d’exemple, la limitation des aides de l’État tunisien aux secteurs ou régions sensibles serait décidée par un comité franco-tunisien. On imagine mal les tunisiens dicter à l’UE l’octroi de subventions dans ses pays membres et de poser son veto le cas échéant.
– Investissements : le texte rédigé par l’UE propose que les investisseurs étrangers soient, par exemple, exempts de toute obligation d’employer du personnel local ou de transfert de technologie.
– L’UE se « réserve le droit de présenter des propositions » ou « proposera un texte ultérieurement » pour les chapitres manquants, comme celui relatif à la protection des investisseurs (le fameux ISDS, fortement critiqué dans le TAFTA ou le CETA).
L’UE dicte ses règles. Le projet d’accord ne fait aucun cas des spécificités de la Tunisie (voir le leak de Mediapart), que ce soit sur le plan économique ou social. Preuve en est, la proposition d’accord -que l’UE a rédigée seule, et proposée au « partenaire » tunisien tel quel dès la première séance de négociation - se contente de calquer des dispositions et chapitres qui se retrouvent dans d’autres accords similaires dits de « nouvelle génération » comme celui actuellement négocié avec le Maroc.
La rapporteure du Parlement européen pour l’ALECA, Marielle de Sarnez, se félicite quant à elle d’un projet d’accord dont elle reconnaît ironiquement, qu’il est « avant tout un accord politique ».
C’est le cas. Malheureusement car cette portée politique est toute autre que celle promise par l’eurodéputée. Sous la pression de Bruxelles et des États membres, la Tunisie s’apprête en effet à renoncer à des pans entiers de sa souveraineté au nom d’un « partenariat » fantoche avec l’UE. La protection des investissements étrangers, la simplification des procédures douanières et normatives et l’accès facilité au marché européen ne profiteront que marginalement aux petits producteurs tunisiens, aux PME locales et à la jeunesse sans emploi. En contrepartie, l’UE attend de l’État qu’il sacrifie la maîtrise de sa politique commerciale et de l’activité des entreprises étrangères sur son territoire.
Contact presse
Lala Hakuma Dadci - Coordinatrice de l’Aitec - 01 43 71 22 22 - lala-hakuma.aitec@reseau-ipam.org
En savoir plus :
La libéralisation commerciale, seule réponse de l’UE à la crise tunisienne ?
Politique de libéralisation des échanges et des investissements en Tunisie
1Voir la Déclaration de la société civile à l ;occasion du vote au Parlement européen sur l’ouverture des négociations d’un Accord de Libre-Echange entre la Tunisie et l’UE du 15 février 2016 http://aitec.reseau-ipam.org/spip.php?article1528