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Une Commission captive - Le rôle du secteur financier dans l’élaboration de la réglementation de l’Union Européenne

Publié par , le 5 novembre 2009.

Résumé de l’étude d’ALTER-EU (Alliance pour la transparence et l’éthique du lobbying) sur la composition des groupes d’experts qui ont donné, et donnent encore, des conseils à la Commission sur les questions financières. L’étude révèle une domination écrasante des représentants de l’industrie financière.





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L’étude dans son intégralité (version en anglais).

L’ampleur de la crise économique actuelle a pris le secteur financier par surprise. Toutefois, plusieurs experts indépendants ont mis en garde depuis un certain temps contre le manque de réglementation dans le secteur, qui signifiait que la crise était inévitable. Ces avertissements ont été ignorés par de nombreuses institutions financières et politiques, y compris la Commission Européenne elle-même. A la place, la Commission a formulé sa politique financière presque exclusivement sur la base des avis émanant du secteur financier et des personnes mêmes qui ont été incapables de prévoir la crise.

Cette expertise provient essentiellement de groupes d’experts, qui, selon les propres lignes directrices de la Commission Européenne, devraient permettre une représentation large des points de vue. Ces groupes sont extrêmement influents dans l’élaboration de la législation de l’UE.

Une analyse de la composition des groupes qui ont donné, et donnent encore, des conseils à la Commission sur les questions financières montre une domination écrasante des représentants de l’industrie financière. Cela signifie que les grandes banques privées, les géants de l’assurance et toute une gamme d’entreprises financières sont extraordinairement sur-représentées et exercent un pouvoir significatif dans le processus législatif de l’Union Européenne - de l’élaboration des stratégies et des lois de l’Union Européenne jusqu’à leur mise en œuvre.

Aujourd’hui, il y a plus de 1000 groupes d’experts actifs, dont 19 fournissent de manière continue des conseils sur les politiques qui touchent au secteur financier.

Sur ces 19 groupes d’experts, 8 sont dominés par l’industrie, 7 le sont par les États membres, un seul comprend une participation égale des ONG et des représentants de l’industrie. Enfin, 3 ne peuvent être évalués parce que leur composition n’est pas entièrement divulguée.

Au sein de ces groupes, les experts de l’industrie sont 4 fois plus nombreux que les représentants du milieu universitaire, des groupes de consommateurs et les syndicats réunis. Ces 229 experts de l’industrie sont même plus nombreux que les 150 fonctionnaires de la Commission chargés des politiques financières.

Un examen plus approfondi des principales politiques de l’UE montre également que les représentants du secteur financier ont été activement impliqués dans la conception des politiques qui ont contribué à la crise financière mondiale. Et l’UE consulte actuellement les mêmes experts au sujet des plans de sortie de crise.

Dans la rédaction de règles relatives aux banques, la Commission a suivi les conseils du secteur bancaire et a permis aux banquiers eux-mêmes d’évaluer le niveau de risque pour leurs investissements. L’échec des banques à déterminer les investissements à risque a pourtant été souligné comme l’une des principales causes de la crise économique actuelle.

La régulation des fonds de pension a été conçue suivant les conseils de groupes d’experts qui ont recommandé de poursuivre la démarche de régulation légère qui, selon eux, avait « bien servi l’industrie, ses investisseurs et le marché dans sa dimension plus large ». Alors même que la prise de risque excessive des fonds de pension a été mise sous les projecteurs comme un facteur ayant contribué à la crise, la Commission n’a opté que pour un durcissement minime des règles d’encadrement. De nombreuses questions importantes restent en suspens, par exemple la perturbation du marché par des fonds non européens ou les ventes à découvert.

Les agences de notation de crédit ont persuadé la Commission que l’adoption de règles sur les côtes et les procédures n’était pas nécessaire. Mais le fait que de nombreux investisseurs se soient basés sur les conseils de ces agences avant d’investir massivement dans des dettes toxiques, a été un facteur clé de la crise. Sur les conseils d’experts de l’industrie, la Commission a seulement proposé un ensemble de règles sans grande portée similaires à la réglementation en vigueur aux Etats-Unis - qui ont complètement échoué à éviter la crise.

Lorsque la crise financière est survenue, des failles dans le système de comptabilité - essentiellement conçu par la profession elle-même avec peu de regard externe - ont été identifiées par les hommes politiques comme l’une des principales causes de la crise. Bien qu’on ait beaucoup parlé de réviser les règles, les lacunes des normes comptables, qui permettent de cacher des « dettes toxiques » dans les bilans, sont toujours là.

L’approche de la Commission en matière de paradis fiscaux a également été compromise par le placement de représentants des « trusts » - y compris les trusts « off-shore » - au cœur de son processus de consultation. Sans surprise, les propositions de la Commission pour éliminer l‘évasion fiscale font qu’il est encore relativement facile de contourner les règles via des fondations non imposées ou des trusts qui restent hors de portée des radars.

Cette position dominante des entreprises signifie que la réglementation est souvent faite pour protéger les profits des grandes banques et sociétés privées, et non l’intérêt général. Comment peut-on espérer de la Commission qu’elle réforme le secteur financier si l’objectif de ses conseillers est de maintenir le statu quo ?

Dans l’intérêt de la transparence et afin de réaliser des changements réels dans le secteur financier, la Commission devrait prendre en compte des expertises plus diversifiées et représentatives des différentes positions. Elle devrait :

• Divulguer l’identité des participants (noms et organisations) et les documents (rapports et procès-verbaux) de tous les groupes qui ont été, ou sont encore, conseillers de la Commission sur la réglementation financière depuis la création d’un marché unique des services financiers.

• Dissoudre les groupes qui sont contrôlées par les intérêts de l’industrie ou prendre des mesures pour assurer une représentation équilibrée.

• Ne mettre en place aucun groupe d’experts sur les questions financières sans avoir mis en place des mécanismes garantissant la transparence et la participation de toutes les parties prenantes.

Plus généralement, la Commission a besoin de revoir la manière dont elle consulte des experts, en assurant un processus plus transparent et un véritable engagement à rechercher une diversité d’opinions.

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