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Le défi des projets urbains alternatifs : renforcer le pouvoir des habitants.

Publié par , le 27 janvier 2014.

20 octobre 2013

Gustave Massiah
Membre fondateur de l’AITEC
Membre du Conseil scientifique d’Attac
Représentant du CRID au Conseil International du FSM

Mouvement social et citoyenParticipation des habitantsDroit au logement et droit à la villeRénovation urbaine



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Le défi des projets urbains alternatifs : renforcer le pouvoir des habitants.

A Grenoble, les habitants de Villeneuve se sont organisés collectivement pour résister, élaborer, proposer. Cette action collective est significative de la démarche des mouvements sociaux urbains.

L’Alliance citoyenne de Grenoble regroupe dans les quartiers populaires plus de 50 organisations et mouvements. Depuis quelques années, les organisations populaires sont actives dans les quartiers populaires. Les habitants se sont mis en mouvement d’abord pour résister par rapport à leur situation et à la dégradation de la ville et de leur cadre de vie. Ils n’ont pas eu de mal à identifier les raisons de cette dégradation. Ils ont pris la mesure de la financiarisation, du néolibéralisme et de ses conséquences sur les inégalités sociales et les discriminations. Ils ont vérifié que la corruption structurelle résulte de la fusion entre la classe politique et la classe financière. Ils ont vu comment se sont déployés le surendettement, la privatisation de l’espace public, la ségrégation spatiale.

Les habitants sont attentifs à la définition de la politique nationale urbaine. Le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy en 2010 a marqué un infléchissement considérable de cette politique nationale alliant la généralisation des privatisations à un urbanisme sécuritaire. Les habitants ont constaté que la réponse à la violence et la délinquance sert à imposer une idéologie sécuritaire confirmée par l’arrivée de forces spéciales dans les quartiers. Le discours de Grenoble porte l’attaque ciblée contre les Roms institués en boucs émissaires. Il lance un ballon d’essai avec la proposition de déchéance de la nationalité. La démarche urbaine repose sur la démolition des quartiers et l’insécurisation des habitants. Cette orientation sécuritaire n’a malheureusement pas été remise en cause. Plusieurs aspects en sont même renforcés. Et il est hallucinant d’entendre des élus demander l’intervention de l’armée dans les quartiers.

La création par les habitants d’un atelier populaire d’urbanisme marque la volonté d’élaborer un projet urbain alternatif. Il s’agit de produire des contre-projets par rapport à l’ANRU. Ils ont pour objet, dans un premier temps, de soutenir les négociations avec l’ANRU et avec la municipalité. Ce projet urbain alternatif est né de la contestation du projet de rénovation urbaine qui a visé la Villeneuve de Grenoble et le refus de considérer que la réponse aux incidents de 2010 puisse s’appuyer sur la démolition de logements sociaux et la dégradation des services publics locaux. La contestation de cette démarche de projets de rénovation urbaine avait été mise en cause depuis l’action des habitants du quartier de la Coudraie à Poissy. La coordination anti-démolition a représenté un mouvement indépendant de contestation des politiques de rénovation urbaine menés par l’ANRU.

Cette démarche du projet alternatif s’inscrit dans une lignée internationale, celle notamment des quartiers de Bon Pastor à Barcelone, de Nuevo Alberdi à Rosario (Argentine), et encore dernièrement à Istanbul. Elle relie des pratiques et des nouvelles conceptions de la ville. Il s’agit de résister, de partir des résistances des habitants pour inscrire les pratiques de terrain dans un discours radical. Ce projet alternatif mobilise l’expertise citoyenne, celle des mouvements et celle qui se met au service des mouvements.

Cette nouvelle lignée de projets met en avant une proposition de démarche plus radicale. Celle là-même qui s’exprime dans les nouveaux mouvements, ceux des places publiques à Tunis, au Caire, à Madrid et Barcelone, à New-York, Montréal, Santiago, Istanbul, Rio. Elle réclame la remise en cause des inégalités sociales, de la corruption, des discriminations, des idéologies sécuritaires, des dominations, des atteintes aux écosystèmes. Sur le plan des politiques urbaines, elle met en avant le droit au logement, l’accès libre aux services publics, le refus de la privatisation de l’espace public. Les habitants de Villeneuve poursuivent une démarche radicale qui s’appuie sur la démocratie d’interpellation et qui ne se laisse pas enfermer dans une participation platonique. Ils citent Mandela « ce qui se fait sans nous se fait contre nous ».

Les habitants de Villeneuve affirment que face à la crise urbaine, il faut dessiner des alternatives. Et pour cela, il faut d’abord renforcer le pouvoir des habitants. Leur projet alternatif porté par des habitants s’inscrit dans la ligne des luttes urbaines, et notamment dans le front qui s’est ouvert dans les grands ensembles. Après les luttes urbaines des années 70 dans les quartiers populaires des centres villes, celles des années 80 avec la marche pour l’égalité, dont nous célébrons aujourd’hui le 30ème anniversaire, la révolte des quartiers populaires de novembre 2005 a fait surgir l’importance de nouveaux fronts de luttes urbaines qui portent cette volonté. Citons notamment la Coordination Anti-Démolition, le Forum Social des Quartiers, les nombreux comités de quartiers et la présence opiniâtre et continue de Droit Au Logement. Le pouvoir des habitants se construit à partir des luttes urbaines.