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Comment les accords de libre-échange transatlantiques sabordent allègrement la transition énergétique...

Publié par AITEC, le 1er janvier 2015.

Commerce et développement EnvironnementUnion européenneTAFTA/PTCI



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Par Amélie Cannone

(Cet article s’inspire largement de la note "Climat ou Tafta, il faut choisir !", publiée par Attac France et l’Aitec, et rédigée conjointement avec Maxime Combes)

Comment les accords de libre-échange transatlantiques sabordent allègrement la transition énergétique...

Alors que des centaines de négociateurs se concertent à la Conférence des Nations unies de Lima (débutée lundi matin) pour écrire les fondements d’un accord mondial ambitieux, les responsables des diplomatie européenne et américaine se rencontraient hier à Bruxelles lors d’un Conseil conjoint "Énergie" entre l’UE et les USA à Bruxelles. Et si l’on en croit le site Euractiv, l’UE a fait connaître ses priorités : sa Haute représentante Frederica Mogherini a réaffirmé auprès du Secrétaire d’État John Kerry l’ambition communautaire d’inclure un volet "énergie" au futur accord de libre-échange transatlantique.

L’enjeu : au prétexte de garantir sa "sécurité énergétique" et son approvisionnement en énergies fossiles, mise à mal par la crise ukrainienne et la brouille avec la Russie, l’Union européenne cherche à libéraliser, via TAFTA, le commerce et les investissements transatlantiques en matière d’énergie et de matières premières, qui fait l’objet de restrictions aux USA.

Le mandat de négociationsi de l’Accord États-Unis, confié à la Commission européenne par les États-membres – qui ne mentionne pas les défis climatiques –, était déjà très clair : la Commission devait "assurer un environnement commercial ouvert, transparent et prévisible en matière énergétique et à garantir un accès sans restriction et durable aux matières premières". Les documents fuités dans la presse américaine en mai et juillet derniersii l’avaient confirmé et une série de dispositions prévoit même de faciliter les investissements et l’octroi de licences de prospection, d’exploration et de production d’hydrocarbures aux entreprises étrangères des deux côtés de l’Atlantique.

L’UE n’a jamais rechigné à la schizophrénie et l’incohérence. Et si les attentes de l’UE à l’égard des USA étaient acceptées, l’industrie pétrolière et gazière nord-américaine serait encouragée à étendre la frontière d’extraction du pétrole issu des sables bitumineux dans le nord-est canadien et l’usage de la fracturation hydraulique pour accroître la production d’hydrocarbures de schiste. Soit deux des sources d’hydrocarbures les plus polluantes et dévastatrices pour l’environnement et les populations avoisinantes que l’on connaisse sur la planète. Pour être acheminés de l’autre côté de l’Atlantique, ce gaz et ce pétrole nécessiteraient des investissements colossaux – plusieurs centaines de milliards de dollars – dans la construction de nouveaux pipelines, raffineries et usines des deux côtés de l’Atlantique.

Le gaz de schiste est loin d’être l’énergie de transition promise.Les responsables politiques européens et américains se retranchent derrière l’argument selon lequel le gaz de schiste serait moins émetteur de gaz à effets de serre que le pétrole ou le charbon lors de sa combustion. Cet argument est pourtant irrecevable pour trois raisons. Mais des études montrent que le cycle complet de production du gaz de schiste – de l’extraction à la combustion – serait potentiellement plus émetteur de gaz à effet de serre que le charbon, surtout s’il est destiné à l’exportation, qui exige liquéfaction (pour le transport) puis regazéification. Aux regards des exigences climatiques rappelées avec force par le GIEC, et alors que l’UE s’affirme à la pointe de la lutte contre le changement climatique, est-il encore acceptable qu’elle accepte de substituer une énergie fossile à une autre ?

Du reste TAFTA et CETA sabotent déjà la lutte contre les dérèglements climatiques. Les négociations commerciales facilitent en effet des pourparlers totalement confidentiels, qui visent à détricoter les normes européennes encadrent et/ou réduisant l’importation et la consommation d’énergies fossiles. Quelques jours après la conclusion de l’accord UE-Canada en août dernier, l’Union européenne renonçait ainsi à pénaliser spécifiquement, à travers sa Directive sur la qualité des carburants, les entreprises qui produisent, commercialisent et/ou utilisent du pétrole canadien. Rien d’un hasard de calendrier bien au contraire : pour obtenir ce résultat, Stephen Harper, le Premier Ministre canadien, allié aux multinationales du pétrole, a multiplié, des mois durant, les pressions diplomatiques auprès des responsables politiques européens. L’UE et la France encouragent délibérément, au passage, le Canada dans sa logique déplorable alors qu’Ottawa a déjà annoncé sa sortie du Protocole de Kyoto et a renoncé à atteindre ses objectifs de réduction d’émissions.

La perspective de libéraliser le commerce des énergies fossiles entre l’UE et les USA est-elle bien compatible avec les objectifs de réduction de 30 % de la consommation de ressources fossiles d’ici 2030 et de division par quatre des émissions de GES d’ici 2050 comme prévu par le premier article du projet de loi sur la transition énergétique voté à l’automne 2014 ?

Si François Hollande est réellement convaincu que le sort de l’humanité se joue avec le réchauffement climatique, comme il l’a récemment affirmé à plusieurs reprises, la France pourrait commencer par conditionner tout nouvel accord de libéralisation des échanges et d’investissement au respect des responsabilités climatiques des pays les plus émetteurs et les plus pollueurs. Elle parlerait ainsi en pleine cohérence à Lima et à Bruxelles.



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