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Proposition de loi sur la transparence : un premier pas vers l’encadrement du lobbying en France.

Publié par AITEC, le 4 mars 2016.

Commerce et développement Influence des lobbies



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Proposition de loi sur la transparence : un premier pas vers l’encadrement du lobbying en France.

Aujourd’hui, les seuls instruments existants en France pour contrôler l’activité des représentants d’intérêts privés autour de nos décideurs politiques sont les registres volontaires de l’Assemblée Nationale et du Sénat. Ces deux registres, en plus de n’être que volontaires, sont totalement indépendants1 et aucun effort d’harmonisation n’a été effectué depuis leur création rendant le contrôle des lobbyistes totalement inefficace.

Le projet de loi relatif à la lutte contre la corruption et pour la transparence de la vie économique, proposée par le ministre des finances Michel Sapin, sera présenté le 23 mars en Conseil des ministres. Ce vaste chantier, touchant à la fois aux questions de corruption en entreprise, de création d’un statut de lanceur d’alerte et de l’encadrement des activités de lobbying, s’attaque enfin à la question trop souvent mise de côté de l’influence des représentants d’intérêts privés sur l’élaboration des politiques publiques.

La proposition Sapin II2 constitue donc la première initiative substantielle, c’est-à-dire obligatoire, en matière d’encadrement du lobbying. Cette proposition de loi reconnaît ainsi que le caractère volontaire des registres et obligations incombant aux lobbyistes est totalement inefficace.

Ce projet de loi a notamment pour objectif de contrôler les activités des représentants d’intérêts privés en direction de l’exécutif (ministres, cabinets, hauts fonctionnaires et Élysée), avec la création d’un registre obligatoire et de bonnes pratiques à respecter, sous peine de mise en demeure et d’amende. Le contrôle de ces obligations sera assuré par la « Haute autorité pour la transparence de la vie publique » (HATVP).

Les lobbyistes devront dévoiler l’identité de leur client dès qu’ils entrent en contact avec un responsable politique, se garder d’offrir des cadeaux de valeur significative, de revendre des documents provenant du gouvernement, interdiction d’organiser des colloques avec prises de parole rémunérées dans l’enceinte de bâtiments administratifs, ne pas inciter les décideurs à enfreindre leurs règles de déontologie etc.

En revanche, les exigences côté décideurs sont beaucoup plus légères : ces derniers devront simplement s’abstenir de rencontrer des lobbyistes non enregistrés, sauf « en cas d’urgence »... Notons que l’Élysée est exemptée de cette règle. De même, les membres du Conseil Constitutionnel ou du Conseil d’État, échappent à ces règles, bien que l’influence à leur égard peut être déterminante.

Une des grandes failles de la loi est l’absence d’obligation de transparence quant aux montants alloués aux activités de lobbying, en contradiction avec les règles du registre de l’Assemblée Nationale, du Sénat et de Bruxelles. Ce manque de transparence financière pose un véritable problème dans la mise en lumière des inégalités de moyens entre défenseurs de l’intérêt public et intérêts privés. Cette absence de transparence financière dans une loi sur la corruption est d’autant plus grave qu’entre recherche d’influence et corruption, il n’y a qu’un pas que de nombreux scandales ont montré,

Considérant les difficultés de condamnation pour faits de corruption avec le code pénal actuel, la HATVP aura la possibilité de mettre en demeure les lobbyistes en infraction. En cas de récidive dans les 5 ans, le cas sera fait public et le récidiveur écopera d’une amende d’un montant maximum de 30 000€. Toutefois, le montant de cette amende est ridiculement faible quand on connait les enjeux financiers derrière la recherche d’influence et il ne représente nullement une dissuasion aux pratiques illégales de lobbying. Une réelle dissuasion nécessite des niveaux de sanction beaucoup plus élevés.

Les sanctions pour les responsables publics se limitent à la publicité du cas. Si ce dernier est considéré comme vraiment grave, la HATVP peut saisir la justice. Malheureusement, on sait trop bien que les mises en examen de responsables politiques dans les cas de corruption, détournement de fonds etc. n’aboutissent quasi systématiquement jamais. On peut donc légitimement considérer que ces sanctions sont trop faibles, et que la responsabilité des décideurs publics elle-même n’est pas assez mise en avant dans cette proposition de loi.

Un autre élément important absent de ce projet de loi est la traçabilité des personnes entendues, des auditions, des consultations et des contributions reçues. Aucune trace de ces échanges et rendez-vous ne sera disponible, ce qui empêche toute étude approfondie de l’influence privée qui aurait été exercée sur tel ou tel processus de décision. C’est un point décisif, sans lequel cette proposition de loi ne serait qu’une avancée timide vers une véritable transparence des affaires publiques.

Une législation véritablement efficace comprendrait les éléments suivants :

  • la communication des noms des personnes approchées dans le cadre de chaque opération de lobbying, les dates des échanges, les sujets abordés, les contributions proposées
    la communication des dépenses affectées à chaque opération de lobbying.

Code de conduite :

  • Afin d’éviter au maximum les « portes tournantes », les décrets relatifs à l’exercice d’activités privées par des fonctionnaires ou agents non titulaires ayant cessé temporairement ou définitivement leurs fonctions ;
  • prévenir les conflits d’intérêt : incompatibilité d’un métier éventuellement salarié, de direction ou de conseil d’entreprises avec un mandat électif,

Sanctions :

  • interdiction d’accès aux bâtiments administratifs à toute représentant d’intérêt mis en demeure

Malheureusement, aucun ne se trouve actuellement dans la proposition de loi de M. Sapin.

English
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Legislative proposal on transparency : a first step towards lobby control}

Today in France, the only existing instruments to control lobbying activities by private interests groups with decision makers are the National Assembly and Senate voluntary lobby registers. Those registers, besides being only used on a voluntary basis, are totally independent, that is, no harmonization efforts have been made between the two chambers, making them totally ineffective.

The draft bill to fight against corruption and for the transparency of economic life, submitted by the Minister of finance Michel Sapin1, is to be presented before the Council of Ministers on 23 March. This vast undertaking tackles issues of corruption within businesses, the creation of a status for whistle-blowers and the control of lobbying activities. It finally deals with the issue of lobby influence on public decision making, too often set aside.

Therefore, this draft bill is the first substantial initiative with regard to lobby control. The proposal recognises -by being mandatory- that voluntary registers for lobbyists is utterly inefficient.

One of the objectives of this law is to control lobbyist activities with the executive (ministers, cabinets, high level civil servants, the Elysée), by means of a mandatory register and good practices rules to respect, upon pain of formal notices and fines. The High authority for public life transparency (HATVP) will be in charge of the application of such rules.

Lobbyists will have to make the identity of their clients public as soon as they get in contact with a policy maker. They will have to refrain from offering significant gifts, reselling government documents, organising conferences with paid speeches inside administrative buildings, encouraging decision makers to break their deontological code, etc.

On the other hand, requirements for decision makers are considerably lighter : they will only be asked to refrain from meeting non-registered lobbyists, except for cases of “emergencies”... It is also worth noting that the presidency (Elysée) is exempt from those rules. Similarly, members of the Constitutional and State Councils, despite they potential determinant great influence, escape those obligations.

One of the big weaknesses of the law is the absence of mandatory transparency on the amount of money spent for lobbying activities, which runs counter to National Assembly, Senate and Brussels rules. This lack of financial transparency is a real problem to shed light on inequalities of means between public and private interest defenders. In a law against corruption, it is all the more serious as there is just a short step between search of influence and corruption, as many scandals have shown.

Considering the current difficulties faced to condemn corruption, the HATVP would be able to send a formal notice to the lobbyists that are in violation, and to impose them fines up to 30 000€. Nevertheless, such a fine is ridiculously weak when one knows the financial issues at stake in the search for influence, and would not be dissuasive penalties against illicit lobbying practices.

As for state officials, sanctions are limited to the public disclosure of the infringement, and in case of serious (?) allegations, the HATVP could go to court. Unfortunately, we know too well the inefficiency of trials against policy makers for cases of corruption, diversion of public money etc. Hence, we can legitimately consider those sanctions as too weak, and that responsibility of decision makers is not put forward enough in this draft law.

Another important missing element in the draft bill is the traceability of people participating to hearings, consultations and received contributions. No trace of exchanges or meetings would be available, which prevent any analysis of private influence on this or that decision making process. This latter point is decisive, without which this law would be only a timid start towards real public life transparency.

An efficient law would include the following elements :

  • Disclosure of the approached decision makers, date of exchanges, subjects of discussion, contributions made ;
  • Disclosure of the amount of money spent on lobby activities.

Code of conduct :

  • In order to avoid “revolving doors”, disclosure of private activities of civil servants or temporary agents whom have ceased their occupational activity temporarily or permanently
  • Prevent conflict of interests : incompatibility of a -possibly salaried- business management or consultancy job with an elected office.

    Sanctions :
  • Prohibition of access to administrative buildings to any lobbyist who received an official notice of infringement.

Unfortunately, none are currently included in Sapin’s draft proposal.

Documents à télécharger

  Proposition de loi sur la transparence : un premier pas vers l’encadrement du lobbying en France   Legislative proposal on transparency : a first step towards lobby control


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