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Tribune TAFTA de 60 députés et sénateurs PS : la réponse de l’AITEC

Publié par AITEC, le 11 avril 2016.

Le 7 avril 2016, 60 députés et sénateurs du parti socialiste ont publié dans plusieurs médias une tribune sur le traité transatlantique TAFTA. L’AITEC publie aujourd’hui sa réponse, saluant l’intérêt des parlementaires, pointant le dépassement constant par les négociateurs des "lignes rouges" énoncées dans la tribune, ainsi que l’urgence pour la représentation nationale de se préoccuper du cheval de Troie du TAFTA : l’autre accord transatlantique, le CETA.

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« Madame la Députée, Monsieur le Député,
Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur,

Ce jeudi 7 avril, vous avez co-signé une tribune sur le Partenariat Transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP). Nous nous réjouissons de votre intérêt pour ce sujet et partageons votre indignation sur certain de ses aspects.

Depuis plus de trois ans en effet, l’AITEC et ses partenaires défendent l’engagement du Parlement et des élus dans le débat sur les traités transatlantiques. Vos inquiétudes sont également partagées par de nombreux élus locaux : à ce jour, plus de 630 collectivités locales françaises se sont déclarées hors traités transatlantiques, ou en vigilance, et de nouvelles s’expriment chaque semaine. Et les mêmes critiques s’expriment dans toute l’Europe, par des millions de personnes depuis trois ans, dont au minimum 380000 Français.

La France revendique la paternité des "lignes rouges" que vous énoncez. Hélas elles sont constamment contournées par les négociateurs de la Commission Européenne, avec l’assentiment du Conseil de l’UE... et donc de notre gouvernement. La question de la protection des investisseurs par les futurs traités de l’UE en fournit un exemple édifiant. La proposition de l’UE pour le TTIP et le texte de l’accord avec le Canada (CETA) créent uniquement des listes restreintes d’arbitres « free-lance » appelés à siéger en cas de différend, et en aucun cas une "cour publique"  ! Et nous ne pourrions pas être plus loin d’un "consensus en Europe" sur cette question : magistrats, experts et parlementaires de toutes les familles politiques rejettent cette proposition, dont ils estiment qu’elle institutionnalisera l’arbitrage privé dans les accords commerciaux de l’UE. Ne soyez pas dupes de la rhétorique du changement ! 

En outre, si le TTIP mobilise toute votre attention, vous n’avez semble-t-il pas connaissance de l’existence d’un autre accord transatlantique, le CETA, entre l’UE et le Canada. L’urgence se situe en l’occurrence de ce côté car il est conclu et devrait être transmis au Conseil de l’UE dès le mois de juin 2016. Le gouvernement français devra se prononcer à l’automne sur un accord négocié dans la plus complète opacité, et qui contient toutes les composantes les plus décriées du TTIP :

  • la libéralisation du commerce agricole va ravager la production de viande française, sans retour en arrière possible ( +65 mille tonnes de viande bovine et +75 mille tonnes de viande de porc canadiennes entreront à terme en Europe sans droits de douane).
  • le chapitre sur l’investissement, qui confirme le choix de l’arbitrage privé, donnera aux multinationales canadiennes et à 41.811 firmes américaines le droit d’attaquer les lois et réglementations françaises.
  • les dispositions sur l’emploi et l’environnement relèvent de la généralité et des bonnes intentions ; aucune n’a la portée légale nécessaire pour primer sur les normes de protection du commerce et de l’investissement.
  • les chapitres sur les réglementations vont durablement modifier le processus réglementaire européen. Ils créent notamment un organe où les lobbies industriels et financiers trouveront un guichet lorsqu’ils voudront revendiquer l’allégement des règles protégeant le consommateur, l’environnement ou la santé au travail - encore une fois sans retour en arrière possible. Nul besoin de déréglementer dans le texte du traité lui-même, le Conseil de coopération réglementaire se saisira ultérieurement des réglementations les plus chères aux citoyens européens : interdiction des OGM, rinçage des viandes, hormones de croissance, législations sur les pesticides ou produits chimiques...

Vous dites refuser la soumission du Parlement français au silence. Mais même dans le cas d’un accord mixte, celui-ci pourra être mis en œuvre dès l’approbation du Conseil, sans que votre assentiment n’ait été nécessaire ! C’est le cas de tous les accords conclus par l’UE et vous avez ratifié les accords UE-Corée du Sud, UE-Colombie/Pérou et UE-Ukraine alors qu’ils étaient déjà en application depuis des mois, voire des années, sans qu’aucun débat démocratique n’ait jamais eu lieu. Pire : même en cas de rejet par la représentation nationale de l’un des 28, le chapitre Investissement du CETA continuerait de s’appliquer pendant trois ans. 

Le débat et le vote du Parlement français interviendront trop tard pour enrayer ces dispositions inacceptables. Il n’existe qu’une façon de garantir la démocratie : refuser le traité et ses modalités d’application lorsqu’ils seront présentés, dans une seule proposition, au Conseil.

Aucune étude d’impact sérieuse n’augure d’effets positifs significatifs du TTIP, et encore moins du CETA, sur notre économie et nos territoires. Les risques sont en revanche avérés et ces accords éloigneront encore un peu plus la France et l’UE de l’emploi et d’une véritable transition énergétique.
Ne tombez pas dans leur piège. »

Amélie Canonne, Présidente de l’AITEC
Lucile Falgueyrac, Membre de l’AITEC

Image : Seblinux78 (CC BY-SA 2.0)



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