AITEC
Bouton menu

La Commission européenne au dessus des lois

Publié par AITEC, le 16 mai 2017.

Commerce et développement CETA/AECGUnion européenneGouvernance



Partager :

bouton facebook bouton twitter Bouton imprimer

Ça ne change rien, c’est vrai : en juillet dernier, les États membres s’étaient finalement imposés face à la Commission, et avaient affirmé la "mixité" de l’accord, obligeant ainsi à une décision unanime des 28, et à la ratification ultérieure par chacun d’entre eux. En conduisant cette bataille, la Commission avait quant à elle une idée en tête : délégitimer l’intervention des États, de leurs Parlements et de leurs populations dans les processus de négociation, puis de délibération, relatif à tous ces accords. La liste des négociation qu’elle entend conduire est longue, et les critiques et les controverses qui ont émaillé les pourparlers du TAFTA puis du CETA risqueraient de la démonétiser si chaque négociation fait face aux mêmes obstacles ; elle s’efforce donc de reconquérir l’intégralité d’une compétence qu’elle juge sienne, en vertu des traités, et dont elle ne comprend pas qu’elle lui soit aussi contestée. En somme, le CETA est mixte depuis mi-2016, et chacun des États membres devra le ratifier selon ses procédures, comme prévu. La décision de la CJUE ne va modifier le processus en rien.

L’analyse à faire de cet avis de l’instance suprême de l’UE est plus substantielle, et touche à des préoccupations démocratiques beaucoup plus fondamentales.

Illégalement, la Commission s’assoit sur 3,2 millions de signatures

C’est la seconde fois en huit jours qu’un tribunal de l’UE invalide une position, ou une décision, de la Commission sur un dossier de commerce international : la première instance de la Cour de justice avait, la semaine passée, déclaré illégal le refus de la Commission d’enregistrer l’Initiative citoyenne européenne portée par plus de 500 groupes, il y a 3 ans, sur le TAFTA et le CETA, décidant que la demande n’entrait pas dans le cadre légal de l’ICE. Il faut donc entre 6 mois et 3 ans pour que la Cour de justice remette la Commission dans le droit chemin du droit. À la fin le droit l’emporte (dans les deux cas qui nous occupent en tout cas) et la justice est prononcée. Oui mais le mal est fait, et il n’existe aucun moyen de le réparer.

« Vous aviez raison, mais désolé, il est trop tard .. »

En empêchant l’ICE "TAFTA-CETA" de se dérouler, la Commission a privé les citoyens d’un instrument légitime du débat démocratique, que gouvernements et Parlements n’auraient guère eu l’espace de trivialiser, et que les citoyens de l’UE auraient sans aucun doute signé, encore plus nombreux, convaincus de l’impact concret de leur engagement. La pétition a circulé dans toute l’Europe et a récolté plus de 3,2 millions de signatures. Mais en la censurant de façon unilatérale, et on le sait maintenant, illégale, la Commission a sans doute bouleversé le rapport des forces en présence dans cette bataille politique. À n’en pas douter le nombre de signataires aurait été atteint, et elle aurait dû, légalement, examiner la demande des pétitionnaires et justifier son refus de leur donner satisfaction le cas échéant. Qui serait ainsi devenu opposable devant les tribunaux européens.

Les menaces et l’illégalité comme stratégie politique ?

Dans l’affaire de la "mixité" des traités, sa conviction affirmée qu’elle pouvait revendiquer la compétence exclusive dans le domaine du commerce et de l’investissement l’a successivement conduite à mener différentes actions de chantage et d’imposition. Il y a eu d’abord, avant la tenue du Conseil au mois de juillet, un harcèlement dirigé vers plusieurs États-membres afin qu’ils se rangent derrière son avis, y compris en les menaçant de rétorsion. Par la suite, la Commission a feint de négocier, telle une faveur, la mixité de l’accord (qui était donc une obligation) en échange de l’application provisoire du #CETA. Enfin l’épisode le plus remarquable restera incontestablement celui de l’insubordination wallonne, qui a essuyé mépris et déconsidération, alors que ce Parlement exerçait son droit constitutionnel à intervenir dans le processus d’approbation.

Dans les deux affaires, tant sur l’ICE que sur la « mixité », la Commission a joué d’un pouvoir invraisemblable, en profitant des lenteurs du système judiciaire pour se baser sur un seul principe : le fait accompli, jusqu’à ce qu’un tribunal lui prouve le contraire. Comme cela a été le cas avec l’ICE, il est désormais trop tard pour changer la réalité et la censure qu’ont subi les plus de 3 millions de signataires. On peut facilement imaginer qu’en respectant le droit, la réalité aurait été toute autre, et la stratégie d’imposition politique de la Commission n’aurait pas fonctionné de la sorte.

Certes, les citoyens apprécient que la Cour ne les prive pas aujourd’hui du peu de contrôle dont ils disposent sur les politiques commerciales. Mais leur donner raison, de temps à autre, quand la bataille ne s’est pas déjà dénouée à leur désavantage serait un premier pas pour restaurer la crédibilité de l’UE.

En outre, à l’heure actuelle, comment faire confiance à une instance dont deux décisions - des décisions qui auraient changé radicalement la face des débats, et peut-être même de toute sa politique commerciale - sont invalidées dans la même semaine ?



Sur le même thème

Commerce et développement

Accord UE-Mercosur Première analyse de « l’instrument conjoint » proposé par Bruxelles

Commerce et développement

BREAKING : Accord-UE-Mercosur – Révélation d’un document secret

Commerce et développement

Accord UE-Mercosur : opacité, secret et manque de transparence.

Commerce et développement

L’accord de libéralisation du commerce UE-Mercosur n’est pas mort