AITEC
Bouton menu

Plate forme pour un droit au logement opposable - Contribution au "groupe des Six" sur le droit au logement - 2003

Publié par , le 9 mars 2007.





Partager :

bouton facebook bouton twitter Bouton imprimer

Le droit au logement

Au début sont les droits de l’homme participant à la définition d’un homme abstrait entretenant avec les autres hommes des relations juridiques devant être fondées sur des principes d’égalité, de liberté et de propriété, qui sont les trois piliers idéaux de la société qui a produit cette idéologie.

Aujourd’hui les droits dits sociaux sont les nouveaux droits de l’homme en société, dans une société industrielle puis urbaine qui proclame formellement les droits de l’homme mais le laisse sans travail, sans logement, sans éducation... L’exploitation et la répression que cette société produit mettent en danger l’exercice concret des droits pourtant proclamés comme participant à la définition de l’homme. Pour être libre, il faut avoir du travail, être en bonne santé, être logé...

L’importance prise récemment par le droit au logement parmi les autres droits sociaux s’explique par la nature urbaine de la société que nous habitons. La ville est la grande affaire de notre société. Ce fut longtemps Dieu, la terre puis l’usine qui nous ont réunis et divisés. C’est actuellement la ville.

Dans une société urbaine, le logement n’est pas qu’un bien ; il est le lieu et le moyen d’insertion dans la société ; il permet d’appartenir à cette société, d’y prendre rang. Etre privé de logement, c’est être privé de domicile, d’adresse, de famille, du droit de participer à la vie de la cité, et aussi de recueillir les fruits de la civilisation urbaine.

Le droit au logement est plus difficile à caractériser que les autres droits de l’homme, et ce malgré son apparente concrètude ; c’est peut-être même paradoxalement un obstacle à une définition du droit qui ne peut se réduire, se ramener à l’objet sur lequel porte ce droit. Si une juridiction reconnaît à autrui le plein exercice des droits de se défendre, je n’en serai pas fâché, je n’en prendrai pas ombrage. En revanche, si je peine ma vie durant pour acquérir un bon logement, je n’accepterai pas que l’on donne le même sur le même pallier face au mien à n’importe quel individu qui se sera contenté de se prévaloir d’un droit au logement.

Aucune définition abstraite et universelle de l’objet de ce droit n’est pratiquable. Ce qui met en danger le droit lui-même. A notre avis, le seul contenu acceptable est celui, a contrario, que peut donner une société qui raisonnant économiquement, sociologiquement, urbanistiquement et politiquement définit ce qu’est la négation du droit au logement. Ce qui fait apparaître le droit au logement comme le droit d’exiger de ne pas vivre en marge de la société urbaine en raison de son mal-logement ou de son non-logement. Ce n’est pas le droit d’exiger x pièces et y m2 par individu, pour autant que des nécessités de fonction nomenklaturées ne vous donne pas droit à 2x et à 2y.

Le droit au logement est un droit de situation, d’existence. Les situations s’apprécient, se qualifient globalement ; elles sont appréciées et qualifiées d’abord par ceux qui les vivent. Ce qui est là-bas inacceptable (par exemple la suroccupation ou surpeuplement du logement) est ici accepté : le surpeuplement est compensé par la bonne situation du logement, sa proximité des lieux d’emploi et de centralité urbaine.

Si le logement n’est pas susceptible d’être normé même en utilisant des procédés aussi raffinés que ceux de la loi de 1948, le droit au logement n’est pas facilement objectivable ; il est donc inutilisable par les juridictions qui ne veulent dire que le droit, (le droit est d’abord un vocabulaire dont la principale qualité est la clarté, ce qui lui permet de s’imposer de lui-même sans qu’il soit nécessaire de recourir à la juridiction et à la contrainte) qui refusent de se lancer dans des appréciations et évaluations sociales. L’intérêt incontournable de toute juridiction est pourtant sa capacité à prescrire contre vents et marées, contre tous, contre les Etats, contre tous ceux qui marginalisent en mal-logeant...On ne doit pas avec ce droit au logement cumuler tous les handicaps : l’incertitude de la teneur du droit lui-même et le refus de la juridiction de le prendre en compte.

La seule solution me paraît celle-ci : l’opposabilité à tous du droit au logement donc sa juridictionnalité passe par la mise en place de juridictions sociales capables de franchir le cercle du droit pur, de prescrire au vu d’appréciations globales de situations concrètes. C’est une nouvelle conception de la fonction de régulation sociale à faire assumer par l’autorité judiciaire en lui fournissant peu de droit à appliquer mais en lui donnant toute autorité pour imaginer une solution pratique et l’imposer. Chaque fois, en France, qu’un objet social à soumettre à une juridiction a été appréhendé dans sa complexité réelle, une juridiction spécialisée a été crée : juge pour enfant, prud’hommes, sans oublier les juridictions des baux (baux ruraux et baux à loyer selon l’ancien vocable désignant les relations juridiques des proprios bailleurs de locaux d’habitation avec leurs locataires et autres occupants) qui ont été autorisés plus ou moins explicitement à sortir du droit pur. C’est encourageant.

Nous concluons et résumons : · Le droit au logement est d’abord le droit de refuser le non-logement et le mal-logement ; · Il donne lieu à des recours contre les garants et les débiteurs de ce droit devant une juridiction spécifique ; · Cette juridiction apprécie des situations et prescrit des mesures de "restauration sociale".