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Conséquences de la directive électricité. Interprétations, enjeux, pistes d’action - 1998

Publié par , le 13 mars 2007.





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La directive européenne organisant le marché intérieur de l’électricité a été adoptée par le Parlement et le Conseil européens le 19/12/1996 à partir d’un accord de juin 1996. Elle doit être transposée en droit français en 1998. Elle menace aujourd’hui les intérêts des consommateurs français et le devenir d’EDF en tant qu’entreprise de service public.

À regarder de près les différentes étapes qui ont conduit à son élaboration, alors qu’elle est présentée comme une réussite de la politique européenne commune, elle n’est que l’aboutissement d’un processus de conflits intra et inter-États, au cours duquel s’est clairement manifestée la faiblesse de la position française. À l’origine de ce processus se trouvent les motivations nationales des pays partenaires. En Allemagne surtout, où la réflexion sur le marché de l’électricité a eu lieu dans un contexte de crise : crise d’efficacité qui amène la majorité parlementaire à prôner des mesures ultra-libérales, tant au niveau national qu’européen.

De plus, les électriciens allemands voient en EDF une menace, et les grands groupes se sont alliés au gouvernement fédéral pour contrôler les entreprises communales de distribution, dont la conception du service public présente des points communs avec la vision française. S’il existe donc un front commun contre la position française, il existe aussi une contradiction germano-allemande que la France peut exploiter au parlement européen. Mais l’Allemagne a besoin d’élargir le débat à la distribution et une déréglementation poussée en France est un point-clé de son dispositif.
Plus généralement, les attitudes conflictuelles des États face au problème de la déréglementation trouvent leur explication dans la situation - plus ou moins favorable - qu’occupent leurs opérateurs dans ce secteur.

La directive est d’autre part porteuse de menaces non négligeables. Le différentiel de traitement entre clients libres et captifs conduit logiquement ces derniers à revendiquer une déréglementation plus poussée pour pouvoir bénéficier eux aussi des mêmes avantages. La demande de réciprocité « restrictive », pour ce qui est de l’éligibilité des distributeurs, met EDF devant un choix essentiel pour le consommateur. Le groupe doit en effet choisir entre une alliance avec les grands électriciens hostiles aux arguments de service public, ou un rapprochement avec des acteurs porteurs d’une logique compatible, avec le risque d’une décomposition « localiste » du service public en France.
Le processus de déréglementation amène d’autre part la création d’une concurrence fabriquée de toutes pièces, dont le nombre d’opérateurs est fixé par le régulateur politique. Celui-ci est conduit à accepter des prix élevés pour favoriser les nouveaux entrants. À plus ou moins long terme, le coût de la politique de déréglementation se répercute sur le consommateur captif sous la forme de moindre baisses de tarifs, ce qui permet à l’opérateur dominant de jouer le rôle d’amortisseur et de mutuelle afin d’offrir une rentabilité suffisante à ces nouveaux opérateurs.

Cependant, le plus grand danger est l’extension des débats à la distribution. Pour faire basculer la distribution d’électricité et de gaz dans le régime général de délégation de service public, les collectivités locales développent la production décentralisée d’électricité, le regroupement d’abonnés et le démarchage des derniers Distributeurs Non Nationalisés. Enfin, il existe un risque de décomposition du pouvoir de régulation, qui s’est développé en France sur le tryptique : État national-Direction de l’entreprise-Personnel. La directive donne à l’opérateur la possibilité de jouer un rôle d’orientation (voire d’instruction) et donc une autonomie que l’entreprise peut utiliser selon ses intérêts. De même, elle fait prédominer les revendication d’autonomie des collectivités locales sur celles de cohésion. Enfin, menaçant les attentes du personnel, elle suscite une rupture de la continuité du service et dresse ainsi les usagers contre les agents.

Rechercher des axes d’action revient à lister les principaux acteurs devant être impliqués dans le processus politique de régulation et envisager quels doivent être leurs rôles respectifs.
Il faut amener les collectivités locales à assumer un rôle de régulation du système dans le sens de l’intérêt général. Les consommateurs-usagers-citoyens constituent un contre-pouvoir qui doit être développé. Le personnel doit être associé au processus par le moyen de ses représentants ; l’État doit assumer ses fonctions d’intégrateur national. L’enjeu est donc politique : il est nécessaire d’agir vite et d’initier un large débat collectif sur les missions de service public du secteur, le système de représentation des acteurs et d’évaluation pluraliste des résultats qui reconnaisse le consommateur-usager-citoyen comme partenaire au sein de conseils départementaux des services publics.