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Le gaz et son avenir. Quel projet industriel ? Quel service public ? - 2000

Publié par , le 13 mars 2007.





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I - HISTORIQUE ET PRINCIPALES DONNEES

a) Autrefois, dans les centre villes ayant voulu accéder à l’éclairage, on produisait du gaz manufactur_ pour divers usages, y compris celui de l’éclairage à domicile. L’électricité est arrivée après. C’est la raison historique pour laquelle la distribution reste surtout mixte, par un enracinement des collectivités.
La nationalisation de 1946 transfère à GDF les cahiers des charges des concessions de distribution. Elle laisse subsister des régies municipales. La loi lui confie deux missions d’intérêt général : la sécurité d’approvisionnement et la desserte là où elle est économiquement justifiée. Même si la notion de service public n’est pas explicitement employée comme dans la loi électrique.

Un écart important existe sur ce point entre l’électricité et le gaz : pour le gaz dont le coût du transport est relativement élevé au regard de son prix, un calcul de rentabilité est nécessaire pour déterminer les zones desservies : seules les zones à urbanisation concentrée dépassent le seuil de rentabilité ; les zones isolées ne sont pas desservies. Les grandes infrastructures de transport vont ensuite modifier les calculs de coûts.

Les obligations de desserte, de fourniture, d’universalité… n’existent pas pour le gaz. Pas de mission quant à la manière de desservir ceux qui le sont, quant à la péréquation des tarifs, quant à la contribution à la solidarité territoriale, à la desserte des plus démunis… D’autre part, le service public a toujours comporté une dimension de sécurité d’approvisionnement.

b) Aujourd’hui, le gaz est une énergie abondante pour au moins une décennie. Il est donc compatible avec le court retour sur investissement attendu et la forte rentabilité financière qu’espèrent les actionnaires privés.

Les réserves sont néanmoins limitées : une gestion économe de la ressource s’impose afin d’inscrire la consommation énergétique dans une démarche de développement durable et de satisfaire la demande croissante des pays en développement rapide. C’est pourtant pour réaliser un profit maximum à court terme que les Anglais dilapident actuellement leurs réserves de la mer du Nord.

Le C.A. de GDF est d’environ 60 milliards F. La distribution (commune avec EDF) ne se présente plus à la clé : 80% du personnel y est mixte, même s’il est réparti en fonction du nombre de clients. Il existe peu d’agents uniquement GDF, dans les services centraux, commerciaux et techniques spécialisés. La distribution comprend 70 000 salariés : si l’on applique les clés conventionnelles, cela donne 25 000 pour le gaz. On peut donc estimer l’ensemble des agents GDF à environ 30 000.

Les clients représentent en volume, 1/3 pour l’industrie (environ 1/2 avec le tertiaire). Le chauffage représente les 3/4 des dépenses domestiques en gaz, avec tarifs spéciaux. Pour les gaziers, l’utilisation cuisine est indispensable car elle représente l’entrée dans les foyers.

II - PROJET INDUSTRIEL ET NECESSITE D’APPROVISIONNEMENT, EN FRANCE ET EN EUROPE

Si l’on regarde l’espace français, il ne comprend plus que trois groupes énergétiques au lieu de quatre (EDF - 190 M 2 F, Elf-Total - 450 M 2, Suez-Lyonnaise - 200 M 2) Vivendi ayant liquidé ses activités dans ce secteur.

En Europe, les pays présentent de grandes différences en matière de ressource, approvisionnement et échanges en gaz. Certains comme la France sont importateurs et d’autres, exportateurs. Leurs intérêts sont donc différents. C’est la raison pour laquelle il a existé une directive gaz avant celle que l’on envisage de transposer aujourd’hui. C’est une directive amont sur la production qui a été qualifiée de « ce qui est à moi est à moi ; ce qui est à toi est à nous » ! Elle n’a pas été explicitement transposée en droit français : il n’y avait pas lieu de le faire, la France n’étant pas productrice de gaz. La nouvelle directive en cours ne concerne que l’aval, l’introduction de la concurrence par l’accès des tiers au réseau.

Aux plans européen et mondial, nous constatons une convergence croissante entre électricité et gaz. En amont, parce que l’utilisation du gaz naturel pour la production d’électricité va croissante (du fait des progrès technologiques et du bas prix actuel du gaz). Le temps de retour sur investissement en est intéressant. D’où la question nouvelle que se posent aujourd’hui des groupes électriciens d’accès au gaz naturel. En aval, en termes d’offre de services multi-énergies. Le modèle comprenant l’électricité d’un côté, le gaz de l’autre et la concurrence entre eux se brouille par l’apparition en plus de formes de convergence. De grands groupes principalement d’origine électrique s’intéressent aujourd’hui au gaz, capitalistiquement parlant.

Il faut distinguer entre les ƒtats producteurs et les compagnies : en mer du Nord, les deux existent. Elf y est présent, mais c’est surtout Exon Schell, puis BP et les Norvégiens qui contrôlent les gisements. Le producteur historique est la Hollande. L’important pour eux est le contrôle des débouchés pour le celui de la rente. Les nouveaux enjeux se déplacent. GDF est la seule compagnie intégrée de gaz comprenant à la fois du stockage, de gros tuyaux européens, des tuyaux en France (dont une partie est partagée avec Elf), et le contrôle de clients finaux.

Dans ce contexte, une politique énergétique purement française n’a pas de sens : nous sommes dans une phase de transition dans laquelle chacun des États européens a des atouts spécifiques. Ceux qui ont des ressources naturelles se les gardent, touchent une partie de la rente. La France a créé un avantage comparatif sur le nucléaire, dans des conditions d’acceptabilité sociales déterminées - y compris de rapport de forces dans la rue. Mais dans la durée, on ne voit pas ces politiques nationales se maintenir : peut-on rebondir sur une dimension européenne à partir d’apports de chaque État ? Une ligne stratégique en serait la non-dépendance face à l’oligopole pétrolier mondial.

III - STRUCTURES ET ORGANISATION DU SECTEUR

a) Quel avenir pour GDF ?

Le système actuel de condominium n’est pas stable. Les deux issues les plus probables pour GDF sont d’être filialisée à EDF ou d’être intégré par les groupes pétroliers, la clientèle moyenne et petite étant laissée à EDF. GDF intéresse les compagnies privées car elle est la seule compagnie intégrée de gaz
La solution alternative gaz + électricité se serait réalisée depuis longtemps si le système était privatisé, par absorption de GDF par EDF. Mais actuellement, cela supposerait de remettre en cause la stratégie d’EDF, qui n’est pas sous contrôle de l’État ni des pouvoirs publics, mais de personne : il n’existe de contrôle ni démocratique ni stratégique de son propriétaire, la nation, mais un EDF impérial. Or les bonnes idées industrielles ne suffisent pas : les conditions de faisabilité démocratique sont aussi nécessaires pour peser sur le rapport de forces.

Pour GDF, ne pas choisir son camp, c’est se faire couper en morceaux.

b) La régulation du secteur

Celle à organiser doit partir de la définition claire et démocratique de la politique énergétique, qui est du ressort de la fonction d’orientation, donc du Parlement, comme le dit la loi sur La modernisation du service public de l’électricité. Finalement, le même régulateur traitera du gaz et de l’électricité.

Le fonctionnement du consortium d’achat qui existe de fait au plan européen donne aux acheteurs la taille nécessaire pour obtenir des contrats satisfaisants en équilibrant l’oligopole des producteurs. Partie intégrante de la politique énergétique nationale, il doit poursuivre son action dans une dimension européenne afin de fonder une véritable vision d’un intérêt général européen caractérisée par la sécurité d’approvisionnement et une vision à long terme des besoins des populations et de leur satisfaction.

Au plan local (qui est du ressort des autorités concédantes) revient le respect des modalités de fonctionnement du marché du gaz ainsi que les missions de service public au quotidien. L’existence d’un système d’Observatoires régionaux est un enjeu démocratique.

Les tarifs (leur niveau et leur péréquation géographique) seront un test du caractère démocratique de la régulation. Aujourd’hui, les tarifs du gaz sont si élevés que GDF génère 10 M 2 F de cash. Mais personne ne proteste parce que toutes les décisions sont prises à Bercy (en toute opacité démocratique) en faveur de GDF, dans le sens d’une politique expansionniste d’achats à l’extérieur (Mexique, Pologne, Autriche). Ce qui prouve bien qu’un contrôle centralisé des prix ne se traduit pas par leur optimum pour le consommateur.

IV - LE SERVICE PUBLIC AUX USAGERS

Le choix de l’énergie par les usagers-citoyens doit laisser ouverte l’option gazière. L’accès au réseau n’étant pas économiquement possible sur l’ensemble du territoire, la notion de service public du gaz se concrétise surtout au niveau local (égalité, continuité, mutabilié, sécurité d’approvisionnement, accès de tous et cohésion sociale, aide aux plus démunis, etc.). Tous les opérateurs gaziers doivent avoir obligation d’y contribuer selon des modalités à définir, qu’ils disposent ou non d’un réseau de gaz.

La préservation de l’environnement participe pleinement de ces missions, que ce soit pour la population des pays développés ou pour celle des pays en développement.

Le choix d’un service public démocratisé comme le propose l’AITEC [cf. les deux fiches sur la représentation des usagers - propositions et débat] suppose de mettre sérieusement en examen les grands systèmes centraux comme idéologiques et d’expérimenter. Prétendre que tout serait préparatoire à une solution miracle (les énergies renouvelables) est une autre idéologie.

L’option démocratique se fonde sur l’usager-citoyen comme acteur ; elle nécessite une alliance stratégique avec les collectivités locales, qui elles ont un vrai pouvoir institutionnel. Pas tellement en tant que telles mais parce que ce sont les élus qui font les lois. La démarche fondamentale est le contrôle par le bas (l’usager-citoyen) de la distribution, qui appellera un contrôle par le haut de la rente (sa production et sa répartition entre acteurs). Il faut aboutir à un équilibre de pouvoirs de régulation. Le pouvoir énergétique est aujourd’hui extrêmement concentré en quelques mains : il faut créer d’autres lieux de pouvoirs pour redonner des marges de délibération.