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Le service public postal - 1998

Publié par , le 13 mars 2007.





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La poste est la plus ancienne activité de service public. Elle est aujourd’hui déstabilisée par les mutations technologiques, la mondialisation et l’ouverture à la concurrence. Elle est organisée comme ensemble intégré d’un grand nombre de prestations de services qui se répartissent entre deux pôles : courrier et services financiers. Les travaux de l’AITEC permettent de dépasser la conception « substantive » du service public comme une réalité en soi (conception qui raisonne dans l’absolu, en termes de tout ou rien) pour préciser en quelques points essentiels le degré d’application des principes du service public aux activités postales.
Ces points se réfèrent aux documents officiels que sont la loi du 2/7/1990, le contrat de Plan 1998-2001, le cahier des charges (décret du 29/12/1990) et la directive européenne du 15/12/1997. Ils doivent prendre en compte les points de vue syndicaux et associatifs sur ces documents, ainsi que les résultats des activités postales.
Conformément aux directives européennes, ces documents tendent à définir le service public par trois éléments : le service universel (son « noyau dur »), le service obligatoire et le service d’intérêt général. Seul, le premier est exempt de concurrence, mais il doit être défini concrètement et directement.

1. Les missions de service public - Elles sont indiquées dans la loi et le contrat de plan : courrier et colis, services financiers, services de proximité pour tous de qualité, réseau des points de contact et participation à l’aménagement du territoire, politique des ressources humaines et relations sociales, nouvelles technologies, recherche et innovation.
Mais elles sont conçues comme des domaines et non comme des objectifs précis, ces derniers étant définis de manière vague (« conforter », « améliorer », « moderniser », « poursuivre », « assurer un service attractif », « renforcer », « développer »…). Conséquence : dans ces domaines, le « service public » s’identifie donc avec l’organisme, puisqu’il est impossible de comparer objectifs et résultats, qu’il manque de repères identificatoires. Il est ainsi fragilisé par la pénétration de la concurrence, qui agit sur elle comme un acide.

2. L’évaluation pluraliste des résultats - Elle n’est pas considérée comme un objectif pour l’entreprise, ni quant à la participation de ses usagers, ni de ses agents. Dès lors, l’expression des besoins postaux ne peut pour l’essentiel se faire directement ni pour les besoins économiques (clients professionnels) ni pour les besoins sociaux (usagers domestiques). C’est donc le marché qui sert de substitut : les seuls indicateurs possibles portent sur la productivité et la rentabilité de l’entreprise.
Pourtant, l’annexe 1 du contrat de Plan contient des objectifs de qualité et des indicateurs de qualité et de coût qui pourraient servir d’instruments pour une évaluation pluraliste des besoins économiques et sociaux postaux, à condition de les redéfinir à travers une concertation avec usagers et agents, et de les inscrire en termes d’engagements dans le management de l’entreprise. Car l’évaluation pluraliste permet d’expérimenter une efficacité publique concourant à la performance globale à côté de la productivité Reste alors à les articuler par le management.

3. La concertation avec les usagers -citoyens - Elle constitue le fondement de la légitimité de La Poste comme service public Mais elle n’est pas aujourd’hui reconnue comme telle et sa pratique est à peine esquissée parce que la direction a déjà intériorisé le caractère inéluctable de la « libéralisation » des activités postales.
Pour être efficace, elle devra d’abord se voir reconnue une réelle importance dans le management de l’entreprise quant la définition et l’évaluation des besoins sociaux. Ce qui suppose qu’elle soit bilatérale et spécifique, avec les clients professionnels d’une part, les usagers domestiques d’autre part. Publique et contradictoire, elle doit relever de la direction générale elle-même.

4. La concertation avec les personnels - Elle est affichée dans le contrat de Plan dans des termes qui visent à concilier l’amélioration des conditions d’emploi et de la qualité des relations sociales avec la modernisation de l’organisation du travail. Mais ces bonnes intentions semblent infirmées par certains faits. En effet, contrairement aux Télécoms qui est une activité très capitalistique et peut jouer sur des gains de productivité importants (de l’ordre de 3% / an), La Poste est une entreprise de main d’œuvre : la variable d’ajustement salarial est stratégique. Les gains de productivité proviennent surtout de la rationalisation de l’usage de la main d’œuvre, de la précarisation de l’emploi.

Ainsi, le contrat de plan affirme-t-il (p. 12) « le retour aux contrats à durée indéterminée est strictement limité, dans le cadre des dispositions du droit du travail, aux besoins indispensables de l’entreprise ». Or en fait, d’après ses propres Bilans sociaux, les contractuels sont passés de 57 000 en 1995 à 65 300 en 1997, tandis que l’emploi statutaire diminuait de 6000 à 7000 / an. Ils représentent désormais un emploi sur cinq. Contrairement à l’article 31 de la loi, qui ne la prévoit que pour « les exigences particulières de l’organisation de certains services ou la spécificité de certaines fonctions », il s’agit en réalité d’une orientation générale qui ne se « justifie » que par l’impératif de concurrence qui imposerait d’abaisser le coût de l’emploi des fonctionnaires. D’où la sur-exploitation des CDII (contrats à durée indéterminée et intermittente), les infractions à la loi - notamment dans les domaines de l’express et du colis - , l’écrémage et la sous-traitance
Cette « guerre des prix sur le dos des agents » décrédibilise la politique de concertation affichée, démobilise les agents, les rend hostiles à l’idée d’efficacité qu’ils assimilent à la rentabilité et les pousse à la révolte.

5. La contribution à l’aménagement du territoire - Il s’agit là d’une véritable mission de service public qui fait explicitement référence aux besoins des populations, dans la double dimension des zones rurales fragiles et des banlieues à risque. Là, les partenariats sont précisés, faisant ressortir la vocation inter-administrative de La Poste. La faiblesse récurrente de l’inter-ministérialité permettra-t-elle de dépasser le stade actuel de quelques expériences pilotes, qui dure depuis une quinzaine d’années que ce thème est à l’ordre du jour ? Espérons que les schémas intermodaux de services prévus par la loi sur l’aménagement et le développement du territoire le permettront. Cela supposera le financement des missions assumées par La Poste dans ce cadre par les ministères dont elles relèvent, avec contribution de l’Union européenne.

6. La dimension européenne - Une première version de la directive européenne « Poste » était de facture très libérale. Elle était assortie d’une notice basée sur la segmentation de l’activité postale et proposait une libéralisation immédiate du secteur courrier. Elle a provoqué une série de réactions, dont celle du Parlement européen pour exister et de certains opérateurs publics inquiets des conséquences pour eux en tant que gestionnaires de réseaux.
Les syndicats ont réagi au niveau des principes du services public et en termes de conséquences pour les personnels. Car les statuts étaient directement remis en cause.
Des responsables politiques (dont des élus locaux, particulièrement en milieu rural) ont vu les conséquences pour leurs communes de la fermeture des bureaux de poste. Ils ont tenté de freiner ces ardeurs libérales.
De son côté, le mouvement social de novembre-décembre 1995 a impressionné les instances européennes qui se sont inquiété de sa possible extension.
Toutes ces réactions ont entraîné une reprise en 1996 des discussions sur deux aspects essentiels de la directive poste : l’étendue du monopole (le « secteur réservé ») sur le publipostage (11% du C. A. de La Poste). C’est une activité convoitée par la poste hollandaise. Et le courrier international (« transfrontalier » - 6% du C. A.) qui est important, couplé au publipostage.
Font-ils partie du monopole ? L’affrontement a été vif sur ce point. Un compromis a été passé fin 1997 entre Français et Allemands, qui confirme le monopole sur ces deux points. Il ne prévoit pas de nouvelle libéralisation avant 2003. Mais ensuite, tout peut se re-jouer.
La directive actuelle sera transposée en 1999 en droit français. Au plan européen, c’est celle qui ouvre le moins à la concurrence (2% en France contre 25% pour l’électricité, 100% pour les télécoms). Elle conduit à améliorer le service public en France en obligeant La Poste à distribuer les colis jusqu’à 10 (voire 20) kg - ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. Le service universel qu’elle contient améliore le service public français quant à son champ pour La Poste.

Les principaux dirigeants de La Poste considèrent la bataille pour 1999 et 2003 comme perdue du point de vue du service public. Il faudrait donc utiliser le temps qui reste pour serrer les boulons dans tous les sens afin de se préparer à une généralisation inévitable de la concurrence. Il axent donc tout sur les gros clients, les usagers domestiques étant captifs.

Or la « libéralisation » totale à terme des activités postales n’est pas une fatalité. Ainsi, c’est le secteur sur lequel le Parlement européen s’est déjà le plus engagé par des actions fortes qui expliquent le contenu de l’actuelle directive. D’autre part, c’est le seul domaine de service public où les ultra-libéraux anglais aient échoué. Il existe donc déjà une sensibilité favorable à l’idée de service public postal. Mais à condition qu’il soit conçu en termes d’efficacité publique.
Il faut un service postal européen pour tout le trafic inter-communautaire, les compétences avec les postes nationales étant réparties suivant le principe de subsidiarité.
Le territoire européen se construit comme tous les pays l’ont fait : par l’utilisation de la péréquation comme outil d’unification d’un territoire.

Les élections européennes de juin 1999 sont l’occasion de poser cette dimension concrète de la construction européenne à l’opinion publique des quinze pays. De faire avancer l’idée-force d’un service public postal européen et en France, d’une plate-forme citoyenne pour La Poste dont les cinq dimensions sont :

 le modèle postal européen,
 la légitimité des opérateurs publics,
 le projet de modernisation, l’efficacité de service public,
 la concertation avec les usagers,
 la lutte contre la modernisation-privatisation.