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Réseau pour la Réforme des Institutions financières internationales

Publié par , le 5 mars 2007.





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Les Institutions de Bretton Woods (le Fonds monétaire international et la Banque mondiale) ont, depuis 1944, démontré leur incapacité à assurer la stabilité financière internationale et à endiguer la montée de la pauvreté et des inégalités. Pourtant, par leur capacité financière et leur influence sur l’ensemble des bailleurs de fonds, ces institutions sont plus que jamais des acteurs incontournables du développement.

Force est de constater, aujourd’hui, que les conditions d’un développement juste et équitable ne pourront être réunies sans une réforme radicale des institutions internationales, et en particulier des institutions financières internationales (IFI) s’appuyant sur une conception renouvelée du développement et des relations Nord-Sud.

Le fonctionnement et les missions des IFI doivent être repensées et leurs actions réorientées vers le respect de l’égalité d’accès aux droits humains fondamentaux et la promotion du développement durable. Au Nord comme au Sud, les organisations de la société civile se mobilisent et exercent une vigilance quotidienne. Elles élaborent également des propositions alternatives qui s’articulent autour de trois axes prioritaires :

 redéfinir la place et le rôle des IFI dans la gouvernance mondiale ;
 démocratiser le fonctionnement institutionnel de ces institutions ;
 réformer leurs politiques et leurs programmes.

1/ Redéfinir la place et le rôle des IFI dans la gouvernance mondiale

 Lutter contre la tentation hégémonique des IFI

Depuis leur création, les IFI n’ont cessé d’étendre leur influence sur les pays du Sud et se sont arrogé un rôle croissant tant dans la formulation de la pensée sur le développement que dans la mise en œuvre des politiques. A certains égards, la Banque mondiale agit comme une véritable « Banque de la Connaissance » n’hésitant pas à ériger sa pensée en véritable modèle universel. Ce modèle unique, imprégné de la doctrine néo-libérale, a eu et continue d’avoir des conséquences dramatiques pour les populations, notamment les plus démunies, et leur environnement. Aux vues de ce constat, le FMI et la Banque mondiale doivent reconnaître enfin le droit de chaque peuple à définir les orientations de son propre développement.

Les IFI ont par ailleurs progressivement élargi leur champ d’action et interviennent désormais dans de nombreux domaines qui ne relèvent pourtant pas de leurs compétences initiales. Cette extension d’influence se fait malheureusement au détriment d’autres institutions plus légitimes telles que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), l’Organisation internationale du travail (OIT) ou encore le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE).
Redéfinir la place des IFI dans la gouvernance mondiale suppose de circonscrire l’action de ces institutions à des missions spécifiques basées sur la stabilité monétaire (FMI) et le financement du développement (Banque mondiale).

 Intégrer effectivement les IFI au système des Nations unies et les soumettre aux règles du droit international

La Banque mondiale et le FMI, bien que faisant partie des institutions spécialisées des Nations unies, revendiquent un statut particulier qui découlerait de la prétendue « neutralité politique » de leur mandat. Ainsi, lorsqu’elles émettent des recommandations ou mettent en œuvre des programmes ou projets dans les pays en développement, les institutions de Bretton Woods ne se considèrent pas tenues de respecter les normes internationales adoptées dans le cadre des Nations unies (Déclaration universelle des droits de l’Homme, Pactes internationaux de 1966 relatifs aux droits économiques sociaux et culturels et aux droits
civils et politiques, accords multilatéraux sur l’environnement…). Cette situation est d’autant plus inacceptable que les impacts négatifs qu’ont les programmes d’ajustement structurel sur certains de ces droits sont avérés.

Le rattachement des IFI au système des Nations unies doit en particulier se manifester par leur soumission aux règles du droit international. Un système de justiciabilité des DESC doit également être mis en place afin que la Banque et le Fonds soient juridiquement responsables des conséquences de leurs politiques.

 Réformer l’architecture financière internationale

La régulation par le seul marché, préconisée à l’heure actuelle par les IFI, doit être remise en cause. Assurer la stabilité monétaire et prévenir efficacement les crises financières nécessitent en effet que l’on développe une vision alternative de la régulation du système international. La communauté internationale doit adopter un certain nombre d’orientations qui pourraient préfigurer cette nouvelle architecture : la reconquête des souverainetés nationales en matière de politique économique et de développement ; la création d’ensembles régionaux ; le contrôle des mouvements de capitaux au niveau national, régional et international ; la lutte contre les paradis fiscaux, le blanchiment de l’argent et la criminalisation financière ; la mise en place d’un système de taxation et de redistribution de la richesse mondiale…

2/ Palier le déficit démocratique des institutions financières internationales

Le fonctionnement actuel de la Banque mondiale et du FMI se caractérise par un système de représentation profondément inique et un manque de transparence. Le déficit démocratique dont souffrent les institutions financières internationales constitue un obstacle majeur à l’instauration d’une nouvelle architecture financière internationale respectueuse des intérêts et des droits de tous. Des réformes radicales doivent être engagées afin de rendre ces institutions plus transparentes, plus équitables et davantage responsables de leurs actions.

 Assurer une vraie représentativité au sein des IFI

La répartition du pouvoir au sein des instances de décision des IFI est anti-démocratique. Largement basé sur le principe « un dollar, une voix », ce système d’actionnariat favorise une minorité de pays riches qui détient près de la moitié des droits de vote, et notamment les Etats-Unis qui disposent, de fait, d’un droit de veto.
A l’inverse, les pays en développement, bien que premiers concernés par les politiques de la Banque mondiale et du FMI, ne sont pas en mesure de peser sur la prise de décision. Indiscutablement, la démocratisation des IFI ne pourra en aucun cas faire l’économie d’un rééquilibrage des pouvoirs entre pays créanciers d’un côté et débiteurs de l’autre, et donc d’une révision de la clé de répartition des contributions et droits de vote, quasi-inchangée depuis 1944. Dans cette optique, une réforme radicale du système de représentation doit être engagée. Elle peut, dans un premier temps, s’articuler autour des propositions suivantes :

 rééquilibrer le poids respectif de chaque Etat afin, à terme, de supprimer le caractère censitaire de la représentation ;
 augmenter le nombre de sièges revenant aux pays en développement au sein des conseils d’administration ;
 réorganiser les circonscriptions sur une base régionale, en limitant le nombre d’Etats par circonscription et en imposant à l’intérieur de chacune d’entre elles un système égalitaire de représentation ;
 refuser l’octroi d’un droit de veto à quelque Etat que ce soit ;
 rompre avec l’opacité du mode de désignation du directeur général du FMI et du président de la Banque mondiale et introduire un processus de sélection ouvert et transparent.

 Renforcer la transparence de leurs activités

Bien que la Banque mondiale et le FMI aient récemment fait preuve d’une plus grande ouverture en matière de transparence et de concertation, ces efforts demeurent insuffisants. Afin d’assurer la transparence de leurs actions et un large accès à l’information, il est nécessaire que les IFI :

 rendent publics l’ordre du jour, les retranscriptions, les résumés et les comptes-rendus des Conseils d’Administration ;
 procèdent, au sein de leurs instances décisionnelles, à des votes formels afin que les positions de chaque Administrateur puissent être clairement identifiées et portées à la connaissance des citoyens ;
 facilitent l’accès des populations concernées aux documents relatifs aux programmes et projets les concernant ;
 réalisent de façon systématique une traduction de ces documents dans les langues appropriées.

La transparence des politiques et l’information des populations locales constituent deux éléments incontournables de la démocratisation des institutions financières internationales. Seul le respect de ces principes peut permettre une participation citoyenne effective à l’élaboration et au contrôle de leurs politiques.

 Assurer un contrôle effectif et indépendant des IFI

Les mécanismes d’évaluation et de recours existants (Panel d’inspection, Bureau indépendant d’évaluation, Département d’évaluation des opérations…) n’ont pas permis jusqu’à maintenant d’améliorer de manière significative le contrôle des politiques mises en œuvre par ces institutions. Rattachées à la Banque ou au Fonds, ces instances de contrôle souffrent d’un manque d’indépendance et surtout, elles n’ont guère les moyens de rendre leurs décisions juridiquement contraignantes. Il est donc indispensable que :

 l’indépendance et la capacité d’action de ces instances soient renforcées et que les mécanismes de dépôt de plainte de la part des citoyens soient simplifiés ;
 les conclusions rendues par ces instances s’imposent aux conseils d’administration de la Banque et du Fonds.

Par ailleurs, les IFI doivent soumettre leurs politiques et projets à une évaluation externe et totalement indépendante :

 qui soit effectuée préalablement à la mise en œuvre des politiques et non une fois les programmes réalisés ;
 dont les conclusions soient systématiquement publiées et qu’elles puissent être suivies d’effets lorsque nécessaire.

Le FMI et la Banque mondiale doivent également être justiciables de leurs actions :

 un mécanisme de recours externe et indépendant doit être mis en œuvre afin de permettre aux populations directement affectées par les politiques des IFI de défendre leurs droits ;
 les instances de recours doivent être à même de juger du respect ou de la violation des droits humains fondamentaux y compris des droits sociaux, économiques et culturels et d’imposer des sanctions.

Enfin, l’influence que ces institutions exercent, autant dans l’allocation des ressources financières que dans l’orientation des politiques de développement des pays du Sud, nécessite la mise en place d’un véritable contrôle citoyen, notamment par le biais du contrôle parlementaire. Il est en effet nécessaire que les parlements de chaque Etat membre puissent débattre en profondeur des positions défendues par leur représentant et des politiques adoptées par les institutions de Bretton Woods.

Pour ce qui est de la France, compte tenu de la place privilégiée dont elle dispose et donc de sa responsabilité au sein des IFI (environ 5% des droits de vote et un siège d’administrateur permanent), nous souhaitons que les parlementaires renforcent leur contrôle sur les activités de ces institutions. Plus précisément, nous demandons :

 que le rapport du gouvernement au Parlement sur les activités de la France au sein du FMI et de la Banque mondiale soit remis dans les délais légalement fixés et fasse l’objet de débats spécifiques au sein des commissions concernées ;
 que les parlementaires puissent disposer de tous les moyens nécessaires pour contrôler efficacement l’utilisation des budgets alloués aux institutions financières internationales ;
 que soit créée une délégation parlementaire de suivi des institutions financières et commerciales internationales.

3/ Réformer les politiques des IFI

Les projets et programmes financés par la Banque mondiale et le FMI s’accompagnent bien souvent d’une augmentation de la pauvreté et des inégalités ainsi que d’une dégradation de l’environnement. La lutte contre les déséquilibres macroéconomiques, menée sur fond d’ajustement structurel, ne doit en aucun cas se mener au détriment des objectifs de développement humain fondés sur le respect des valeurs sociales et environnementales. Les modes d’intervention des IFI dans les pays en développement doivent être révisés en conséquence.

3.1. Financer la lutte contre la pauvreté

 Politiques de prêts et programmes de développement

Depuis 1999, les IFI placent officiellement la lutte contre la pauvreté au premier rang de leurs priorités. Les manifestations de plus en plus nombreuses émanant de la société civile et dénonçant les conséquences désastreuses des programmes d’ajustement structurels (PAS) ont contraint les IFI à reconsidérer leurs politiques. La création des cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté (CSLP) est la réponse des IFI à ces critiques. Théoriquement destinés à favoriser l’appropriation par les Etats des politiques de développement ainsi qu’une plus grande participation de la société civile à l’élaboration de ces politiques, les CSLP ont certes contribué à rendre le débat public un peu plus ouvert et inclusif dans certains pays, mais n’ont pourtant pas permis à ceux-ci de s’affranchir de la logique d’ajustement structurel. Et pour cause, quand, d’un côté, les IFI prônent "l’appropriation" et la "participation", de l’autre, elles développent des mécanismes arbitraires de notation des "performances" des pays débiteurs (évaluation politique et institutionnelle d’un pays – CPIA) et imposent leurs conditions via les "facilités pour la croissance et la réduction de la pauvreté" (FRPC) du FMI. La lutte contre la pauvreté nécessite l’élaboration de véritables cadres de développement humain durable. Pour cela, il est notamment indispensable :

 de remettre en cause la logique même de l’ajustement structurel et la multiplication à outrance des conditionnalités qui l’accompagne ;
 de s’assurer du respect des règles démocratiques de fonctionnement des Etats, et notamment de l’implication des parlements et de la société civile, dans l’élaboration des CSLP ;
 de délier allègement de dette et CSLP afin d’éviter la contradiction fondamentale qui existe entre les besoins urgents d’annulation de dettes et le temps nécessaire à la construction participative de stratégies nationales abouties ;
 d’évaluer, ex-ante, l’impact des programmes élaborés par les IFI. A ce titre, les "études d’impact sur la pauvreté et le social" (PSIA) doivent être effectuées de façon systématique et envisager pour un pays plusieurs stratégies possibles de développement.

 Les initiatives d’allègement de dettes

L’initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE) ne permet pas d’alléger de façon suffisante le fardeau de la dette pour les pays à faible revenu, au regard de leurs besoins de financement en terme de développement humain. De plus, cette initiative ne concerne qu’un nombre limité de pays et n’offre aucune solution au problème du surendettement d’autres pays très pauvres, comme le Nigeria et Haïti, ou émergents, comme l’Indonésie et l’Argentine. Afin de lutter efficacement contre la pauvreté, les IFI doivent adopter une nouvelle définition de la soutenabilité qui soit basée sur financements nécessaires pour satisfaire les droits fondamentaux des populations. Une telle approche, conforme aux objectifs du Millénaire et aux engagements de Monterrey , implique :

 de procéder dans les meilleurs délais à une annulation substantielle de créances multilatérales sur l’ensemble des pays les plus pauvres et de nombreux pays émergents.

D’autre part, la responsabilité des institutions de Bretton Woods dans de nombreuses situations de surendettement doit être reconnue. Ainsi, dans le cas de l’Argentine, les conseils économiques et financiers du FMI se sont avérés désastreux. De même les créances du FMI et de la Banque mondiale vis à vis de régimes dictatoriaux, utilisés contre les intérêts de la population n’engagent que le régime et non la population.

 A la chute du régime dictatorial, les IFI doivent annuler ces dettes "odieuses".

Plus largement, la coresponsabilité des créanciers et des débiteurs dans la formation de la dette doit être reconnue et les mécanismes internationaux de gestion de la dette démocratisés. La gestion de la dette ne saurait rester entre les mains des créanciers, notamment des IFI, qui sont à la fois juge et partie.

 Les IFI doivent participer à la mise en place de règles du jeu équitables et transparentes à la gestion de la dette.

3.2. Promouvoir l’accès universel aux services de bases

 Privatisation des services et « stratégie de développement du secteur privé »

La nouvelle stratégie de développement du secteur privé, adoptée par la Banque mondiale en 2002, vise à mettre en place un environnement favorable aux investissements et à renforcer l’implication des opérateurs privés dans le domaine des services. Persuadée de l’inefficacité du secteur public, la Banque mondiale privilégie la privatisation des services et tend ainsi à imposer cette politique comme la meilleure solution aux problèmes de développement. Or, comme le démontrent de nombreuses études, la gestion privée des services essentiels est de nature à remettre en cause le droit d’accès à ces services pour les populations les plus démunies. La Banque mondiale doit reconnaître que l’égalité d’accès aux services de base est un principe fondamental qui doit primer sur les intérêts privés et qu’il revient à chaque Etat de le garantir. Le renforcement des capacités régulatrices des pouvoirs publics s’impose ici comme un préalable fondamental. La Banque mondiale doit donc mettre en place une politique d’accompagnement des Etats et des collectivités dans le renforcement, l’amélioration et le développement des services publics.

3.3. Promouvoir le développement durable

 Environnement et énergie

La Banque mondiale s’est engagée à soutenir la création de sociétés durables. La protection de l’environnement et la préservation des ressources (eau, biodiversité, énergie) doivent figurer dans les priorités de la Banque mondiale, et être intégrées dans toutes les politiques de la Banque et du FMI, y compris les politiques macroéconomiques. Les politiques de sauvegarde de la Banque, élément essentiel dans l’évaluation et la mise en œuvre des projets, doivent être beaucoup plus exigeantes et bénéficier d’une mise en œuvre et d’un contrôle renforcés, comme le préconisent les organes d’évaluation internes de la Banque.

Dans le secteur énergétique, qui est un secteur d’intervention important et controversé, la Banque doit mettre en application les recommandations de la Revue des Industries Extractives sur les énergies fossiles et les priorités stratégiques de la Commission Mondiale des Barrages, et notamment :

 l’évaluation indépendante du respect des règles démocratiques minimales de fonctionnement de l’Etat préalablement au projet, et le respect de ces normes dans le projet ;
 l’évaluation préalable de l’impact du projet sur la réduction de la pauvreté et l’évaluation exhaustive des options alternatives ;
 le respect des droits humains et l’arrêt des financements dans les zones protégées ou en conflit ;
 plus de transparence, le consentement préalable informé du public, en particulier des populations affectées, la reconnaissance des droits et le partage des bénéfices ;
 des moyens largement accrus aux énergies renouvelables, à l’efficacité et la sobriété énergétique et à la lutte contre le changement climatique, dont les pays pauvres sont les principales victimes. En particulier, le redéploiement des financements vers les énergies renouvelables en diminuant ceux pour le charbon et le pétrole et l’interdiction des technologies les plus polluantes ;
 l’optimisation des barrages existants, la préservation des cours d’eau et des moyens de subsistance, et le partage des cours d’eau.

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