AITEC
Bouton menu

L’évaluation de l’efficacité économique et sociale des services publics - 1998

Publié par , le 13 mars 2007.





Partager :

bouton facebook bouton twitter Bouton imprimer

L’évaluation vise à confronter objectifs, moyens mis en œuvre et résultats obtenus. Elle va bien au-delà de l’audit, qui se limite à s’assurer du respect d’une norme et s’appuie sur la vérification des pièces administratives et comptables. Elle cherche à apprécier les effets directs et indirects d’une politique, d’une réforme, d’une action, d’une mission par rapport aux objectifs fixés ou implicites. Elle pose avec vigueur la nécessité de clarification des objectifs des services publics - donc des missions. En même temps, elle organise le retour d’expérience qui permet de mettre en œuvre l’amélioration du service et son adaptation aux évolutions des besoins.

Sur cette base, l’évaluation des services publics consiste tout d’abord à vérifier comment un opérateur remplit les missions qui lui ont été assignées, en mesurant les résultats des actions entreprises, en mettant en rapport leur utilité sociale et leur coût, en étudiant leur impact. Elle mesure l’efficacité (rapport des résultats aux objectifs), l’efficience (rapport des résultats aux moyens mis en œuvre), l’impact sur la société. Ainsi, l’évaluation pose clairement le fait que les services publics ont à rendre des comptes, à justifier leurs actions. Elle permet d’exercer une pression sur l’opérateur pour l’amener à améliorer la performance, la qualité… Mais l’évaluation concerne aussi l’action du régulateur, dont il faut aussi apprécier l’efficacité au regard des objectifs qui lui ont été assignés.

La dérive étatiste des services publics se traduit par une confusion entre les fonctions de régulation et d’opération remplies par l’État. Confusion productrice d’opacité. Le contrôle administratif est alors le plus souvent le substitut de l’évaluation. Qu’il s’agisse des grands services publics nationaux ou de la gestion déléguée des services publics locaux, le face-à-face entre opérateur(s) et régulateur s’accompagne d’un déséquilibre structurel d’informations en faveur du premier pouvant déboucher sur un phénomène de « capture du régulateur par l’opérateur » et d’accaparement de la rente. Les opérateurs de service public, qui disposent de droits spéciaux, exclusifs, de monopoles ou d’oligopoles (qu’ils soient publics ou privés) sont spontanément tentés d’abuser de l’asymétrie d’informations dont ils bénéficient pour s’accaparer ou détourner la rente au détriment des consommateurs et/ou de la collectivité. Pour autant, cette situation n’a rien d’inéluctable.

Pour être effective, l’évaluation doit être pluraliste et contradictoire, être conduite avec tous les acteurs concernés : opérateurs, autorités publiques, collectivités territoriales, consommateurs-usagers-citoyens (consommateurs individuels, PME-PMI, industriels, etc.) et les personnels. Ses résultats doivent être publics et transparents, soumis à débat démocratique.
Évaluation pluraliste et contradictoire car les différents acteurs n’ont pas les mêmes intérêts. L’on ne saurait apprécier l’efficacité économique et sociale au regard d’un critère unique mais d’une batterie de critères, qui doivent rendre compte aussi bien des différences structurelles de situation (géographiques, humaines, de ressources naturelles, etc.) que la diversité des intérêts et des demandes sociales (prix, coûts, qualité, rapports coûts/qualité, satisfaction des usagers, rôle dans la cohésion sociale, l’aménagement du territoire, l’environnement, externalités, etc.).
Les critères d’évaluation sont de nature variable et plus ou moins quantifiables. Ils renvoient à la qualité, aux prix et structures tarifaires, à la satisfaction des utilisateurs, à l’impact sur l’environnement, à la cohésion sociale, la solidarité nationale, etc.

Chacun des acteurs à associer peut apporter des éléments de connaissance et d’appréciation qui permettraient de combler le déséquilibre structurel d’informations inhérent aux rapports entre opérateur(s) et régulateur.
L’appréciation de l’équilibre entre intérêt général et marché, la préparation des nécessaires arbitrages entre intérêts différents ou contradictoires, impliquent l’expression préalable de ceux-ci, de réels débats démocratiques.

La mise en œuvre de cette évaluation pluraliste et contradictoire suppose, à chaque niveau territorial d’organisation-régulation (local, régional, national, européen), et pour chaque secteur, la création d’Offices d’évaluation de l’efficacité économique et sociale des activités et performances des services publics (opérateurs comme régulateurs). Les Offices doivent être pluralistes et donc contradictoires dans leur composition, associant tous les acteurs concernés (régulateurs, opérateurs, élus nationaux et locaux, représentants des différentes catégories de consommateurs, des personnels et des organisations syndicales, des associations de la société civile, des chercheurs et universitaires, etc.), comme dans leurs critères d’appréciation. Ils doivent disposer de réels moyens d’expertise et de contre-expertise et rendre largement publics leurs rapports, afin de susciter des confrontations pluralistes.

Avec l’Union européenne apparaît aujourd’hui un nouveau niveau de régulation. À travers l’élaboration des directives, puis leur transposition dans les droits nationaux de chaque pays (ou l’application directe de règlements) elle est en mesure de modifier en profondeur les règles du jeu dans l’ensemble des États membres. Elle est l’initiatrice et la formatrice de décisions toujours plus nombreuses, mais renvoie le lus souvent leur mise en œuvre, régulation et évaluation au niveau national, estimant prématuré de poser la question d’instances européennes de régulation et d’évaluation.

En fait, deux institutions européennes mettent d’ores et déjà en œuvre des procédures d’évaluation et de régulation des services publics - le plus souvent sans le reconnaître explicitement. D’un côté, la Commission européenne procède secteur par secteur à des études comparatives, soit directement, soit en les confiant à des consultants, dans le but d’élaborer de nouveaux projets de libéralisation, et la Direction générale IV (chargée de la concurrence) instruit tous les dossiers et plaintes qui lui sont adressées au nom du droit de la concurrence. D’un autre côté, la Cour européenne de justice est amenée de plus en plus fréquemment à se prononcer sur l’interprétation à donner aux règles applicables aux services publics.

Plutôt que de perpétuer les ambiguïtés actuelles, il conviendrait de préciser ce qui relève d’une évaluation et d’une régulation européennes, sur quelles bases et avec quels organes, ainsi que les rapports à établir, en mettant en œuvre le principe de subsidiarité, avec les instances nationales et infra-nationales. C’est ainsi que le rapport d’activité pour 1996 du Conseil supérieur de l’audiovisuel plaide pour un réseau européen d’instances de régulation.