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Débat autour des propositions de l’AITEC sur "la représentation des usagers-citoyens dans les services publics"

Publié par , le 13 mars 2007.





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Paul ÉMAER (secrétaire général adjoint de la C.S.F., représentant des usagers au C. A. de La Poste)

La proposition de l’AITEC répond à l’une des revendications des associations de consommateurs et d’usagers : une concertation permanente avec les services publics, à tous les niveaux.

Quelques critiques pour l’améliorer :

1° - Je conteste le postulat syndical selon lequel "l’usager-consommateur-citoyen n’a pas vocation à co-diriger le processus de production des services ». Si les syndicats français refusent de co-gérer les services publics, pourquoi sont-ils dans leurs C.A.? Pour ma part, je suis favorable à la co-gestion car les services publics sont destinés à l’ensemble des citoyens. Ils doivent donc être co-responsables de leur gestion. S’ils trouvent que c’est important, ils doivent s’y investir. à?tre présent pour recevoir les documents mais ne pas s’y mouiller, c’est une attitude contradictoire.

2° - Nous constatons qu’à certains endroits, la concertation avec les usagers est impossible - surtout dans les services publics locaux. Il n’y a rien de pire qu’un élu sur ce plan : il est à la fois chef d’entreprise et représentant l’intérêt des usagers. C’est très pratique pour lui : il décide à la fois des tarifs et de ce qui est bon pour l’usager ! Les élus locaux n’aiment pas partager leur pouvoir. On leur demande en fait un lieu où l’usager des services publics puisse exprimer ses besoins et évaluer les résultats.
Les seuls endroits où une certaine concertation existe, c’est dans les grandes entreprises publiques, au niveau national (EDF, GDF, La Poste, la RATP). Au plan local par contre, sa concertation a peu de consistance. Elle supposerait une volonté politique de ses instances locales, ce qui n’est pas toujours le cas. D’autre part, les associations locales (une vingtaine en théorie) sont souvent inexistantes sur le terrain.
Les seuls endroits où une certaine concertation existe, c’est dans les grandes entreprises publiques, au niveau national (EDF, GDF, La Poste, la RATP). Mais quand EDF la première l’a mise en place en 1975, c’est pour compenser son déficit de légitimité dû au plan électro-nucléaire. Au plan local par contre, sa concertation a peu de consistance. Elle supposerait une volonté politique de ses instances locales, ce qui n’est pas toujours le cas. D’autre part, les associations locales (une vingtaine en théorie) sont souvent inexistantes sur le terrain. Les syndicats utilisent ces instances pour venir avec leurs banderolles et leurs revendications. Or ils ont d’autres endroits pour cela. Nous luttons pour qu’existe au moins une réunion annuelle départementale de concertation consacrée effectivement aux questions des usagers.

François ROSSO (C.L.C.V.)

L’intervention de l’usager doit être au cœur du service public car « le consommateur n’est pas le sous-produit du citoyen ». Or la concertation locale usagers-services publics ne fonctionne pas.

Si l’on inscrivait la négociation sur les salaires et les conditions de travail dans des instances où se retrouvent aussi d’autres partenaires que les directions et les syndicats, ces derniers rejetteraient cette idée comme inadmissible. Il en est de même pour les organisations de consommateurs : nous demandons une concertation bilatérale. Or la proposition de l’AITEC institue un parlement départemental. Tout le monde a quelque chose à dire sur le service public. Mais tous les salariés ont aussi leur mot à dire sur le travail ! Il existe déjà des instances où les consommateurs ne font que de la figuration : exemple, le Conseil économique et social.

La proposition de l’AITEC est une tentative de réponse globale aux changements que connaissent les services publics sous l’influence de la mondialisation (d’où l’impuissance de l’État qui n’a plus les moyens de sa politique) et de la poussée du cadre législatif européen. Dans ce nouveau contexte, comment l’État peut-il définir et réguler les services au public ? Qu’ils soient privatisés ou non, le coût du financement de leur modernisation est finalement supporté par l’usager. Pour dépasser cette situation, il faut arrêter de vouloir refaire les services publics de la Libération. Veut-on enfin donner un rôle et des moyens aux organisations de consommateurs, clarifier leur place ? Il faut définir des critères qui évitent l’actuelle dispersion à 18.

D’autre part, je demande que soient rajoutées dans le champ des services publics les autoroutes, le transport aérien et maritime.

Noël MAMà?RE (député, Les Verts)

Le problème des services publics n’est pas de savoir si l’État doit faire voler des avions ou construire des automobiles, mais d’abord celui de la participation des usagers-citoyens dans le fonctionnement des services publics. Or ce sont souvent des alibis. Étant trop peu nombreux et n’étant pas les mêmes, ils ne peuvent pas réellement exprimer un point de vue.

Il faut partir de la base. Dans les quartiers, par exemple, très peu d’associations de consommateurs ou d’usagers dans le champ social sont présentes. Ce sont souvent des gens dévoués, mais qui en restent encore à des notions très anciennes. Ils n’ont pas toujours conscience des réponses à apporter à la nouvelle demande sociale. Or quand cela ne va pas à la base, cela ne peut pas aller non plus plus haut. L’État se situe dans un rapport de forces et en profite. Il est facile de profiter de la faiblesse des associations d’usagers pour s’en servir comme d’alibi.
Il faut nationaliser les grands services publics nationaux ! Prenons l’exemple de la SNCF : quels sont les droits de l’usager ? Quand les trains sont en retard, réclamer pour attendre 45 jours qu’on le rembourse - et encore ! Ils ne participent en rien à la politique d’aménagement - de déménagement, en fait - du territoire que pratique la SNCF. Avez-vous jamais vu les usagers infléchir sa politique de suppression des lignes de proximité ou de création des lignes TGV ? Ou sa politique de transport combiné ? La SNCF est le premier transporteur routier de France. Elle ne le développe pas parce qu’en tant que groupe, elle n’y a pas intérêt et qu’elle n’a pas de contre-pouvoir. Elle est en position hégémonique, en complicité objective en matière de prise de décision avec son principal actionnaire, l’État. Il en sera ainsi tant que les usagers n’auront pas une place à part entière dans le fonctionnement des services publics. « Service public » restera un mot, un tabou dans la rhétorique française tant que n’existera pas de structure où l’État et les consommateurs débattent de leur fonctionnement. Pour l’instant, la plupart des grands services publics prennent leurs décisions sans aucune concertation des usagers. Les propositions de l’AITEC sont importantes sur ce point. Elles nous aiderons dans notre travail législatif, parlementaire.

Christian BATAILLE (député, Parti Socialiste)

Il est un peu court d’affirmer qu’il y aurait d’un côté l’administration et les élus, sorte de bloc qui régenterait la société, et de l’autre les usagers : on peut souvent être l’un et l’autre. Il faut donc distinguer entre l’exécutif et son administration et les usagers, selon les cas de figure.

L’actuelle remise en cause des services publics provient surtout de l’actuelle opposition de droite. Pour autant, la « gauche plurielle » ne doit pas refuser d’examiner le dossier du service public. L’ouvrir aux usagers me paraît un élément de modernisation essentiel. Cela doit se faire dans notre cadre constitutionnel. Or nous sommes dans une démocratie représentative et non à la Suisse. Si quelque chose ne va pas, c’est que les représentants jouent mal leur rôle. Il est logique que, le Parlement ayant rempli son rôle, les usagers soient associés à l’évolution nécessaire des services publics. D’autre part, il faut maintenir la péréquation des tarifs.

Le projet de l’AITEC pose un cadre intéressant. Il devrait prendre davantage en compte les parlementairres.

Michel DAUBA (P.C.)

Des menaces structurelles lourdes concernant d’actualité expliquent peut-être que nous n’ayons pas donné toute sa place à l’étape nécessaire de rénovation et de démocratisation des services publics. La place des usagers sera essentielle pour la prochaine période. Les services publics participant fortement du lien social, ce progrès constitue une urgence.
La structure proposée par l’AITEC est départementale et nationale : quid de l’Europe ?

J’apprécie la proposition de l‘AITEC de comités départementaux et national. Elle devrait se prolonger au niveau européen. Mais elle reste dans une problématique délégataire. Or c’est précisément l’ensemble des systèmes délégataires, représentatifs qui est aujourd’hui en crise. Il faudrait réfléchir à des formes plus directes d’intervention comme le droit à l’initiative citoyenne.

Il est proposé d’admettre les syndicats dans ces comités : je suis d’accord s’il s’agit des syndicats d’agents de services publics. Les unions départementales des syndicats s’assimilant davantage à la représentation des usagers populaires.

Quand aux moyens financiers, ces organismes vont être confrontés à la question de l’expertise. Il faudrait trouver des formes de mutualisation avec d’autres structures.

Alain GUYADO (CFDT)

Les services publics sont pluriels et évolutifs ; les usagers aussi.

Il faut distinguer deux aspects :

1- le fonctionnement normal. Là, la place des usagers devrait aller croissante car il y a beaucoup à faire. Mais faut-il tout recommencer ou revitaliser l’existant ?

2- la définition des missions, du contenu du service public : la place de l’usager-citoyen est très insuffisante aujourd’hui. La place du citoyen-usager doit être fondamentale dans la redéfinition de missions nécessairement évolutives, qui engagent l’avenir et comportent des questions sous-jacentes comme celles liées à l’environnement.

Faut-il traiter ces deux questions dans la même structure ?

Nous partageons la philosophie d’ensemble du texte de l’AITEC. Mais pour autant, faut-il changer les structures actuelles ? Peut-il y exister une véritable concertation ? Dans une vision évolutive des services publics, les structures à mettre en place sont-elles les mêmes pour tous ? Ou adaptées à chacun ? L’important est d’établir une vraie concertation, afin que les choix importants soient débattus avant, et pas simplement renégociés après. La question de la régulation est seconde par rapport à celle des grandes orientations, dans l’importance des évolutions actuelles.

Olivier FRACHON (F.N.E.-CGT)

Cette question de la démocratisation des services publics est pour nous au cœur des enjeux actuels. Car ils sont confrontés à des besoins sociaux nouveaux auxquels ils ne répondent pas. Cette question ne doit pas être laissée aux seuls responsables des services publics et à leurs salariés : l’ensemble de la population (usagers, citoyens, salariés) doit pouvoir peser.

Il faut lever certains malentendus : nous ne refusons pas la co-gestion, l’intervention dans la gestion. Il est vrai qu’il existe une certaine méfiance dans les C.A. des entreprises publiques entre les représentants des consommateurs et ceux des salariés. Les seconds ne comprennent pas bien les premiers, les soupçonnent de ne pas comprendre leurs spécificités. Et pour les premiers, les seconds défendent des intérêts corporatistes. Aujourd’hui, les syndicats sont entrain de dépasser cette contradiction.

La démocratisation des services publics en constitue la première modernisation, et même le moteur. Les usagers-citoyens comme les élus doivent avoir une véritable place dans leur fonctionnement, comme les salariés. Car ces derniers, au cœur du processus de production et de gestion, peuvent éclairer certains enjeux.
La proposition de l’AITEC est intéressante et mérite d’être débattue. Elle recoupe nos débats actuels. Mais elle ne tient pas compte de l’existence actuelle de représentants des usagers et des salariés dans les C.A., qui selon nous doit être renforcée.

Quant au niveau départemental, il nous paraît adéquat à la distribution des services publics. Mais il faut le conjuguer avec des questions d’ordres régional et national, même si des contradictions d’intérêts apparaissent. La démocratisation passe aussi par la rénovation du rôle du Parlement en la matière.

Anne QUERRIEN

Le champ de cette représentation devrait couvrir tout service public, même s’il est différemment couvert selon les départements. Le système doit permettre le débat posé par un noyau de consommateurs avec réseautage entre départements.
Le rôle d’un lieu usager n’est pas la contre-expertise, (c’est de la rigolade). Les gens sont porteurs d’une capacité d’expertise. Leur savoir doit avoir une légitimité dans la saisine de cette instance. La parole des consommateurs-citoyens doit être reconnue comme telle, sans avoir à se cacher derrière l’expertise.
Quand les ordres du jour sont décidés par les pouvoirs, les attentes des usagers sont systématiquement filtrées : ils doivent être liée à la saisine des usagers.

Claude QUIN

Trois points :

1- Le document de l’AITEC est trop juridique. Il faudrait d’abord dresser un bilan de la concertation dans tous les services publics : de ses insuffisances mais aussi de son apport.
Il a parfois existé une discussion avec une partie de la population et quelques élus. Il a fallu pour cela que se crée une confiance, des modalités locales, mettre de l’argent. L’expertise est un piège qui coûte cher à tout le monde si l’on n’est pas attentif. Il faut qu’une autorité cadre la concertation en affichant les questions soumises à la concertation ainsi que le type de réponses attendues.

2- Il faut d’emblée soumettre cette proposition au plan européen, qu’elle ne reste pas franco-française.

3- Il ne faut pas dissocier le ponctuel des questions d’ordre général. Le plus important aujourd’hui pour les usagers, c’est de connaître la stratégie des services publics : à quels besoins ils entendent répondre et comment. Sinon, l’intervention des usagers serait dissociée du panorama et déclinerait. Or les entreprises publiques ont du mal à expliciter leur véritable stratégie. Il s’agit là d’une bonne lutte commune usagers-syndicats qui sera le cadre général donnant sens aux projets ponctuels.