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Quelques réflexions concernant le débat "marché et démocratie" - Michel Capron

Publié par , le 13 mars 2007.





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On n’insiste peut-être pas suffisamment, dans les textes préparatoires au débat, sur le fait que l’emploi du terme « marché » est devenu une métaphore commode pour désigner la rencontre entre l’offre et la demande de produits, de services, de monnaie, de force de travail... Il existe probablement très peu de lieux ou d’instances publiques, à travers le monde actuellement, où s’établissent des prix à partir de la réunion spontanée, libre et égalitaire entre des acheteurs individualisés et des vendeurs individualisés. On n’est jamais, en tout cas, en présence d’une situation où une offre atomisée fait face à une demande atomisée. Ceci est pourtant l’hypothèse de base de l’existence de marché pour nombre de théories économiques, et justifie l’idée que le « marché » serait la condition de fonctionnement d’une société démocratique.

Si l’on considère que ce qu’on appelle marché ne peut prétendre à être la garantie de la démocratie, on ne peut pas non plus se le représenter comme une jungle. Le marché est aujourd’hui « convention » (définition n° 1 du Petit Robert), ce qui implique que les échanges se nouent selon des formes multiples, au travers d’organisations qui entretiennent des jeux de relations complexes et déterminent un processus qui aboutit à la formation de prix. Ces organisations ne sont pas uniquement des institutions, et elles sont loin d’être uniquement le fait de la volonté de l’Etat.

L’Etat-Nation, lui-même, voit d’ailleurs ses fonctions traditionnelles de régulation se rétrécir au profit d’instances de plus en plus démultipliées à différents niveaux, ce qui ôte beaucoup d’intérêt et de pertinence au classique débat Etat/marché.

Ce qui oblige à engager cette discussion sur « marché et démocratie » et ce qui en constitue l’enjeu politique majeur, c’est le fait que les libéraux ont réussi à faire admettre l’idée que le « marché », tout au moins lorsqu’il fonctionne sans entraves (c’est-à-dire en l’absence de réglementations), constituerait le fondement économique de la démocratie politique (sur le « marché des idées », le produit s’est particulièrement bien vendu en Europe de l’Est). Les plus ultras parmi eux vont encore plus loin en tentant de réconcilier analyse économique et analyse politique, avec la théorie du « public choice » : les décisions politiques seraient en fin de compte le résultat d’un processus de fonctionnement de type « marché », où les citoyens exerceraient leurs préférences individuelles en fonction d’une supposée recherche de maximisation d’utilité et de leurs propres critères de rationalité.

Notre débat devrait éviter deux écueils :
 se tromper de cible en se focalisant sur une notion abstraite, imaginaire et, somme toute, idéologique, du mythique « marché » des libéraux ;
 ne percevoir la régulation qu’au travers du rôle de l’Etat, alors que les formes d’organisation sont multiples depuis la hiérarchie de l’entreprise jusqu’aux « rounds » commerciaux (type GATT), en passant par les réseaux, les ententes, les accords et contrats en tous genres, qui, eux, peuvent aussi faire l’objet de contrôle démocratique.
On attend beaucoup, en particulier, de ce que peuvent apporter les réflexions de l’école de l’économie des conventions » et du mouvement anti-utilitariste sur l’économie du don.

Michel CAPRON