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Friedrich Hayek : Libéralisme, Etat et Secteur public - Gilles Dostaler

Publié par , le 14 mars 2007.





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Après avoir rappelé que le mot libéralisme n’est pas employé de la même manière des deux côtés de l’Atlantique, Gilles Dostaler expose les faits marquants de la vie de Friedrich Hayek avant d’en arriver à l’énoncé de ses thèses :

1) Aux sources du libéralisme de Hayek : les limites de la connaissance

Selon la conception kantienne adoptée par Hayek, l’ordre que nous trouvons dans le monde est donné par l’activité créatrice de notre esprit. La sensation est un mécanisme de décodage qui transmet de manière très abstraite l’information à propos de l’environnement externe. De ce fait, on ne peut tout expliquer complètement : il s’agit d’une position de rationalisme évolutif. Les connaissances de chacun sont nécessairement très limitées et aucun cerveau ne peut embrasser la totalité des connaissances à un moment donné.

2) Ordre spontané et marché

Un ordre spontané est le résultat de l’action humaine, sans être pour autant le fruit d’un dessein conscient, sans avoir été voulu et construit rationnellement. Telles sont les grandes institutions sociales : le langage, la morale, le droit, la monnaie, le marché. Aucun esprit humain n’a consciemment planifié ces institutions, qui sont le résultat d’une longue évolution historique. Cette évolution se fait selon un mécanisme de sélection, d’essais et d’erreurs, de disparition des structures inefficaces. Le marché est une institution fondamentale, non seulement de la société moderne, mais de la civilisation. C’est un ordre spontané, résultat non planifié de l’action humaine, fruit d’une évolution plusieurs fois millénaire.

3) La planification comme impossibilité logique

Le caractère parcellaire, dispersé, fragmenté et subjectif de la connaissance rend le socialisme impossible. Ou plus précisément , c’est ce qui rend impossible la planification économique. Il est en effet impossible à un seul esprit, si puissant soit-il, de dominer l’ensemble des informations que le marché seul peut coordonner spontanément. Dès lors les dirigeants d’une économie planifiée devront prendre des décisions arbitraires pour déterminer ce qui doit être produit et consommé, comment les marchandises doivent être réparties, comment le travail doit être organisé. Le résultat est nécessairement moins efficace que ce que le marché produit. Et surtout il signifie absence de liberté et coercition.
Toute tentative de modifier l’ordre spontané, en particulier le marché, par une redistribution des revenus, une réorganisation de la production, des manipulations monétaires et toute autre mesure d’intervention gouvernementale dans l’économie, ne peut mener qu’à des distorsions, à l’inefficacité, et surtout, à la gestion au profit des groupes les plus forts et les mieux organisés, au premier rang desquels les syndicats.

4) L’État et son encadrement

La liberté est le point de départ de la réflexion politique de Hayek. Elle est définie comme l’absence de coercition., mais la coercition est une menace perpétuelle, et il semble impossible de l’abolir complètement. De là vient la nécessité de l’État, qui est une institution centrale du système hayékien ; celui-ci doit disposer du monopole de la coercition. Mais l’État a tendance à outrepasser son territoire, à exercer son monopole en d’autres lieux. Il importe qu’il soit lui-même contrôlé, contraint et limité. Il doit l’être par la règle de droit. Seul un cadre juridique dominé par la règle de droit peut garantir la liberté, l’absence de coercition, le fonctionnement naturel de l’ordre spontané. Le droit, tel que conçu par Hayek, est d’ailleurs lui-même un ordre spontané, fruit d’une longue évolution. Les lois ne sont pas élaborées rationnellement par les individus. Hayek ne propose donc pas pour autant le démantèlement de l’État, auquel il accorde au contraire un rôle important : il est seul en mesure d’assurer le cadre juridique nécessaire pour assurer le libre jeu des forces du marché.

5) État et économie : sécurité sociale et services publics
Le système de sécurité sociale a outrepassé sa fonction légitime de protection des faibles et des démunis pour devenir un moyen détourné de redistribution des revenus. Il en est de même pour l’impôt sur le revenu dont Hayek propose qu’on abolisse la progressivité, qui constitue une autre violation de la règle de droit. Il propose également la suppression du monopole de représentation des syndicats, qui est une violation flagrante de la règle de droit.

Hayek n’en propose pas pour autant de laisser les gens mourir de faim sur la rue. Il reconnaît à l’État un rôle et une responsabilité à l’égard des plus démunis, des victimes du sort qui n’ont pas les moyens d’être secourus autrement : malades et handicapés, personnes âgées, veuves et orphelins. Il propose l’instauration d’un niveau minimum de revenu au-dessus duquel personne ne devrait tomber. Mais il considère que l’on a confondu cette protection légitime que doit assurer la société avec un système de répartition des revenus visant à garantir aux différents groupes le niveau de revenu auquel ils sont parvenus.

Hayek reconnaît que l’État a un rôle à jouer pour assurer divers services ; ceux qui profitent à tous et qu’on ne peut fournir sans que tous contribuent à leurs coûts. Ces services sont les suivants : la protection contre la violence, les épidémies et catastrophes naturelles, telles qu’inondations, tremblements de terre, incendies, tempêtes, verglas, la plupart des routes ainsi que les problèmes de pollution… Néanmoins si ces services ne peuvent être financés que par l’impôt, il ne s’en suit pas qu’ils doivent être gérés par le gouvernement. Dans la gestion de ces activités il n’y a aucune raison pour laquelle le gouvernement ne devrait pas lui-même être soumis aux règles de la concurrence.

Hayek envisage, en convergence avec les idées de Keynes, une place pour un secteur intermédiaire indépendant : des corporations semi-autonomes.
Pour lui le problème majeur de notre époque reste l’absence de contrôle sur le monopole gouvernemental ce qui amène ce dernier à élargir constamment son assiette.

THEMES DEBATTUS

1) Sur l’ordre spontané

Est-ce que tout ordre spontané est toujours bon ? est-ce que le clientélisme, l’esclavagisme, le féodalisme ou le paternalisme doivent être considérés comme des ordres spontanés ?
Est-on sûr que le marché soit un ordre spontané ? Le marché ne peut exister sans institutions, sans intervention consciente des hommes.
De même peut-on considérer les règles de droit comme un ordre spontané ou comme les produits de l’intervention consciente des hommes ?

2) Sur l’État

L’inquiétude de Hayek vis-à-vis des monopoles publics s’étend t-il aux monopoles privés ?

3) Sur le rapport entre démocratie et marché

Chez de nombreux libéraux, le libéralisme politique et le libéralisme économique vont de pair ; le développement d’une économie de marché est la garantie du développement de la démocratie, laquelle est la garantie du développement de l’économie de marché. Qu’en est-il de Hayek puisqu’il se méfie de la démocratie ?

4) Sur la liberté

Tout le monde souhaite plus de libertés, mais n’y a-t-il pas danger à opposer liberté individuelle à liberté collective et surtout à penser que la liberté individuelle est supérieure à la liberté collective ?

5) Sur les alliances

Certains courants développent des thèses comme quoi le marché serait une institution différente du capitalisme et que dès lors on pourrait être pour le marché pour combattre l’étatisme, qu’en penser ?

6) Sur l’organisation communautaire

Au Québec, les organismes communautaires sont quasiment en concurrence les uns vis-à-vis des autres pour obtenir des subventions et gérer les services publics. Le politique et les groupes communautaires qui gèrent la solidarité, sont totalement séparés. Il faut creuser la question de l’organisation de la solidarité à l’intérieur de nos sociétés.

par Gilles Dostaler, Université Paris VIII