Management et concertation avec l’usager-citoyen des services publics : le cas d’EDF - Philippe Brachet - Paul Émaer
Il convient tout d’abord de définir certains termes. En effet, les attitudes des organismes de service public à l’égard de leurs usagers varient entre un pôle de souveraineté et un pôle de participation, avec des états intermédiaires :
la souveraineté : c’est le pôle absolutiste de la décision publique,
l’information est diffusée à partir du sommet,
la consultation : le service public reste maître de son écoute,
la concertation, elle tient compte des points de vue exprimés, elle rompt donc avec l’attitude unilatérale de pure souveraineté qui caractérise encore la consultation,
le partenariat suppose une institutionnalisation de la pratique de concertation et un consensus sur le domaine des décisions partagées. Bien qu’il existe différents types de partenariats, c’est celui avec l’association d’usagers qui devrait être privilégier par les pouvoirs publics puisque l’usager-citoyen est la légitimité du service public,
le management est la gestion de la complexité : objectifs et moyens ne sont plus appréhendés en général mais repérés dans des différentes dimensions ayant chacunes leur logique propre. Le management arbitre entre elles et reconnaît l’autonomie stratégique d’une pluralité d’acteurs en organisant la prise de décision selon le principe de subsidiarité.
Les différentes étapes de la concertation à EDF :
Elle a été créée en 1975 afin qu’EDF retrouve auprès de ses usagers-citoyens une légitimité écornée par la contestation nucléaire.
au niveau national les contacts réguliers existent depuis cette date entre EDF et diverses organisations de consommateurs. Neuf organisations ont souhaité en 1981 les concrétiser par un accord. Elles ont été rejointes par cinq autres fin 1982. Ce premier protocole prévoyait à la fois leur information sur des sujets d’intérêt général, leur consultation sur des points concernant plus particulièrement les relations d’EDF avec ses clients, et un examen annuel des réclamations de portée générale. Cette concertation est considérée comme de bonne qualité et citée en exemple par la plupart des organisations de consommateurs et d’usagers. EDF a été le premier service public à organiser des rencontres avec les organisations de consommateurs avant de mettre un produit sur le marché.
au niveau local un second protocole a été signé par en 1983 par quinze organisations de consommateurs et d’usagers. La concertation locale est de la responsabilité de chaque chef de Centre en coordination avec la concertation nationale. Deux éléments ont freiné le développement de cette concertation : une gestion de l’entreprise très hiérarchisée et une priorité donnée à la concertation avec les élus qui pour beaucoup d’entre eux se considèrent comme les représentants des consommateurs-usagers.
Un troisième protocole a été signé en 1997 pour le développement de la concertation locale et la mise en place d’un monsieur consommateur dans chaque département. Pour régler les litiges, EDF voudrait mettre en place des commissions paritaires mais la CSF y est opposée car elle estime que ce n’est pas son rôle de régler les problèmes de l’entreprise.
Malgré la qualité de la concertation à EDF, elle ne revêt pas une importance stratégique. Les grandes décisions sont prises ailleurs, la concertation relevant d’une communication bien comprise et n’étant pas vraiment distincte de la démarche commerciale.
Elle est de plus menacée dans son autonomie par le fait que syndicats et élus revendiquent eux aussi la défense des consommateurs, et dans son existence-même par la raréfaction des militants associatifs et la réduction des subventions.
Les conditions pour qu’une réelle concertation s’inscrive dans un partenariat de service public sont :
un management stratégique impulsé par la direction sur une longue période,
une autonomie des niveaux locaux et une responsabilisation des équipes locales,
une circulation de l’information pertinente,
que les décisions tiennent compte de la concertation,
une articulation des niveaux locaux et nationaux,
une évaluation démocratique donc pluraliste.
par Philippe Brachet (AITEC), Paul Émaer (CSCV)