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Débat sur la situation internationale - CA ATTAC - Gus Massiah - février 2007

Publié par , le 19 février 2007.





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LA SITUATION INTERNATIONALE

Deux grandes questions déterminent l’évolution de la situation à l’échelle mondiale et marquent les différents niveaux de la transformation sociale (mondiale, par grande région, nationale et locale). Je partirai de l’hypothèse que nous sommes confrontés à une double crise, la crise de l’hégémonie des Etats-Unis et la crise du néolibéralisme. Il faut y rajouter la crise écologique mondiale qui est devenue patente (faute de temps, je ne traiterai pas cet aspect dans cette introduction).

La crise de l’hégémonie états-unienne s’approfondit rapidement. Il y a trois ans, Immanuel Wallerstein dans un article qui avait marqué avançait que les Etats-Unis, même s’ils restaient dominants, avaient perdu l’hégémonie idéologique, l’hégémonie économique, l’hégémonie politique. Il leur restait l’hégémonie militaire qu’ils comptaient bien utiliser. L’évolution de la guerre en Irak, en fragilisant l’hégémonie militaire, renforce cette tendance. Il faut insister sur la différence entre hégémonie et domination et sur la réussite de certaines offensives ; par exemple, la capacité d’imposer, dans le débat mondial, la prétendue guerre des civilisations qui sert de fondement idéologique à la domination militaire et aux politiques sécuritaires qui alimentent le racisme sous toutes ses formes.

Les Etats-Unis restent la superpuissance dominante mais doivent faire face à une remise en cause grandissante. Cette situation a des conséquences importantes sur le système international. La crise de l’hégémonie empêche la consolidation du cadre institutionnel du néolibéralisme, remet en cause le multilatéralisme et affaiblit les institutions internationales. La Banque Mondiale est confrontée à une perte de crédibilité que la nomination de Wolfowicz à sa tête a accentué. Le FMI, affaiblit par les remboursements anticipés, se trouve au bord de la faillite et en perte de vitesse. L’OMC, si elle continue de représenter une référence et une cohérence, est affaiblie par les accords bilatéraux. Le G8 tient lieu d’espace de règlements des contradictions entre des puissances dominantes qui sont toujours craintes mais qui suscitent plus de méfiance que d’adhésion. Les Nations Unies sont toujours contestées mais ne sont pas liquidées. L’OTAN est de plus en plus décriée. Davos commence à rejoindre la Trilatérale dans un passé brumeux. Le droit international est le siège d’un affrontement essentiel entre le droit des affaires et la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

L’hypothèse de la crise du néolibéralisme mérite discussion. La phase néolibérale de la mondialisation est en crise, et il y a des possibilités pour qu’une nouvelle phase puisse s’ouvrir ; cette nouvelle phase n’est pas prédéterminée. Le néolibéralisme est une phase de la mondialisation capitaliste, elle n’en est pas l’achèvement et il n’y a pas de scénario stable néo-libéral de long terme. La phase néo-libérale serait donc une transition qui a commencé à la fin des années 1970. Elle correspond à une liaison intime entre une option économique et sociale, la régulation par le marché mondial des capitaux, et une option politique conservatrice. Madame Thatcher a autant préconisé des politiques néo-libérales pour casser les syndicats britanniques que voulu casser les syndicats pour imposer le modèle néo-libéral. De 1980 à aujourd’hui, nous assistons au renforcement du modèle néo-conservateur. De 1980 à 1989, c’est la période de l’expérimentation et de la montée en puissance, à partir de 1989, nous sommes dans la revanche sociale. Au milieu des années 90, commence à se consolider et s’organiser un mouvement anti-systémique, le mouvement altermondialiste. En 2001, les attentats de New York accélèrent le virage néo-conservateur.

La crise du néolibéralisme, du point de vue idéologique, est fortement liée à la montée en puissance de l’altermondialisme qui a aiguisé les contradictions internes au système. Plusieurs scénarios sont possibles à moyen terme : un néolibéralisme conforté, une dominante néoconservatrice, un renouvellement néokeynésienne. Une issue altermondialiste est très peu probable à moyen terme, les conditions politiques étant loin d’être remplies ; mais le renforcement du mouvement altermondialiste pèsera sur les issues possibles.

L’évolution des grandes régions se différencie, d’autant que les réponses de chaque région à la crise de l’hégémonie américaine sont différentes. Cette configuration définit les lignes de force d’une carte géopolitique multipolaire. Nous ne sommes plus dans la période de la décolonisation et de la convergence anti-impérialiste. En Asie du Sud, notamment en Chine et en Inde, c’est par la compétition économique que se fait la réponse à la crise de l’hégémonie américaine. Il ne s’agit pas d’une réponse anticapitaliste ou même anti-libérale, mais elle est anti-hégémonique. Au Moyen Orient, la réponse passe par la remise en cause des options militaires dans l’accès aux ressources énergétiques et par les guerres à travers toutes leurs variantes. La troisième réponse est celle de l’Amérique latine ; elle correspond à une révolution « civique » qui est une phase de démocratisation et de construction de régimes qui rejettent l’hégémonie américaine. L’Afrique est encore paralysée par les guerres, les conflits, les régimes imposés et les influences concurrentes ; le mouvement social africain commence à se dégager et à s’affirmer. L’Europe et le Japon sont englués dans leur alliance stratégique avec les Etats-Unis qui se répercute dans les contradictions internes des situations nationales.

La crise de l’hégémonie états-unienne libère, dans chaque grande région, la concurrence entre les puissances régionales qui entendent construire leur zone d’influence. Ainsi du conflit entre l’Inde et le Pakistan pour l’Asie, des affrontements entre Israël, l’Iran, la Turquie et l’Arabie Saoudite au moyen Orient. La nouvelle course au nucléaire militaire en découle directement ; comme la précédente avait marqué l’équilibre de l’après-guerre et l’accès aux sièges permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Le refus d’envisager un désarmement nucléaire généralisé rend peu crédible la capacité des puissances nucléaires à en empêcher l’accès par le droit international.

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