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Les associations de locataires à Londres - Royaume-Uni - Fabien Vaujany

Publié par , le 2 mai 2007.

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Il existe trois sortes de locataires (tenants) en Angleterre, en fonction du type de propriétaire : logement social « municipal » ou « public » (Council housing), logement social semi privé (RSL housing), logement privé (private ou market housing). Le degré d’organisation est très variable : les premiers sont de très loin les plus organisés, les seconds le sont parfois, souvent de manière isolée, les derniers sont peu organisés.

Council housing

Associations de Locataires

Les locataires sont organisés en association (Tenants Association ou Tenants and Residents Associations) à l’échelle d’un estate. Localement, ces associations regroupent en général locataires (tenants) et « propriétaires » de leurs logements (leaseholders), les premiers étant majoritaires. Il en existe environ 1750 dans le Grand Londres. Outre les activités socioculturelles que certaines associations organisent parfois, dans le but de générer une vie de quartier, elles ont pour principal objectif de représenter une force de négociations et de pression sur l’autorité locale, propriétaire des logements, afin de défendre les intérêts des locataires. Leur activité touche donc essentiellement aux questions d’entretien des bâtiments et espaces publics, aux travaux de rénovation et d’amélioration, aux actions sociales de la municipalité en faveur des résidents, à la résolution de problèmes spécifiques (incivilité, drogue, racket, prostitution ou même défénestration en série). Par ailleurs, les associations de locataires sont également censés fournir aux résidents une information complète sur les projets visant l’estate ou le Council housing en général, en particulier lors de propositions de transfert du parc vers un RSL. Plus ponctuellement, ces associations se mobilisent sur des projets urbains affectant la zone. Enfin, ces associations sont pour la Mairie un interlocuteur évident lors des processus de consultation, ce qui ne vas pas sans poser certains problèmes, dans la mesure où celle-ci se contente parfois de rencontres avec les représentants de l’association de locataires pour déclarer une consultation réussie, sans se soucier de la représentativité de cette association.

Les locataires d’un estate réunis en association de locataires, afin de pouvoir être se positionner comme interlocuteur, doivent être reconnus par l’autorité locale et donc sont enregistrés auprès de la structure compétente. Il peut s’agir de l’autorité locale elle-même, au travers d’un de ses services, d’un organe satellite de la mairie ou d’une association indépendante, comme la Fédérations des Associations de Locataires à Camden, qui sera chargé d’apporter un soutien à la création de l’association. Il n’y a pas de procédure standardisée dans tout Londres, mais cela passe en général par le dépôt de statuts et éventuellement de règlements, la tenue d’une Assemblée Générale et l’élection de certains postes clés (secrétaire et trésorier en particulier)

Fédérations locales

Les associations de locataires disposent en général d’une organisation les réunissant et représentant à l’échelle « communale », celle du borough. Cependant, la situation varie d’un borough à l’autre et il est difficile d’établir une règle générale.

Deux tiers environ des 33 boroughs londoniens ont un organisme indépendant de la Mairie, en général une fédération, mais qui peut prendre différentes formes. La taille, le rôle et les services de ces structures sont extrêmement variables. Certaines, financées par subvention publique, disposent de locaux, de salariés, d’un conseil d’administration composé de locataires élus dans les associations, proposent conseil, appui, formations, informations. D’autres ne sont que des locataires se réunissant dans une salle prêtée de temps en temps. Entre ces deux cas de figures, toutes les situations sont possibles et leurs palettes d’activités dépend de leurs ressources et leur taille. Les plus puissantes fédérations aujourd’hui sont Camden (105 associations de locataires affiliées), Southwark (200 associations) ou Islington (175 associations).

Pour le tiers restant, il existe en général un organe, au sein de la Mairie, ou juste à coté, de représentation des locataires. A Lambeth par exemple, la municipalité a mis en place un panel regroupant locataires, fonctionnaires et conseillers municipaux. La City est à part pour bien des choses, y compris les associations de locataires, et la LTF ne dispose d’aucune information ou contacts là bas. Enfin, trois boroughs périphériques, Bexley, Bromsley et Richmond, ont transféré la totalité de leur parc de logements sociaux à des Housing Associations et il n’y a donc là aucun Council housing.

Fédération régionale : la LTF

La London Tenants Federation (LTF) est une fédérations de fédérations formellement crée en 2002 dans la continuité d’une organisation existante le milieu des années 1980. Ce groupe informel, le London Tenants Federations Forum, fut très actif et puissant à certaines périodes. S’y réunissaient des représentants des différentes Fédérations afin d’échanger et discuter les problématiques les concernant. Ce Forum, qui répondait à un désir des fédérations de locataires de disposer d’une organisation les regroupant, était sans statut, sans structure établie, sans représentativité officielle et surtout sans ressources. Il recevait cependant un soutien actif de London Housing Unit, sorte de think tank des municipalités londoniennes sur le thème de logement, avec laquelle les échanges étaient importants. Le Forum n’a jamais cessé d’exister mais son activité s’est ralentie à la fin des années 1990, essentiellement à cause du déclin, voire la disparition, de certaines Fédérations. Deux d’entre elles en particulier, parmi les plus importantes et actives, Southwark et Lewisham, perdirent leurs financements à un moment où les autorités poussaient l’adoption d’ALMO, et cessèrent de participer. L’intégration de la London Housing Unit à une structure plus large et plus politique, l’ALG, et l’absence de financements propres limitant l’action et l’évolution du Forum contribuèrent aussi à ce ralentissement de la dynamique.

Cependant, avec l’émergence de nouvelles problématiques, en particulier la réforme du système de calcul des loyers, le rôle stratégique croissant de l’échelle régionale et le déplacement en cours d’un certain nombre de compétences liées au logement vers la GLA, le besoin d’une organisation régionale pour les locataires se faisait toujours sentir et, à l’initiative de la Fédération de Camden qui en fit la demande, l’ALG accorda en 2002 une subvention, depuis longtemps dans l’air, afin d’employer en particulier un mi-temps, ce qui fait que la LTF existe.

La LTF regroupe aujourd’hui les organismes communaux représentant les locataires, à la condition que ceux-ci soient démocratiques et réellement représentatifs. Quel que soit leur statut, ces organismes sont membres de droit de la LTF et désignent des représentants pour assister aux réunions de la LTF, qui ont lieu régulièrement, environ toutes les six semaines. Ces représentants de chaque borough sont responsables vis-à-vis des locataires qu’ils représentent et assurent la liaison entre ceux-ci et la LTF. La politique générale de la LTF, sa stratégie et ses actions sont discutées et définies lors de ces réunions. Un comité restreint, élu parmi les représentants, se réunit entre les séances générales pour régler les affaires urgentes et appliquer les décisions. La LTF n’a ni président, ni secrétaire, etc.

La LTF est donc financée par une subvention de l’ALG, qui sert essentiellement à payer une salariée à mi-temps. Néanmoins, cet argent transite par la Fédération de Camden qui héberge la LTF dans ses locaux. Techniquement, la permanente est donc une employée de la Fédération de Camden. La LTF est indépendante des autorités publiques et tient beaucoup à son caractère apolitique. Elle se fixe pour objectifs principaux de faire entendre le point de vue et les intérêts des Council tenants, ce qui passe par différents moyens :

 éditer une newsletter, diffuser ses opinions dans la presse, répondre aux consultations
 permettre l’échange d’informations et d’expériences entre ses membres
 mener ou participer à diverses campagnes sur certains sujets jugés essentiels
 représenter les locataires dans un certain nombre d’organismes régionaux impliqués dans le logement
 établir des liens avec tous types d’organisation concernés par le logement

Dans les faits, les liens entre la LTF et les organisations dans chaque borough ne sont pas systématiques. La LTF, au travers de sa salariée, entretient des rapports réguliers (contacts téléphoniques, échanges d’informations, discussions, présence des représentants aux réunions de la LTF, présence de locataires aux conférences) avec une moitié des ces structures et des contacts plus épisodiques avec deux tiers d’entre elles. Les raisons expliquant l’absence d’implication du tiers restant vont de l’éloignement au centre ville au manque de temps des bénévoles ou salariés des deux cotés en passant par la faiblesse des structures locales ou le désintérêt pour les activités de la LTF. La présence aux réunions des représentants reste aléatoire, mais certains sont assidus. Néanmoins, l’essentiel du travail est réalisé par l’employée à mi-temps et les membres du comité restreint, qui sont les plus impliquées. La capacité de la LTF repose beaucoup sur leur investissement. Cela, ainsi que la volonté de ne pas se substituer aux structures locales, limite son action.

Outre la LTF, qui existe donc depuis un peu plus de trois ans, il y a sept autres organisations régionales regroupant des associations de locataires. Toutes, à l’image de la LTF, sont récentes et souvent encore en phase de consolidation. Pour cette raison, la LTF n’a pour le moment pas développé de contacts avec elles.

Defend Council Housing

L’alternative existante, en ce qui concerne la défense des intérêts des locataires, est représentée par DCH (Defend Council Housing). DCH est une association crée en 1998 dans le but spécifique de lutter pour la sauvegarde du Council Housing. Présente de manière diffuse sur tout le territoire, elle regroupe locataires, syndicalistes et militants. A l’origine, DCH était un mouvement plus militant, plus dans la lutte, s’autodéfinissant comme a campaigning organisation. Il a évolué et aujourd’hui se positionne moins en opposition avec les structures officielles et préfère travailler avec elles. Sa stratégie semble s’éloigner des luttes de terrain proprement dites pour s’orienter vers un lobbying politique. Il suscite aujourd’hui des réticences parmi les associations de locataires et ne parvient pas à obtenir un soutien réel du mouvement des locataires. Outre le glissement stratégique, ce qui vaut à DCH de ne pas être une organisation reposant sur les associations de locataires est la part importante accordée aux syndicalistes (en particulier ceux du principal syndicat britannique, Unison) et la proximité au SWP (Socialist Worker Party), le parti trotskiste britannique.

RSL housing

L’organisation des locataires des Housing Associations peut se faire sur une base géographique (l’association des locataires de telle ou telle zone) ou en fonction du propriétaire, qui n’est pas nécessairement présent dans un seul borough. A Londres, peu des RSL tenants sont organisés en fait. Un borough seulement (Hammersmith, dans l’ouest de la ville) dispose d’une structure représentant les locataires à l’échelle communale, et il existe une association des locataires de Guinness Trust, une Housing Association. Mais très peu est fait par les propriétaires pour favoriser la création et le fonctionnement d’associations de locataires, au contraire de ce qui existe dans le Council housing. D’autre part, le fonctionnement des Housing Associations prévoit que leurs Conseils d’Administration, ou l’organe de décision, quel qu’il soit, comporte une part de locataires. Cependant, dans la pratique, cette représentation est limitée et très largement instrumentalisée. Il n’y, à Londres, qu’un seul exemple de Housing Association dont le président du CA est un locataire.

La volonté de favoriser l’émergence d’une structure de représentation régionale à Londres pour ces locataires existe réellement et des réunions, afin d’établir les premières étapes de ce processus, sont en cours sous l’égide du Housing Forum for London dont fait partie la LTF. L’idée des autorités locales étaient d’abord « d’étendre » la LTF à tous les locataires sociaux, mais celle-ci s’y oppose et préfère s’impliquer activement pour arriver à l’établissement d’une structure semblable à elle avec qui elle travailleraient en collaboration. Mais dans tous les cas de figure, l’organisation des RSL tenants se heurte à des propriétaires officiellement très favorables à l’organisation de leurs locataires, mais très rétifs dans la pratique.

Private housing

Les locataires du secteur privé sont très faiblement organisés. A Londres, il n’existe que deux structures pour les représenter, à Camden et Brent. Cette faiblesse s’explique sans doute par la multiplicité importante des situations de ces locataires et par la taille même de ce secteur en Angleterre. Le secteur locatif privé est assez réduit. Traditionnellement, les anglais, s’ils ne louent pas dans le social, se tournent vers les différentes formes de propriété existantes. Néanmoins, le secteur prend aujourd’hui une importance de plus en plus grande avec une pratique qui se développe, l’achat de logements par des particuliers dans le but de louer.

A l’échelle nationale

Issu de la fusion à la fin des années 1980 des deux structures nationales existantes, TAROE (Tenants and Residents Organisation of England) réunit dans son giron tous les locataires sociaux, qu’ils soient Council tenants ou RSL tenants. L’organisation est reconnue par le gouvernement et est consulté sur un certain nombre de questions nationales liées au logement. Les associations de locataires choisissent ou non d’y adhérer, et aujourd’hui les avis sont très partagés sur TAROE. Aux yeux d’un grand nombre de militants, dont ceux de la LTF et ses membres, TAROE est une organisation faible et pilotée par le gouvernement. Il semble qu’à Londres en particulier la présence de TAROE soit très diffuse et sa représentativité faible. TAROE est une organisation implantée essentiellement dans le nord du pays et contrôlée par les Fédérations septentrionales.

L’un des principaux reproches adressés à TAROE est sa collaboration avec TPAS (Tenants Participation Advisory Service). TPAS est une association indépendante faisant du conseil pour locataires et propriétaires, dans le but de développer la participation des locataires et leur capacité à s’impliquer et mener des projets (empowerment). Mais dans les faits, elle est contrôlée par les propriétaires et n’a à peu près aucun crédit auprès des militants londoniens.

Appuyé par TPAS, TAROE cherche en ce moment à réunir un maximum de soutien des fédérations régionales ou locales afin de s’accorder sur la création d’une « Assemblée » nationale des locataires, sur la base de TAROE ou non. Néanmoins, la démarche, encore assez floue, ne rencontre pas beaucoup d’écho auprès de la LTF. Ce processus est toujours en route mais Londres est un peu à l’écart de cette dynamique.