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Déclaration de l’AITEC sur la dette et le développement du tiers monde

Publié par , le 5 mars 2007.





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 I- La situation économique et sociale du tiers monde se détériore de jour en jour. Les discours sur la coopération et les efforts réels entrepris dans certains domaines ne sauraient dissimuler la gravité de la crise et l’échec retentissant des palliatifs mis en oeuvre. Après une courte période d’expansion relative, la croissance est maintenant paralysée. Le niveau de vie par habitant diminue. Il est, pour certains pays, inférieur même à ce qu’il était en 1960. Dans un grand nombre d’Etats, le volume des transferts financiers en provenance de l’extérieur est inférieur à celui des remboursements et des intrêts que le pays doit payer à ses créanciers. Ce sont les pauvres qui aident les riches. La prolongation et l’aggravation de cet état de chose ne peut conduire qu’à une issue catastrophique pour les populations du tiers monde et pour l’équilibre mondial tout entier.

 II- L’endettement n’est pas le seul facteur de cette situation mais il en est aujourd’hui l’aspect le plus important. Il constitue l’entrave immédiate à toute reprise du développement. Selon les propres chiffres de la BIRD et du FMI, le poids de la dette écrase l’économie des pays pauvres non seulement par son volume (envron 900 milliards de dollars), mais aussi et surtout par ses conditon (65 % sont des crédit privés au taux du marché) et par sa durée (plus de la moitié sont des crédits à court terme). Dans certains pays, la charge annuelle de la dette représente la moitié des recettes d’exportation. Les obligations qui en découlent ne permettent aux pays débiteurs ni de financer les importations indispensables au maintien d’une activité économique normale ni de sauvegarder un niveau de vie minimal des populations. Des millions d’hommes sont frappés par la misère et menacés de famine.

 III- Les responsabilités de cette véritable catastrophe économique sont multiples. Responsabilité, d’abord, des pays industriels, de leurs banques et de leurs entreprises, qui ont lancé sur le tiers monde une véritable invasion financière pour trouver un emploi aux disponibilités excédentaires dont elles disposaient alors (le "recyclage" des pétrodollars) et, par la suite, pour retarder leur propre crise par une politique d’exportations à outrance, au mépris des risques commerciaux encourus et des besoins réels des pays pauvres, dont les avoirs privés à l’étranger atteignent dans l’ensemble près de la moitié du montant de la dette (et près des trois quarts dans certains Etats) grâce à leur collusion avec les intérêts économiques étrangers, qui a facilité cette invasion par des investissements souvent surdimensionnés et mal adaptés aux conditions de leurs pays.

 IV- Les mesures imposées par les gouvernemetnts créanciers et par les institutions internatioales qu’ils dominent n’apportent que des réponses à court terme et ne s’en prennent qu’aux effets de la crise sans vouloir toucher à ses causes. Les rééchelonnements de dettes sur quelques années seulement, les prêts consentis à des taux élevés, pour des volumes insuffisants, ne font que reporter à plus tard des échéances de plus en plus lourdes sans créer pour autant les conditions d’une reprise. Le refus ou l’incapacité des organisations internationales et des pays dominants à poser les problèmes du commerce international et du système monétaire rend dérisoire toute tentative d’ajustement structurel dans les économies dominées. Le FMI ne joue, dans ce contexte à court terme et à courte vue, que le rôle d’un administrateur judiciaire chargé de recouvrer les créances des banques du Nord. Ce faisant, un nombre croissant de pays subissent de plein fouet les politiques d’autorité qui aggravent de façon insupportable les conditions de vie d’une grande partie de la population sans que l’on voie de terme à ce processus d’"ajustement".

 V- L’opinion publique des pays créanciers comme des pays débiteurs doit être pleinement informée de cette situation. Elle doit comprendre que le problème principal, dans l’intérêt des pays du tiers monde comme des pays industrialisés, n’est pas de savoir quand et comment la dette sera remboursée mais de savoir comment les pays débiteurs pourront continuer à vivre et comment pourra se poursuivre un courant d’échanges avec eux. Sans entrer dans le détail technique des procédures financières, qui devra faire l’objet de discussions approfondies, un consensus peut s’établir autour de quelques principes fondamentaux :
a- Quelles que soient les mesures proposées (remise de dette, moratoire, rééchelonnement, refinancement, etc.) celles-ci doivent permettre de maintenir en tout état de cause un flux net positif de transferts financiers des pays riches vers les pays du tiers monde et un taux de croissance économique positif dans ces pays.
b- L’établissement d’une proportionnalité, définie dans un accord contractuel, entre le service de la dette et l’évolution des recettes extérieures pourrait constituer à cet égard un moyen efficace de régulation.
c- Les mesures prises ne devraient pas se limiter aux problèmes de la dette mais porter simultanément sur l’établissement et le financement de programmes de développement économique à long terme, sur la base des besoins réels et des priorités définies dans chaque pays, dans le respect de leurs options politiques et sociales.

 VI- De tels programmes nationaux à long terme, alliant les impératifs, aujourd’hui contradictoires, de l’ajustement et du développement - et donnant à ces derniers la priorité - sont-ils compatibles avec les rapports des forces sociales et des intérêts économiques dominants, aussi bien à l’intérieur de chaque pays qu’à l’échelle internationale ?
a) Sur le plan mondial, les structures actuelles du commerce international (caractérisé par un effrondement des termes de l’échange au détriment des pays du tiers monde) et le désordre du système monétaire (caractérisé par l’hégémonie du dollar) sont une entrave à toute politique cohérente de redressement économique. La réflexion sur la dette ne peut donc être dissociée d’une discussion générale sur les mécanismes internationaux du financement, des échanges et de la monnaie.
Il n’est donc pas possible de résoudre ces problèmes dans le cadre bilatéral, mais au contraire au niveau international. L’obstination des pays créanciers et du FMI à n’admettre qu’une discussion séparée avec chaque débiteur n’a pas d’autre but que de maintenir une relation d’hégémonie et d’éluder les problèmes fondamentaux de l’ordre économique mondial.
La diversité des situations, évoquée en faveur des négociations bilatérales, ne saurait être un obstacle à une approche globale des problèmes généraux. La similitude des programmes déflationnistes imposés aux pays débiteurs montre d’ailleurs bien que cet argument n’est qu’un alibi.
b) Au niveau de chaque pays, on ne peut ni subordonner les mesures à prendre à quelques transformation préalable de la société ni attendre une politique nouvelle de ceux-là même dont l’égoïsme et les intérêts à courte vue sont l’une des prindipales causes d’une situation pouvant conduire à une blocage général de l’économie. Tout progrès dans ce domaine, même partiel, suppose donc, aussi bien dans les pays débiteurs que dans les grandes puissances industrielles, une consciçence et une pression accrue de l’opinion publique pour obliger les classes dirigeantes à mieux suivre les aspirations et les besoins de collectivités nationales. En France, en particulier, cela supposerait que le gouvernement aligne sa pratique et les instructions données à ses services sur les principes et les orientations générales proclamées dans ses déclarations officiellles.

 VII- La constitution d’un "front des débiteurs" est préconisée par de nombreux pays. Les premières tentatives régionales (telles que le consensus de Cartagène en Amérique latine) en ont montré l’intérêt malgré leur caractère limité. Une extension à tous les pays du tiers monde permettrait à la fois de mieux prendre en compte la diversité des situations et de créer un rapport de force moins écrasant pour les pays pauvres. Cet objectif est conforme aux intérêts de ces pays mais aussi des peuples des pays créanciers eux-mêmes qui ne doivent pas laisser à leurs banquiers le sort des relations internationales dont dépendra demain la paix et la prospérité de tous. La mobilisation des organisations non gouvernementals des pays industrialisés sur le thème de la dette, l’organisation d’une large campagne d’information et de sensibilistion de l’opinion publique devraient permettre de concrétiser la solidarité effective et la convergence d’intérêts.
AITEC, janvier 1986