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FMI : l’occasion manquée

Publié par , le 11 juillet 2007.





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L’annonce de la démission de Rodrigo Rato de la direction générale du Fonds monétaire international le 28 juin dernier intervient alors que le FMI connaît une crise politique et financière dont l’issue était précisément un des enjeux de son mandat (voir Vers un FMI sous ajustement structurel ?, AITEC, 2007).

Le mode de désignation de son successeur pose dès lors des questions exactement identiques à celles soulevées par la succession de P. Wolfowitz à la tête de la Banque mondiale suite à sa démission en mai dernier. Le choix unilatéral de Robert Zoellick par les Etats-Unis n’avait ouvert aucune remise en cause officielle d’une gouvernance des Institutions de Bretton Woods pourtant très controversée par la société civile internationale et de plus en plus de pays émergents et en développement.
L’Europe n’avait pas souhaité revenir sur la répartition des fauteuils actuellement en vigueur, qui prévoit l’attribution automatique de la direction de la Banque aux USA et celle du FMI à l’Union européenne. Les pays émergents, à qui les récents aménagements opérés dans le système de prise de décision du Fonds ont reconnu un poids un peu plus grand, et dont l’importance économique, surtout, peut justifier la participation au débat, n’avaient pas non plus fait entendre leur voix.

Moins de deux semaines après le départ annoncé de R. Rato, l’affaire est déjà emportée du côté de l’UE. Elle a d’ores et déjà accordé son soutien à la candidature de Dominique Strauss Kahn, ancien ministre français de l’économie et des finances, à la direction du FMI. Les réserves émises par le nouveau gouvernement de G. Brown le 9 juillet n’avaient déjà plus cours le 10 juillet puisque les ministrès des finances de l’Union européenne ont désigné D. Strauss Kahn, ancien Ministre français de l’économie et des finances, candidat officiel de l’Union européenne.
Plusieurs représentants de pays émergents (Brésil, Egypte) ont publiquement critiqué cette « division du travail » entre les USA et l’UE, arguant même que la précipitation européenne à éviter toute controverse en s’accordant si vite sur la candidature de Strauss Kahn cherchait à éviter toute remise en cause de l’entente américano-européenne, voire même du Fonds lui-même.

La précipitation de l’Union européenne cette fois, et des USA en mai dernier, à désigner leurs poulains ne connaît pas, ceci étant, d’équivalent lorsqu’il s’agit d’engager un bilan critique de l’action des Institutions de Bretton Woods, et d’entamer la réflexion attendue sur leur réforme, aussi bien du point de vue de leur gouvernance interne que des stratégies et des politiques qu’elles conduisent depuis 50 ans pour assurer la stabilité financière internationale et concourir au développement des pays les plus pauvres.
Les remboursements anticipés de leurs créances par un certain nombre de pays asiatiques et latino-américains, puis la divulgation publique de trois rapports (dont l’un sur les politiques du FMI en Afrique) ont pourtant précipité la crise de légitimité du FMI, et l’ont incité à entamer son examen de conscience : une première réforme des quotas, très insuffisante, a été validée par les Assemblées de printemps 2006, une révision du rôle du FMI dans les pays en développement était annoncée et des propositions avaient même été avancées faisant du Fonds un espace multilatéral de concertation et de règlement des différends économiques et financiers entre membres.
Aucun changement d’envergure mais le sentiment tout de même que des inflexions et une auto-critique étaient possibles dans des institutions jugées « irreformables ».

Mais le choix probable de Strauss Kahn pour assurer la direction générale du Fonds assure finalement la continuité des méthodes opaques et unilatérales qui font désormais la célébrité des Institutions de Bretton Woods dans le monde entier.
L’Asie a d’ores et déjà annoncé la création de son propre fonds monétaire régional et la « Banque du Sud » portée par quelques gouvernements latino-américains est sur les fonts baptismaux. Il faut se féliciter du renforcement des coopérations régionales, signes qu’il y aurait une vie en dehors de (et après) la Banque mondiale, et gage d’une saine pluralité de modes de penser et de faire l’économie du développement.
Mais il faut aussi insister sur le besoin d’une régulation multilatérale des mécanismes financiers internationaux adossée à une institution plurielle dans ses modes de réflexion et d’action et démocratique dans ses modalités de prise de décision.
Si bien que, plus qu’un nouveau directeur executif, alors que la démission de R. Rato ne prendra effet que dans plusieurs mois, le FMI aurait surtout besoin d’un nouveau projet et d’une nouvelle stratégie pour le conduire.