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Vivre sur le trottoir suite à une expulsion - Italie - Karine Seney, Mélanie Playe

Publié par , le 17 octobre 2007.





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Déjà, depuis un mois, leur situation est très précaire.
Ils vivent à 50 dans une maison abandonnée, sans eau, ni électricité courante. Soucieux de leur avenir et de la réaction du voisinage, ils ont pris soin d’informer le quartier en apposant sur la grille d’entrée un panneau ainsi qu’une lettre expliquant leur position.

A quelques mètres du fameux marché romain, Via Sannio, une occupation spontanée de réfugiés politiques et demandeurs d’asile – récente-, a été vidée. L’expulsion forcée, organisée par la Commune de Rome, exécutée par les forces de l’ordre a été expéditive. Damis, un réfugié, vivant avec sa famille, raconte que les policiers étaient plus nombreux que les occupants. « Ils sont rentrés à 50, ont tout pris, et tout entassé dehors, dans la rue. Tout le monde a dû sortir rapidement sans protester, avec les enfants...Il était 7h du matin et on s’est retrouvé sur le trottoir... Dehors...Avec les enfants qui pleuraient... On a même un nourrisson ici, il a 20 jours... ». Damis nous a montré sa carte de réfugié et a ajouté : « Les réfugiés ne sont pas protégés en Italie, je n’ai le droit à rien, même pas à un toit. »

Le propriétaire de cet édifice, abandonné depuis six ans, a entrepris une procédure d’expulsion rapide, pour raison de travaux. La maison est aujourd’hui murée... Aujourd’hui, la situation est alarmante : Ils n’ont pas d’abri, rien qui sépare leur « espace privé » de la rue. Ils dorment dehors, les lits alignés sur le trottoir.

Les conditions sanitaires étant déplorables, la croix rouge intervient tous les jours. En l’espace de deux jours, deux enfants ont été emmenés aux urgences. Le voisinage a les yeux rivés sur eux et sur l’amas d’affaires personnelles qu’il leur reste. Les passants sont intrigués, surpris mais ne paraissent pas inquiets. Personne ne s’arrête. Alors qu’ils mangent, cuisinent, se lavent et dorment dans la rue, face à tout le monde, personne ne réagit.

Ils possèdent tous une carte de réfugié (accordée aux personnes reconnues comme telles selon la convention de Genève en 1951) ou un permis de séjour pour asile politique. Ils sont donc sous la protection de l’Etat, mais que fait-il pour eux ? Ils rêvent d’aller en Angleterre, où la situation des réfugiés paraît meilleure. Mais ils ne peuvent plus, étant fichés en Italie. Ils souhaitent quitter ce pays d’« accueil » qui les ignore. L’Italie n’annulera pas leur carte de réfugié et n’effacera pas leurs empreintes. La seule solution serait que « les personnes se réclament de nouveau de la protection des autorités de leur pays d’origine » ou bien que « les circonstances leur ayant permis d’obtenir le statut de réfugié « aient cessé d’exister ». »(Clauses de cessation (art. 1-C, 1 à 6))
Aucune association n’est présente sur les lieux. Quelques unes sont passées les voir -Caritas, MSF, Forum, et ACTion-, mais sont dans l’impossibilité d’agir, tant ces situations d’urgences sont nombreuses, et les listes d’attente pour obtenir des tentes et des couvertures, interminables. Chacun se renvoie la responsabilité. C’est la politique de la « patate chaude ». La seule solution proposée par la Commune est de reloger, les femmes et les enfants dans différents centres d’accueil, dispersés dans la ville. Mais comment peut-on accepter de séparer des familles alors que c’est tout ce qu’il leur reste. Ils n’ont plus de pays, plus de parents, plus de terre, plus rien. Ils ont déjà connu une séparation, comment peuvent-ils encore les déchirer ?

Des personnes sont venues apporter leur aide pour trouver des solutions de relogement, et peut-être, envisager une nouvelle occupation, si aucune autre mesure n’est trouvée d’ici là. La constitution d’un réseau efficace d’associations et de personnes compétentes serait l’une des premières dispositions à prendre. En effet, ces situations d’urgence sont trop – et de plus en plus- fréquentes.

Karine Seney, Mélanie Playe, 3 octobre 2005