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25 Avril 1974 - Révolution des oeillets - Portugal - Amaël Raphaneau

Publié par , le 17 octobre 2007.

26 avril 2006, les Portugais commémoraient la révolution des œillets du 25 Avril 1974. Avec le retour de la démocratie, le Portugal s’est doté d’une constitution instituant le droit au logement. Sans politique concrète, ce droit n’est qu’une déclaration de principe. C’est entre Août 1974 et 1976 qu’une opération d’envergure appelée SAAL, a visé à rendre effectif ce droit.





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Des chiffres de 1974 publiés au Bulletin Informatif des forces Armées évaluent « de 20 à 25% la population portugaise qui ne dispose pas de revenus pour payer même un loyer minimum (...). Près de 60% de la population touche des salaires qui la mettent en difficulté quotidiennement pour payer les loyers qui se pratiquent sur le marché... Dans la seule banlieue de Lisbonne, on estime que près de 20 000 familles, un total de plus de 80 000 personnes vivent dans les baraques ». En 1993 lors du recensement pour le PER (Programa Especial de Realojamento), 150 000 personnes furent recensées dans les quartiers de bidonvilles des aires métropolitaines de Lisbonne et Porto. Selon les statistiques de 2001, ce sont 978 000 logements soit 28% du parc qui manquent d’au moins une des infrastructures minimum de confort (eau courante, électricité, égouts...), près de 16% des logements nécessiteraient de travaux de réhabilitation ; parmi ces 796 000, ce sont 211 000 dégradés et 114 000 très dégradés. Les loyers sont 41% plus élevés que leur valeur réelle.

Faute d’une politique volontariste et constante dans le secteur du logement la situation ne s’est guère améliorée depuis 30 ans, même si au lendemain du 25 Avril 1974, une expérience intéressante fut lancée le temps du gouvernement provisoire. Sur fond d’idéaux révolutionnaires, il s’agissait de « donner une réponse aux revendications de milliers de familles opprimées, obligés de vivre en « bairros de lata » sans condition décente d’habitation ».

Le S.A.A.L., Servicio de Apoio Ambulatorio Local (Service d’Aide Mobile Locale) est une expérience qui engagea des équipes d’architectes, d’assistantes sociales, de juristes, d’ingénieurs, de sociologues... et qui avait comme objectif de départ d’« assainir des zones existantes et l’appropriation du lieu où l’on vit, une ébauche de définition de l’autoconstruction et un appui, à travers les municipalités, des initiatives des populations mal logées. » Ces opérations s’appuyaient donc sur des équipes pluridisciplinaires et les moyens financiers de l’Etat mais également sur les commissions de Moradores les premiers échelons d’organisation, sorte de syndicats des populations.

Le rôle des populations sera déterminant notamment dans le choix du terrain à bâtir, la discussion du budget, la typologie des maisons, le statut d’occupation, la gestion, la distribution des maisons, la création d’équipements collectifs et surtout le contrôle de toutes les opérations. Brigitte David, reprenant les slogans de l’époque, montre l’implication des populations et leur consciencialisation, au point qu’ils refuseront l’autoconstruction, qu’ils considèreront comme une « double exploitation » : « Maison oui ! Baraques non ! » « Fin immédiate des bidonvilles » « contre le chômage, à bas l’autoconstruction » « il n’y a qu’une lutte des bidonvilles »...

Au niveau national, en 1976 c’était pas loin de 30 000 logements qui furent programmés dans le cadre du SAAL ; à Oeiras en banlieue de Lisbonne, 9 opérations furent lancées, pour la construction de 2500 logements dont l’opération de Portela-Outurela qui servit à reloger les habitants du quartier de bidonville de Barronhos.

La visite de ce quartier, à l’occasion de la projection d’un documentaire sur la vie à Barronhos dans les années 70 montre un ensemble d’une centaine de maisons blanches de plein pied, de type pavillonnaire, avec leurs jardins, desservies par de petites venelles. Le quartier bénéficie d’équipement comme une piscine, terrain de jeux, un local pour l’association d’habitant…

Malgré les difficultés rencontrées à l’époque, techniques d’une part (lenteurs dans l’expropriation des terrains,...) politiques d’autres part (divisions internes, idéologie,...), le SAAL a représenté une politique exemplaire pour l’amélioration des conditions de logement mais il a également permis de replacer cet aspect de la vie quotidienne dans une problématique plus générale : « L’originalité du SAAL c’est peut être qu’à partir d’un décret un peu sec destiné à assainir les zones, à permettre aux habitants des bidonvilles de s’approprier le lieu de leur résidence, les populations se soient organisées et prennent en mains l’ensemble des problèmes qui, d’ordinaire, incombent à des spécialistes, c’est aussi à partir d’un domaine strictement délimité de la vie quotidienne, le logement, des populations plus ou moins marginales élaborent ensemble la gestion de leurs propres affaires. » (1)

« Le SAAL comme un type d’intervention directe à caractère prioritaire destiné à concrétiser le « droit au logement » sous le contrôle des habitants. » (2)

Amaël Raphaneau, avril 2006

(1) Brigitte David, « Le SAAL ou l’exception irrationnelle du système », revue Architecture d’Aujourd’hui N°185 (Mai 1976)

(2) Albano Pereira/ Fernando Meneses/ José Carlos Pereira, « Processo SAAL, o exemplo de Oeiras », revue Poder Local N°12 (Mars Avril 1979)